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En Hongrie, Viktor Orbán face aux élections les plus difficiles de sa carrière

Surfant sur son succès économique et sa générosité fiscale, le Premier ministre sortant est le favori des élections législatives de dimanche. C'est pourtant la campagne la plus serrée qu'il aura eue à gérer, avec une opposition unie pour la première fois et sa grande proximité avec Vladimir Poutine en pleine invasion de l'Ukraine par la Russie.

Le principal adversaire au Premier ministre sortant, Peter Marki-Zay est sorti vainqueur d'une primaire organisée par les six principaux partis d'opposition au Fidesz de Viktor Orbán.
Le principal adversaire au Premier ministre sortant, Peter Marki-Zay est sorti vainqueur d'une primaire organisée par les six principaux partis d'opposition au Fidesz de Viktor Orbán. (Peter Kohalmi/AFP)

Par Catherine Chatignoux

Publié le 2 avr. 2022 à 08:00

Cinq minutes. C'est le temps qui a été accordé au leader de l'opposition, Peter Marki-Zay, pour son unique apparition à la télévision publique, le 16 mars dernier, en pleine campagne électorale. Malgré ce manque d'accès criant aux médias publics entièrement contrôlés par le pouvoir, Peter Marki-Zay constitue pour la Hongrie la première chance sérieuse de renverser Viktor Orbán, le dirigeant nationaliste au pouvoir depuis douze ans, lors des élections législatives de dimanche.

Plus de 200 observateurs

Signe que la régularité du scrutin n'est pas garantie, l'OSCE a déployé sur place plus de 200 observateurs, un dispositif auquel, en Europe, seule la Bulgarie avait eu droit en 2013. Parallèlement, 20.000 volontaires ont été mobilisés par l'opposition pour surveiller les opérations de vote.

Les sondages prédisent une élection serrée pour Viktor Orbán, qui a déjà accompli trois mandats à la tête du pays. Pour la première fois, il doit affronter une opposition unie : de l'ex-formation de droite radicale, le Jobbik, aux socialistes en passant par les Verts, six partis au total se sont rassemblés autour d'un candidat unique, Peter Marki-Zay, choisi le 17 octobre au terme d'un long processus de primaires. 

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Cette stratégie de rassemblement s'était révélée payante lors des municipales d'octobre 2019 . Plusieurs grandes villes dirigées par le Fidesz de Viktor Orbán, dont Budapest, avaient été ravies par l'opposition.

Voter contre le régime Orban

Si le résultat de la primaire a surpris, en faisant émerger un total outsider, maire d'une ville moyenne, père de sept enfants et novice en politique, « son profil de conservateur, issu de la Hongrie profonde, est rapidement apparu comme un atout, susceptible d'attirer les électeurs traditionnels du Fidesz », note Lukas Macek, de l'Institut Jacques Delors. Pour le bloc anti-Orban, l'objectif est clair. ​Rétablir la démocratie et l'Etat de droit en Hongrie, assurer l'égalité des chances pour tous les citoyens et mettre fin à la corruption.

Le programme commun est à la fois pro-atlantiste et proeuropéen. L'adhésion à l'euro et au parquet européen de lutte anticorruption figurent en haut des priorités. « Mais le plus important pour les électeurs de l'opposition, c'est bien de voter contre le régime Orban qui s'étend bien au-delà du politique, à l'économie, la culture, l'éducation, la société », souligne Daniel Mikecz, analyste politique du groupe de réflexion hongrois Republikon.

A la veille du scrutin, le Fidesz affiche plusieurs points d'avance sur la coalition « Unis pour la Hongrie ». Si Viktor Orbán remporte les élections, « il est à peu près certain qu'il perdra sa large majorité des deux tiers », soit 133 sièges sur 200, qui lui ont donné lors des trois mandats précédents les leviers pour changer la constitution et mettre toutes les institutions sous sa coupe, explique encore Daniel Mikecz.

Discours haineux

La popularité de Viktor Orbán semble d'airain. Elle s'appuie sur de bons résultats économiques, même si les performances hongroises ne sont pas meilleures que celles de ses voisins d'Europe centrale et orientale. Elle s'explique aussi par une grande prodigalité à l'égard des classes moyennes et des familles. Au début de l'année, le dirigeant « illibéral » a annoncé une kyrielle de mesures sociales, dont une hausse de 20 % du salaire minimum (à 200.000 forints soit 360 euros nets), des augmentations de même ampleur dans la fonction publique, un 13e mois pour les retraités et le remboursement de l'impôt sur le revenu pour les ménages élevant des enfants.

De quoi faire oublier ses discours haineux contre les homosexuels, sa détestation des migrants non chrétiens et ses querelles constantes avec Bruxelles , contre qui il s'est déclaré « en jihad » du fait de sa politique migratoire.

« Loyauté clanique »

Le juriste Peter Techet décrit le régime de Viktor Orbán comme « un Etat mafieux ». « C'est un régime qui n'est pas fondé sur une idéologie mais sur une loyauté clanique maffieuse qui maintient le régime ensemble », explique-t-il au « Courrier d'Europe centrale ». En ajoutant que s'il est réélu, « sa rhétorique antioccidentale s'intensifiera et il tentera même de sortir la Hongrie de l'UE ». Et s'il était battu ? « Le régime d'Orban est trop fort pour être simplement balayé. Une grande partie de l'économie, la grande majorité des médias, toutes les institutions de l'Etat sont sous son contrôle. Il pourrait pratiquement continuer à gouverner comme un Etat profond contre le nouveau gouvernement. »

L'invasion de l'Ukraine par la Russie, dont on connaît la proximité de son dirigeant avec Viktor Orbán, est-elle de nature à pousser les électeurs dans les bras de l'opposition ? Quelques jours avant l'attaque, le leader hongrois était à Moscou pour signer de nouveaux contrats d'approvisionnement en gaz russe à prix d'ami et évoquer la construction imminente de deux nouveaux réacteurs nucléaires de technologie russe à la centrale hongroise de Paks .

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« Droite de la paix », « gauche de la guerre »

La poutinophilie de Viktor Orbán et son alignement constant sur la diplomatie du Kremlin auraient pu le mettre en difficulté à quelques jours des élections. Il a réagi habilement en condamnant l'attaque et en s'alignant sur les sanctions européennes visant les proches de Poutine. « Au final, nous faisons partie de l'Occident », a-t-il lancé, interpellé par Volodymyr Zelensky le 25 mars.

Pour autant, il est le seul dirigeant européen à avoir refusé de livrer des armes à l'Ukraine et même d'utiliser le territoire hongrois pour acheminer les matériels en Ukraine. « La Hongrie veut rester en dehors de cette guerre », s'est-il justifié. Il a retourné la situation à son avantage en présentant les élections comme un choix entre « la droite de la paix et la gauche de la guerre » depuis que son opposant Peter Marki-Zay s'est prononcé en faveur de l'envoi d'armes à Kiev. Viktor Orbán devrait aussi profiter de l'effet de « ralliement autour du drapeau » qui en temps de crise donne une prime au dirigeant en place.

Catherine Chatignoux

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