Enquête de l’UE sur les subventions automobiles chinoises : Pékin tape à nouveau du poing sur la table

Le vice-Premier ministre chinois He Lifeng a réaffirmé le « fort mécontentement » de Pékin concernant une enquête de l'Union européenne sur les subventions accordées aux voitures électriques, lors de sa rencontre avec le commissaire européen au commerce Valdis Dombrovskis.
(Crédits : CHINA DAILY)

Le ton monte entre la Chine et l'Union européenne, après la décision de Bruxelles de lancer une enquête sur les subventions accordées par Pékin aux constructeurs de voitures électriques. Laquelle pourrait déboucher sur un fort relèvement des droits de douane sur les voitures chinoises. Ce lundi, alors que Pékin avait déjà dénoncé une mesure « protectionniste» qui aura « un impact négatif sur les relations économiques » entre les deux blocs, le vice-Premier ministre chinois He Lifeng en a remis une couche lors de sa rencontre avec le commissaire européen au commerce Valdis Dombrovskis, en réaffirmant le « fort mécontentement » du gouvernement chinois,

« La Chine exprime une fois de plus sa grande inquiétude et son profond mécontentement face au projet de l'UE de lancer une enquête antisubventions sur les véhicules électriques chinois », a déclaré He Lifeng lors d'une conférence de presse conjointe avec Valdis Dombrovskis à Pékin.

Plus tôt dans la journée, Valdis Dombrovskis n'y était pas allé de main morte en faisant en indiquant que les entreprises européennes étaient victimes de discriminations en Chine.

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« Le gouvernement chinois a créé un environnement commercial plus politisé en élargissant sa panoplie d'outils pour protéger la sécurité nationale et son développement », avait-il déclaré.

Et « cela s'est traduit par une moindre transparence, un accès inégal aux marchés publics, des discriminations sur les normes et exigences en matière de sécurité, ainsi que des exigences en matière de localisation et de transfert de données ».

Le commissaire européen a notamment cité les lois de sécurité nationale récemment approuvées en Chine.

Muscler ses muscles sans trop irriter Pékin

En ouvrant une enquête sur des aides présumées illégales de la Chine à ses fabricants de voitures électriques, l'UE tente un pari difficile : montrer ses muscles sans trop irriter Pékin, réduire sa dépendance commerciale sans rompre avec le géant asiatique. En Chine depuis samedi, Valdis Dombrovskis s'efforce d'expliquer les attaques de la présidente Ursula von der Leyen contre « les pratiques déloyales » de la Chine et l'enquête antisubventions sur les véhicules chinois annoncée dans un discours à Strasbourg le 13 septembre.

Derrière cette passe d'arme, l'Europe veut éviter un conflit funeste et « maintenir le dialogue ouvert » avec son premier partenaire commercial, a souligné Valdis Dombrovskis. Mais Bruxelles entend aussi protéger son industrie automobile face à une déferlante d'importations chinoises bon marché.

La Chine, premier exportateur mondial de voitures

Sur le créneau de l'électrique, leur part de marché a été multipliée par 12 en Europe depuis 2019 pour atteindre 6,2% cette année, selon Jato Dynamics. Et, au premier semestre, la Chine est devenue le premier exportateur mondial de voitures, dépassant pour la première fois le Japon.

L'avertissement de Mme von der Leyen « n'est pas qu'un coup de menton. C'est suffisamment offensif pour que ça ait été murement réfléchi », estime Elvire Fabry, chercheuse en géopolitique du commerce à l'Institut Jacques Delors.

Sans présumer du résultat de l'enquête, qui devrait durer un an, cette experte « n'imagine pas que la Commission soit allée à l'aventure sans éléments solides ». La Chine a une longue pratique d'aides massives « subventions, réductions de taxes, marchés publics très généreux, accès à des terrains gratuits pour l'implantation d'usines ... », assure-t-elle.

L'UE pourrait décider de taxer les véhicules importés de Chine, au-delà des 10% actuels. Mais il n'est pas sûr qu'elle y ait intérêt. Et réunir les preuves s'annonce complexe.

