Entre Pékin et Moscou, un vrai rapprochement mais des différences stratégiques énormes

"La Chine a une lecture assez convergente avec celle de la Russie sur les tensions avec les Etats-Unis, avec l'Otan, et ce qu'il considère comme 'l'Occident' au sens large", estime Mme Ekman. "Ce n'est pas un bloc bien défini, mais on est clairement dans une polarisation du monde."

AFP Publié le 16/09/2022 à 10:42, mis à jour le 16/09/2022 à 10:43
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Vladimir Poutine et Xi Jinping Photo AFP

Bloc, alliance, partenariat ? Le rapprochement entre la Chine et la Russie, jeudi 15 septembre à Samarcande, en Ouzbékistan, met en scène l'avènement d'une alternative à l'Occident, mais ses contours et ses ressorts restent incertains, compte tenu des différences stratégiques entre Pékin et Moscou.

Convergence idéologique, intérêts économiques, militaires, volonté de dépasser l'ordre multilatéral finissant érigé par un Occident dont les valeurs les menacent: les présidents chinois Xi Jinping et russe Vladimir Poutine partagent beaucoup de vues. Mais ils ne sont pas alliés, chacun jouant dans une catégorie différente et ayant ses propres intérêts bien compris, soulignent des experts.

"Ce n'est pas un bloc mais un vrai partenariat, déséquilibré et hétérogène", estime le chercheur Cyrille Bret, de l'Institut Jacques Delors à Paris.

Pour autant, il ne s'agit pas uniquement d'"un mariage d'intérêt", analyse la chercheuse Alice Ekman, analyste responsable de l'Asie à l'Institut d'études de sécurité de l'Union européenne (EUISS). "Il existe beaucoup de points de convergences" entre eux.

"La Chine a une lecture assez convergente avec celle de la Russie sur les tensions avec les Etats-Unis, avec l'Otan, et ce qu'il considère comme 'l'Occident' au sens large", estime Mme Ekman. "Ce n'est pas un bloc bien défini, mais on est clairement dans une polarisation du monde."

"Il n'y a pas de ciment idéologique entre les deux pays, mais une vision commune des relations internationales, de 'désoccidentalisation' du monde", pour M. Bret.

Emmanuel Dupuy, président de l'Institut Prospective et Securité en Europe (IPSE), qui préfère pour sa part parler de "bloc élastique", souligne "la réalité stratégique de ce rapprochement", illustrée par des exercices militaires conjoints qui se multiplient.

Les deux pays collaborent aussi dans les domaines énergétique et spatial, et coordonnent leurs actions dans les instances internationales existantes. 

Au final, pour M. Dupuy, une configuration se met en place à travers plusieurs organisations, dont l'Organisation de Coopération de Shanghai (OCS, cadre de la réunion Xi-Poutine de jeudi, ndlr), confirmant "une 'orientalisation' des relations internationales".

Cela "va d'ailleurs sans doute s'exprimer de manière plus unitaire lors de la prochaine Assemblée générale des Nations unies", alors qu'au sommet de l'OCS à Samarcande étaient conviés les dirigeants du Belarus, d'Iran, d'Inde, du Pakistan et de plusieurs pays d'Asie centrale qui ont pu partager leurs vues avec Xi Jinping et Vladimir Poutine à quelques jours de la réunion des dirigeants mondiaux à New-York.

Pas d'alliés mais des partenaires

Mais Pékin et Moscou ne sont pas sur un pied d'égalité, très loin de là. "La Russie va à Canossa en se rapprochant de cette organisation créée par la Chine, initialement pour limiter l'action russe en Asie centrale. Cela montre à quel point Poutine a besoin de la Chine", estime M. Dupuy.

Isolée et sanctionnée à l'Ouest, "la Russie doit faire un pivot vers l'est et elle n'a pas mille possibilités", résume M. Bret.

"La Chine est plus forte que la Russie. Et ses intérêts sont plus globaux et plus divers. L'objectif de Pékin est de préserver son entente avec la Russie au niveau stratégique, pour contrer le pouvoir américain", juge Evan Feigenbaum du centre Carnegie Endowment for International Peace. 

"Mais sans avoir à soutenir Moscou au niveau tactique, puisque Pékin bénéficie de l'accès aux marchés mondiaux, évite les sanctions et noue des relations avec des pays, comme ceux d'Asie centrale, qui sont terrifiés par la Russie".

"La Chine n'a pas d'alliés mais des partenaires, elle a une stratégie de coalition", rappelle Mme Ekman. Pour l'historien Pierre Grosser, le soutien de Xi Jinping à Poutine peut s'avérer "un piège pour la Chine". L'hostilité russe envers l'Occident "oblige à suivre une pente dangereuse de confrontation qui rend difficile une coexistence pacifique, alors que la Chine a encore besoin économiquement et technologiquement des échanges avec les grands pays capitalistes", écrit-il dans la revue Politique étrangère de l'Ifri.

Néanmoins, selon Mme Ekman, "dans un contexte de tensions très fortes et prolongées entre Pékin et Washington", la Chine "considère avoir intérêt à accélérer son rapprochement avec la Russie".

Une situation qui ne laisse pas d'inquiéter, notamment à Taïwan, où le gouvernement a estimé vendredi que le renforcement des liens entre Moscou et Pékin nuisait à "la paix internationale".

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Var-Matin

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