Gaz : la France s'oppose à la baisse de 15% de la consommation demandée par Bruxelles

Après l'Espagne, le Portugal, la Grèce et l'Italie, la France s'est dite lundi opposée à un objectif uniforme de réduction de l’utilisation de gaz en Europe, refusant à son tour l’appel de Bruxelles enjoignant les Etats membres à baisser chacun de 15% leur consommation pour passer l’hiver. Selon le gouvernement, l’effort devrait en effet tenir compte des spécificités de chaque pays, et notamment de leurs capacités physiques d’exportation vers les régions les plus affectées par la diminution des livraisons russes.
mardi 26 juillet, Agnès Pannier-Runacher proposera au conseil extraordinaire des ministres européens chargés de l'énergie que les Etats s'entendent sur des objectifs de baisse de la consommation qui dépendent des capacités de la situation de chacun des pays membres, et notamment de leur capacité d'exportation.
mardi 26 juillet, Agnès Pannier-Runacher proposera au conseil extraordinaire des ministres européens chargés de l'énergie que les Etats s'entendent sur des objectifs de baisse de la consommation qui dépendent des capacités de la situation de chacun des pays membres, et notamment de leur capacité d'exportation. (Crédits : POOL)

[Article mis à jour le 25/07/2022 à 16:20]

Et maintenant la France. Face à la crise énergétique qui secoue les Vingt-Sept du fait de l'offensive russe en Ukraine, le gouvernement d'Elisabeth Borne s'oppose à son tour au plan sobriété demandé par Bruxelles pour passer l'hiver sans gaz russe. La semaine dernière, la Commission européenne avait en effet appelé tous les Etats membres de l'Union à réduire leur consommation nationale de gaz de 15% minimum entre août et mars 2023, par rapport à la moyenne des cinq dernières années.

Après l'Espagne, le Portugal, la Grèce et l'Italie, l'Hexagone a donc lui aussi montré ce lundi son opposition à cette idée, expliquant ne pas être favorable à une cible de baisse de l'utilisation du fameux combustible uniforme à l'échelle du continent, selon le cabinet de la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher.

Tenir compte des capacités d'exportation

Car selon cette dernière, la réduction devrait tenir compte des spécificités de chacun. Ce mardi 26 juillet, elle proposera ainsi au conseil extraordinaire des ministres européens chargés de l'énergie que les Etats s'entendent plutôt sur des objectifs en fonction des capacités et de la situation particulière de chacun des pays membres. Et notamment de leur capacité d'exportation du fameux combustible chez leurs voisins, afin d'approvisionner ceux qui seraient le plus durement touchés.

Et pour cause, à quoi bon économiser le précieux hydrocarbure si les gazoducs manquent afin de l'envoyer là où les besoins sont élevés ? « On va faire le maximum pour aider nos partenaires européens [...] mais, ça ne sert à rien de faire des efforts en plus qui, de toute façon, n'auraient pas d'effet sur les capacités à aider nos voisins », précise-t-on au cabinet de la ministre, en assurant vouloir faire jouer à plein la solidarité avec l'Allemagne, très affectée par la crise du fait de sa lourde dépendance à la Russie en matière énergétique.

Et d'ajouter que « les capacités physiques de transfert de gaz de l'Ouest vers l'Est sont de toute façon limitées », en précisant que la cible de 15% de baisse de consommation de gaz évoquée par l'Union européenne pourrait avoir un impact important sur l'économie française.

Ces arguments rejoignent ceux mis en avant quelques jours plus tôt par Madrid et Lisbonne, qui ont rappelé la semaine dernière leur très faible exposition au gaz russe, et le risque pour leurs industries d'un objectif monocorde de baisse de la consommation. La ministre espagnole de la Transition écologique, Teresa Ribera, avait d'ailleurs critiqué une annonce qui ne tenait « pas compte des réalités diverses en matières d'infrastructures énergétiques ».

