Frans Timmermans l’a fait, dit-il, avec « le cœur lourd » et pas dans l’optique de déclencher « une guerre nucléaire », mais pour tenter, une fois encore, d’instaurer un dialogue. Il n’empêche : l’annonce, mercredi 20 décembre, par le premier vice-président de la Commission de Bruxelles qu’elle demandait au Conseil européen d’activer l’article 7 du traité de l’Union européenne (UE) à l’encontre de la Pologne, accusée de bafouer l’indépendance de son pouvoir judiciaire, apparaît comme un moment historique dans le fonctionnement de l’Europe. Et aussi comme une nouvelle phase des crispations entre l’Est et l’Ouest avec comme enjeu, cette fois, le respect de l’Etat de droit, l’une des valeurs censées unir les pays membres et fonder le modèle que l’UE entend offrir au monde.
M. Timmermans a encore l’espoir que le pouvoir polonais « se rendra à la raison » à l’issue de cette menace de sanctions, qui a été précédée de trois recommandations et de vingt-cinq échanges de lettres qui n’ont pas empêché l’adoption de treize lois litigieuses. Le président polonais, Andrzej Duda, a affirmé, quelques heures après l’annonce faite à Bruxelles, qu’il promulguerait deux lois contestées, sur la Cour suprême et le Conseil national de la magistrature, qui complètent la reprise en main du pouvoir judiciaire du pays.
La Hongrie au secours de la Pologne
Bruxelles juge indispensables des amendements aux lois sur la Cour suprême de Pologne – qui prévoit la mise à la retraite de quelque 40 % de ses juges –, et la fin du pouvoir discrétionnaire dont dispose le président de la République sur la Cour. La Commission exige aussi la refonte des dispositions sur les tribunaux de droit commun, qui a permis au ministre de la justice d’écarter sans ménagement vingt-cinq présidents de tribunaux, et d’en nommer trente-cinq autres. Bruxelles demande également de modifier la loi sur le Conseil national de la magistrature qui politise le processus de nomination des juges. Elle se dit disposée à attendre trois mois encore avant le passage à l’étape suivante.
L’article 7 du traité de l’UE énonce en son point 1 – celui qui est déclenché à ce stade – que, par un vote de quatre cinquièmes de ses membres, le Conseil peut constater qu’il existe « un risque clair de violation grave par un Etat membre des valeurs de l’UE ». Ensuite, le pays concerné peut être privé de ses droits, dont celui de participer aux votes. Une suspension de fait, qui suppose toutefois une décision unanime. Et dont, quoi qu’il arrive, le pouvoir polonais devrait être préservé : la Hongrie de Viktor Orban a répété, mercredi, qu’elle s’opposerait à une telle mesure.
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