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Crédit : Peter Reynolds

Une victoire de Marine Le Pen le 24 avril changerait radicalement la donne en Europe.

Peter Reynolds

Ce sera l'une de ses premières mesures si elle entre à l'Elysée : décrocher les drapeaux européens des frontons républicains. Le symbole est fort. Et prouve que, derrière un discours lénifiant, Marine Le Pen est toujours aussi dangereuse pour la France. Avec elle, notre pays verrait non seulement ses idéaux bafoués, mais il se retrouverait marginalisé - et donc affaibli - en Europe et dans le reste du monde.

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Nos voisins, chez qui ce scénario fait souffler un vent de panique, ne s'y sont d'ailleurs pas trompés. "Si Marine Le Pen arrive au pouvoir, ce sera la fin de l'Union européenne, prédit Enrico Letta, ancien Premier ministre italien. Avec elle, le moteur européen, qui fonctionnait bien avec Macron, s'arrêterait." Mais c'est sans doute outre-Rhin que l'inquiétude est la plus forte, la responsable populiste ne faisant pas mystère de son intention d'en finir avec le couple franco-allemand. "La France deviendrait un autre pays - et l'Europe un autre continent", a résumé Der Spiegel.

Le risque d'un "effet domino"

La Hongrie et la Pologne, avec leurs dirigeants de droite radicale Viktor Orban et Mateusz Morawiecki, perturbent déjà le fonctionnement de l'Europe. Mais leurs attaques visent surtout à remettre en cause l'Etat de droit. "Marine Le Pen bloquerait des décisions dans tous les domaines, y compris financiers, économiques, monétaires ; cela aurait des effets bien plus importants, sur tout le continent", avertit Michel Duclos, ancien ambassadeur et conseiller spécial de l'Institut Montaigne. Le risque serait que le basculement de la France, et le choc psychologique qui s'ensuivrait, entraîne un "effet domino".

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© / Dario Ingiusto / L'Express

Certes, la candidate du RN ne parle plus, comme en 2017, de quitter l'UE - une perspective trop anxiogène pour les Français - mais de la remplacer par une "Europe des nations". Un concept bancal qui mènerait à un quasi "Frexit" qui ne dit pas son nom et à une véritable fragilisation de l'Europe. "Quand elle propose de rétablir le contrôle des biens aux frontières, cela signifie des restrictions d'importation entre les Etats membres, c'est contraire aux traités et au droit européens. Même chose pour sa réforme de l'espace Schengen, qui introduirait des procédures pour le passage des personnes", pointe Christine Verger, vice-présidente de l'Institut Jacques Delors. Sans parler de sa volonté de modifier la Constitution française par référendum pour instaurer la primauté du droit national sur le droit européen, "non seulement dans le domaine de l'immigration, mais aussi dans toutes les matières".

Sur l'Otan, une position préoccupante

Tout aussi préoccupant, la candidate populiste veut "reconsidérer radicalement" les alliances stratégiques de notre pays. Faisant fi de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, et des crimes atroces commis par cette dernière, elle écrit noir sur blanc dans son programme vouloir créer une "alliance" avec Moscou et prône un "rapprochement stratégique" entre l'Otan et la Russie à l'issue de la guerre. Cette proximité affichée fracturerait l'unité européenne et transatlantique face à l'agresseur russe. Et compliquerait l'adoption de nouvelles sanctions de l'UE - prises à l'unanimité - contre Moscou, puisque Marine Le Pen s'oppose à celles qui pourraient avoir des conséquences sur notre économie. Du pain bénit pour la Russie et tous les régimes autocratiques.

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D'autant que, parallèlement, la dirigeante sortirait la France du commandement intégré de l'Otan. Une décision qui entraînerait une perte majeure d'influence à la fois en Europe et vis-à-vis des Etats-Unis. "En dénonçant des traités européens et internationaux auxquels la France a souscrit, nous perdrions notre crédibilité, complète Marc-Olivier Padis, directeur des études du centre de réflexion Terra Nova. Nous entrerions alors dans une logique transactionnelle permanente - comme l'avait théorisé Donald Trump -, fluctuant au gré des aléas politiques, ce qui ne peut donner lieu à de véritables coopérations."

Car contrairement à ce qu'elle affirme, Marine Le Pen ne dispose pas vraiment d'alliés sur le Vieux Continent. Son rapprochement avec le chef du gouvernement polonais ne survivra probablement pas à la guerre en Ukraine - Varsovie est plus anti-russe que jamais. En réalité, elle ne pourrait s'appuyer que sur le Hongrois Viktor Orban, chantre de la démocratie "illibérale", qui l'a reçue en grande pompe en octobre 2021. "Marine Le Pen a beaucoup de points communs avec Orban, qu'il s'agisse de sa volonté d'affaiblir l'Union européenne ou de réduire les programmes communautaires à de simples coopérations intergouvernementales", commente Peter Balazs, ancien ministre des Affaires étrangères hongrois. A cet égard, les atteintes hongroises à l'indépendance de la justice et à la liberté de la presse ne rassurent pas sur les intentions de la candidate française, dont les emprunts au dirigeant hongrois ne sont pas qu'idéologiques. N'a-t-elle pas financé sa campagne grâce à un prêt de 10,6 millions d'euros d'une banque hongroise appartenant à un ami d'Orban ?

Le succès de Marine Le Pen ferait un autre heureux, autrement plus puissant : Vladimir Poutine - qui avait déjà tenté de faire basculer l'élection présidentielle française en 2017 en faveur du RN. En s'alliant avec lui, la candidate, qui a longtemps fait part de son "admiration" pour le chef du Kremlin, et dont le parti est endetté (jusqu'en 2028) auprès de la Russie, placerait immanquablement notre pays sous l'influence d'un dictateur. Paradoxal, pour une femme politique qui n'a que le mot "souveraineté" à la bouche.

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