« On va potentiellement regarder lors des négociations s'il n'y a pas la possibilité, au-delà de la simple réduction de la consommation, d'utiliser les infrastructures disponibles pour aider à la solidarité européenne. Comme, par exemple, les nombreux terminaux méthaniers [qui regazéifient le gaz naturel liquéfié acheminé par navire des quatre coins du monde, ndlr] en Espagne, afin de redispatcher le gaz dans le reste de l'UE », expliquait jeudi à La Tribune Phuc-Vinh Nguyen, chercheur en politiques énergétiques européennes à l'institut Jacques Delors.

Plateforme de redistribution du GNL

Reste que, selon le chercheur, l'argument pourrait également avoir un autre but : celui de justifier la construction d'un terminal de regazéification du GNL au Havre, prévu dans le cadre du projet de loi sur le pouvoir d'achat. « La France consomme 40 milliards de mètres cube de gaz par an. Pour l'instant, sa capacité totale de regazéification s'élève à 35 milliards de mètres cube. Ce nouveau projet s'inscrit donc dans la logique de faire du pays une plateforme de redistribution du gaz en Europe, sans pour autant réduire la demande », estime-t-il.

Pour l'heure, l'entourage d'Agnès Pannier-Runacher n'a en tout cas pas souhaité donner d'objectif précis de baisse de consommation du gaz pour la France. En-dehors du plan bruxellois, le ministère travaille néanmoins déjà sur un plan de réduction de consommation d'énergie (électricité et gaz) de 10% d'ici 2024, dont les contours devraient être précisés aux alentours de la rentrée.

Lire aussiLa Hongrie se rapproche de Moscou, l'Espagne et le Portugal se rebellent : l'Europe se déchire sur le gaz

Mesure disproportionnée pour la Grèce

En plus de ces quatre pays, Malte et Chypre ferait partie du clan des États réfractaires, selon le ministre grec de l'Energie Kostas Skrek. Sachant qu'environ 70% du gaz importé par la Grèce sert à la production d'électricité, ce dernier a expliqué qu'une telle réduction induirait très vraisemblablement des perturbations dans l'approvisionnement des particuliers comme des entreprises.

« Même si nous réduisons de 15% notre consommation, ça ne veut pas dire pour autant que plus de gaz ira en direction de l'Allemagne », a insisté le ministre grec.

Qualifiant la mesure de « disproportionnée », Joao Galamba, le secrétaire d'Etat à l'Environnement et à l'Energie du Portugal a, quant à lui, rappelé la semaine dernière que cette mesure serait difficile à mettre en œuvre au Portugal alors que le pays a été contraint « d'augmenter fortement sa consommation de gaz en raison de la sécheresse » exceptionnelle de cette année. Par ailleurs, a-t-il fait valoir, la proposition de la Commission « n'est pas adaptée pour des pays qui ne sont pas interconnectés » au réseau gazier comme le Portugal.

Bond des bénéfices du groupe pétrolier et gazier portugais Galp

Les bénéfices du groupe pétrolier et gazier portugais Galp ont bondi de 90% au deuxième trimestre, à 265 millions d'euros par rapport à la même période il y a un an. Au premier semestre, le bénéfice du groupe s'est élevé à 420 millions d'euros, contre 166 millions d'euros sur les six premiers mois de 2021.L'excédent brut d'exploitation (Ebitda) de Galp s'est établi au deuxième trimestre à 1,24 milliard d'euros contre 571 millions un an auparavant, grâce à "des conditions de marché favorables, notamment dans les secteurs de l'exploration, du raffinage et des énergies renouvelables", explique Galp dans un communiqué.

Pour rappel, le groupe a racheté pour 140 millions d'euros les 24,99% qu'il ne possédait pas encore dans Titan Solar, une coentreprise d'énergie renouvelable créée avec la société d'ingénierie espagnole ACS en 2020, a-t-il détaillé. Titan Solar exploite actuellement des parcs solaires d'une capacité installée de 1,15 GW et développe d'autres projets d'une capacité potentielle de 1,6 GW, tous situés en Espagne.