« Il n'est pas acquis que l'enquête aboutira » à des mesures, estime Simone Tagliapietra, de Bruegel. Selon le centre de réflexion, sur 342 enquêtes antisubventions lancées par la Commission contre la Chine depuis 15 ans, 101 n'ont pas donné lieu à l'imposition de droits de douane compensateurs.

Pour Ferdinand Dudenhöffer, expert du Center Automotive Research (CAR) en Allemagne, les accusations lancées par Ursula von der Leyen sont cependant « extrêmement dangereuses ».

« Protéger l'industrie française »

Il y voit une initiative inspirée par la France, dont l'industrie automobile est inexistante en Chine, un marché crucial pour l'Allemagne malgré des parts de marché en recul. On veut « protéger l'industrie automobile française » en Europe « au détriment de la filière allemande » qui réalise 40% de son chiffre d'affaires mondial en Chine, affirme-t-il.

Ferdinand Dudenhöffer estime d'ailleurs que le succès chinois dans les véhicules électriques ne provient pas de mesures protectionnistes mais plutôt d'une politique « intelligente » menée « sur le long terme ».

Très en retard sur les motorisations essence et diesel, Pékin a investi très tôt dans les batteries, un secteur dont elle est devenue le champion mondial en s'assurant aussi un contrôle des filières de matières premières.

Résultat, le constructeur chinois BYD y a doublé l'allemand Volkswagen en fin d'année dernière pour devenir numéro Un des ventes, en produisant moins cher, grâce à de très grandes séries, comme l'américain Tesla.

Les groupes chinois ont investi l'entrée de gamme délaissée par les Européens. Or, les véhicules électriques deviennent aussi un marché de masse dans l'UE où la vente de moteurs thermiques sera interdite à partir de 2035.

L'Europe avait subi un échec cuisant face à Pékin sur le marché des panneaux photovoltaïques. Après avoir imposé des mesures anti-dumping, elle les avait retirées en 2018, abandonnant complètement le marché aux concurrents chinois. Mais l'automobile est une filière stratégique qui emploie 14,6 millions de salariés dans l'UE. Difficile, cette fois, d'imaginer un abandon en rase campagne.

D'autant que la posture européenne a changé après le choc de la pandémie de Covid puis de la guerre en Ukraine qui ont révélé le danger d'une dépendance excessive vis à vis de l'étranger. Notamment en Allemagne, traumatisée par l'interruption des livraisons de gaz russe. L'UE s'est dotée ces dernières années d'outils de défense de ses intérêts économiques pour diversifier ses fournisseurs, produire plus en Europe, exiger l'ouverture des marchés publics ou luter contre la coercition.

(Avec AFP)

Commentaires 5
à écrit le 28/09/2023 à 8:42
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Bruxelles fait semblant de s'émouvoir des conséquences pourtant parfaitement prévisibles de ses décisions. Quel cinéma.

à écrit le 26/09/2023 à 8:36
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Du cinéma tout ça ! Un bon gros chèque aux bons dirigeants européistes bien placés sur ce dossier et ça va être vite réglé ! C'est que noël approche hein et ya des priorités pour nos dirigeants européens ! Leurs étrennes.

à écrit le 26/09/2023 à 6:43
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Bonjour, dans tous les cas, ils faut surtout voir le prix de vente et de fabrication de la production européenne... Ils n'est pas question d'acheter des voiture a 30 000 euros car , elle sont électriques... Inutile d'enrichir les constructeurs d'...

à écrit le 25/09/2023 à 23:00
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Bah les européens ne trouveront aucune preuve d'une quelconque aide d'état, les voitures chinoises sont moins chères car les constructeurs chinois ont investi ce marché bien avant les européens ,produisent en masse et donc bénéficient de l'effet de m...

à écrit le 25/09/2023 à 18:26
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La Chine n' est pas contente, c'est son problème. Le notre est de ne pas laisser couler notre industrie automobile en particulier. C'est tout. ...Et il est toujours utile de rappeler que la Chine est une dictature stalino communiste qui se fout des...

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