Flambée des prix de l’énergie : "Les États peuvent déjà taxer les surprofits du secteur de l’électricité, l'Espagne l'a déjà fait..."
La Vivaldi a adopté un troisième paquet de mesures pour faire face la flambée des prix de l’énergie. En ce qui concerne les mesures plus structurelles, Tinne Van der Straeten compte sur l’Europe. Mais est-ce réaliste ?
- Publié le 16-03-2022 à 06h33
- Mis à jour le 16-03-2022 à 10h37
Le gouvernement fédéral s'est donc mis d'accord sur un troisième paquet de mesures destinées à aider les ménages à faire face à la flambée des prix de l'énergie. Des mesures de "court terme" qui répondent à "l'urgence" de la situation, selon la Vivaldi. Des mesures plus structurelles suivront, a précisé le Premier ministre, Alexander De Croo (Open VLD).
Mais quelles pourraient être ces mesures structurelles ? Le cabinet de la ministre de l'Énergie, Tinne Van der Straeten (Groen), répond que l'introduction de ces mesures structurelles dépendra de ce qui se passera au niveau européen. Et de citer la proposition belge de plafonner les prix du gaz dans l'UE. "Nous avons bon espoir qu'un plafonnement du prix du gaz soit mis en place au niveau européen, commente Stéphanie Maquoi, porte-parole de Tinne Van der Straeten. Le plafond européen pourrait être calqué sur le prix asiatique du gaz. On pourrait aussi ramener ce plafond au prix européen d'avant la crise".
Alexander De Croo, qui se dit partisan du libre marché, est aussi favorable à ce type d’intervention publique. C’est actuellement le “Far West” sur le marché du gaz, argumente le libéral, rejoint par Tinne Van der Straeten : les prix actuels “reflètent une pénurie alors qu’il n’y a pas de pénurie”.
L'écologiste compte également sur la taxation des surprofits engrangés dans le secteur de la production d'électricité pour dégager des marges budgétaires. Pour rappel, l'Agence internationale de l'énergie a estimé que les producteurs européens d'électricité pourraient réaliser 200 milliards d'euros de surprofits dans les conditions actuelles. Une sacrée manne… "D'ici une semaine ou deux, la Commission européenne va communiquer davantage d'informations sur la façon de taxer ces bénéfices exceptionnels, explique Stéphanie Maquoi. Nous attendons d'avoir l'input de la Commission pour nous aligner".
En Belgique, certains producteurs redoutent d'ailleurs de voir apparaître une taxation spéciale sur certains bénéfices exceptionnels. Pour rappel, une étude de la Creg, le régulateur du secteur, avait conclu que les bénéfices des centrales au gaz "sont les plus élevés des quinze dernières années et on s'attend à ce que cette tendance se poursuive en 2022". Certains producteurs rétorquent cependant que les centrales au gaz n'ont pas (ou quasiment pas) dégagé de bénéfices durant de nombreuses années et qu'il serait injuste de les taxer après un exercice juteux.
L’Europe, la bonne excuse ?
Mais quelles sont les chances que ces mesures soient adoptées au niveau européen ? Nous avons posé la question à Thomas Pellerin-Carlin, directeur du Centre énergie de l’Institut Jacques Delors.
En ce qui concerne le plafonnement du prix du gaz, il émet des doutes quant à la possibilité de mettre en place cette mesure de façon efficace. "La Commission européenne a dévoilé un plan visant à réduire de deux tiers notre dépendance au gaz russe, déclare-t-il. L'une des mesures phares consiste à remplacer une partie du gaz russe par du gaz naturel liquéfié (GNL) acheminé par bateaux depuis plusieurs régions du monde. Or l'Europe est en concurrence avec l'Asie pour attirer ce GNL. Si le plafond européen du prix du gaz est inférieur au prix asiatique, nous n'attirerons aucun navire. Et si le plafond européen est supérieur au prix asiatique, les prix du gaz pourraient rester élevés".
“Les États peuvent déjà taxer les surprofits”
En ce qui concerne la taxation des surprofits du secteur de l'électricité, Thomas Pellerin-Carlin estime que l'Europe a déjà fait sa part du travail. "Les États membres qui veulent taxer ces surprofits sont libres d'agir, la Commission européenne a déjà donné son feu vert, explique-t-il. L'Espagne a d'ailleurs déjà pris des mesures à ce niveau-là".
Enfin, cet expert ne pense pas que la réforme du mécanisme de formation des prix de l'électricité soit une réponse rapide à mettre en œuvre. Pour rappel, la dernière technologie mise en route pour satisfaire la demande fixe les prix de l'électricité. Comme c'est souvent une centrale au gaz qui est cette dernière technologie, le prix élevé du gaz se répercute sur les prix de l'électricité. "Bien sûr, il faudra probablement revoir ce mécanisme, déclare-t-il. Mais ce n'est pas quelque chose qui est faisable rapidement. Ce genre de réforme pourrait prendre 3 ou 4 années pour produire ses effets".
Ce dernier pense que des mesures plus simples pourraient avoir un impact réel très rapidement. "La sobriété énergétique, précise-t-il. On s'habille plus chaudement pour pouvoir vivre dans nos écoles, nos bureaux, nos logements, tout en coupant le chauffage ou en le réduisant de plusieurs degrés. Cela réduirait significativement nos consommations de gaz, et donc son prix."