Pour l'heure, l'entourage de la ministre n'a pas souhaité donner d'objectif précis de baisse de consommation du gaz pour la France. En-dehors du plan bruxellois, Agnès Pannier-Runacher travaille déjà sur un plan de réduction de consommation d'énergie (électricité et gaz) de 10% d'ici 2024 annoncé le mois dernier.



Commentaires 12
à écrit le 26/07/2022 à 18:43
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Donc si je comprend tout à la lecture certains pays dont la France étaient la réduction et aujourd'hui ils sont pour Youpi!

à écrit le 26/07/2022 à 9:49
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Ursula de Bruxelles, qui a du touché des dizaines de millions $ de pot de vin par le pdg de Pfizer, elle qui s'est déplacé à New York pour lui remettre un prix ! (si si) ces embrassades avec le pdg de Pfizer, si proche, que cela en devenait gênant, ...

à écrit le 26/07/2022 à 9:19
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Quand il s'agit de faire payer les déficits et les inefficiences françaises par l'Allemagne via l'euro, la solidarité européenne est vantée en France. Par contre, quand il s'agit de renvoyer l'ascenseur à l'Allemagne qui subit un coup dur à cause de ...

le 26/07/2022 à 11:08
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non l'exigence de l'allemagne envers tout les pays.. par le passé ne doit pas etre accompagne maintenant car elle est en crise elle doit se debrouiller seul ce pays est riche il n'a qu'a puise dans sa caisse et ne pas mettre la pression sur ces voi...

à écrit le 25/07/2022 à 23:35
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On comprend finalement que tout ça c'est au benefice exclusif de l'Allemagne : quand ces pays se justifient à ne pas vouloir de cet objectif ils expliquent que de toute façon ils ne pourront pas le donner à l'Allemagne . N'est pas publié ici la repo...

à écrit le 25/07/2022 à 17:26
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ah ben si meme les gauchistes francais commencent a se plaindre de l'union sovietique europeenne, c'est que ca va mal!!! l'europe qui au lieu de regler les pbs structurels et la convergence des economies, regarde plutot a normaliser les taux d'omega3...

à écrit le 25/07/2022 à 16:15
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Ne pas chercher : le pouvoir en place semble au service exclusif des quelques grandes fortunes. Donc, il doit y avoir dans le lot quelques très très riches pour qui ces restrictions ne sont pas arrangeantes. Le pouvoir en place émet donc des doutes s...

le 25/07/2022 à 16:40
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Le gouvernement français est aussi au services des grandes fortunes de l'Italie, Espagne, Grèce et Portugal ?????? votre argument ne tient pas .

à écrit le 25/07/2022 à 16:09
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Cette dame Pannier Runacher est en plein divorce et je pense qu'elle a d'autres soucis que notre consommation d'électricité

à écrit le 25/07/2022 à 15:16
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Pour le moment, cette décision n'a pas encore été discutée (ça ne semble pas faire l'unanimité, sauf peut-être ceux pour qui le gaz russe est une grande partie de leurs achats et si les pays voisins pouvaient leur 'donner' le leur en se serrant la ce...

à écrit le 25/07/2022 à 15:00
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Allemagne, Pologne, France, Hongrie et sans doute d'autres, n'ont pas l'intention de mettre leur économie à plat pour cause de défaut du gaz russe. Je dirai qu'il y a de l'eau dans le gaz Russe et que les sanctions non réfléchies de Bruxelles sous la...

le 25/07/2022 à 15:23
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partir en morceaux, c'est le rêve ultime de Mr Poutine, le gros bloc près de chez lui doit être et rester fragmenté, le gaz va y contribuer. Sinon danger (450 millions de gens ? 1ère puissance économique mondiale, je crois, si tous unis). Avoir une ...

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