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Interview

Enrico Letta : « En Europe, Macron a une grande opportunité pour changer la donne »

INTERTIEW - L’ex-président du Conseil italien juge que le projet européen du candidat d’En Marche pourrait séduire Berlin. Il fustige l’idée de monnaie commune de Marine Le Pen.

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Enrico Letta, ancien président du Conseil italien et doyen de l'ecole des affaires internationales de Sciences Po.

Par Renaud Honoré

Publié le 4 mai 2017 à 19:06

Ancien président du Conseil italien de centre gauche (avril 2013- février 2014), Enrico Letta est aujourd’hui le doyen de l’Ecole d’affaires internationales de Sciences Po et le président de l’Institut Jacques Delors. Il revient pour « Les Echos » sur la place qu’a prise la question européenne dans la campagne présidentielle .

Cette campagne présidentielle va-t-elle permettre de trancher la question européenne, lancinante en France depuis 2005 ?

Ce deuxième tour, qui oppose le plus européiste des candidats et la plus europhobe constitue un grand élément de clarté pour la France. Clairement le vote pour Emmanuel Macron est un vote pour une relance du projet européen, quand celui pour Marine Le Pen signifie l’exact opposé.

Ce scrutin sera crucial pour l'Europe. La crise a changé le rôle de ses institutions. Il y a vingt ans, la Commission européenne était la salle des machines de l’Europe, mais aujourd’hui c’est le Conseil européen où siègent les chefs d’Etat et de gouvernement et où le président de la République joue un rôle clé. Les Français verront rapidement les conséquences de leur vote.

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Le débat très confus entre les deux candidats est-il de nature à clarifier les choses ?

Je serai moins critique. Le débat a obligé Madame Le Pen à sortir des slogans pour aller vers quelque chose de plus concret. Mais là, il est apparu qu’il n’y avait chez elle pas de projet, sinon de prendre des voix sur la peur des gens. Cette idée de monnaie commune n’a aucun sens économiquement, et je ne parle même pas de la faisabilité de la chose.

Au fond, ce que propose Marine Le Pen ressemble à ce que les partisans du Brexit proposaient, un fantasme de la puissance d’antan. Le Brexit, c’était l’envie d’un retour à la Compagnie des Indes. Avec Madame Le Pen, c’est la nostalgie de l’Empire. Mais le monde a changé, les Européens ne peuvent être forts qu’unis désormais.

Emmanuel Macron se veut très ambitieux pour la zone euro, mais son projet est imprécis...

Emmanuel Macron propose un saut fédéral pour la zone euro qui est absolument nécessaire. L’union monétaire est en place, reste maintenant à faire une vraie union économique sans quoi l’euro ne pourra jamais marcher. Nous avons besoin d’un fonds monétaire européen, comme Emmanuel Macron le propose, qui permettra d’intervenir pour éviter un chaos semblable à celui que l’on a connu en Grèce. Je note d’ailleurs que Yanis Varoufakis [ancien ministre grec des finances en 2015] a souligné ses convergences avec Emmanuel Macron.

Pourquoi l’Allemagne accepterait-elle cette Europe plus solidaire qu’elle a toujours refusée jusque-là ?

L'Allemagne a beaucoup bougé, et va encore bouger. Ceux qui la décrivent comme disant « non » à tout en sont restés à la situation de 2015. Depuis, elle a accepté sans trop contester l’assouplissement des règles budgétaires par la Commission européenne, et la politique monétaire non conventionnelle de Mario Draghi.

Son approche est beaucoup plus souple, peut-être aussi à cause de la crise des réfugiés. Et la prochaine élection pourrait encore accentuer la tendance : Angela Merkel n’est pas l’Angela Merkel d’il y a douze ans, et Martin Schulz est le candidat à la chancellerie le plus pro-européen jamais vu. Emmanuel Macron aura une grande opportunité pour changer la donne en Europe. Il y a une réelle fenêtre de tir fin 2017 après les élections des deux pays.

La relation à l’Allemagne oppose également les deux candidats. Quel sera le rôle du couple franco-allemand ?

La situation a beaucoup changé par rapport à 2007, quand Nicolas Sarkozy voulait se tourner en priorité vers le monde anglo-saxon, ou 2012 quand François Hollande voulait renégocier le traité budgétaire face à l’Allemagne. Le Royaume-Uni et les Etats-Unis se sont retirés, et l'Allemagne a changé.

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La montée des enjeux de sécurité et de Défense, quand la précédente décennie était dominée par l’économie, va aussi contribuer à rééquilibrer le couple franco-allemand. Celui-ci, aux côtés de l’Italie, peut jouer un rôle majeur pour changer l’Europe. L’Allemagne acceptera la relance s’il y a de la part de la France et l’Italie une approche sérieuse des questions budgétaires.

Renaud Honoré

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