Le fonctionnement du marché unique, pierre angulaire de la construction européenne, est aujourd’hui mis à mal par la multiplication des aides d’Etat et les interventionnismes industriels nationaux. Comment le réinventer et l’adapter face à la concurrence croissante de la Chine ? Ancien premier ministre italien, Enrico Letta, actuel président de l’Institut Jacques Delors, a reçu, à la mi-septembre, un mandat européen pour rédiger un rapport sur le sujet. Dans un entretien au Monde, il ne dissimule pas ses inquiétudes.
Le marché unique est-il menacé de mort ?
Je lance un grand cri d’alarme. Le marché intérieur est au cœur de la construction européenne et de sa force, mais il traverse aujourd’hui un moment dangereux, pris en étau entre deux grands défis. Le premier vient de l’extérieur, avec l’essor des puissances chinoise et indienne, mais aussi avec l’Inflation Reduction Act [le grand plan américain pour financer la transition énergétique]. Les Etats-Unis n’ont jamais été aussi attentifs aux questions de compétitivité industrielle.
Le second défi est interne. Les trois années de crise que nous venons de traverser (Covid-19, guerre en Ukraine, crise énergétique) ont été surmontées grâce à des aides d’Etat, à des exceptions aux règles européennes et à des choix très nationaux, y compris dans la mise en œuvre concrète du plan de relance NextGenerationEU.
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