éclairageAprès Bakhmout, qui va lancer la prochaine offensive ?

Guerre en Ukraine : Après Bakhmout, qui va lancer la prochaine offensive ?

éclairageUne avancée russe après la « bataille » de Bakhmout, une contre-offensive ukrainienne motivée par les élections générales à venir… Dans un conflit qui a déjoué les analyses, difficile de se projeter sur les prochains mois de conflit
Les soldats ukrainiens continuent à défendre la ville de Bakhmout, en tentant de résister à l'armée russe et à Wagner.
Les soldats ukrainiens continuent à défendre la ville de Bakhmout, en tentant de résister à l'armée russe et à Wagner.  - LIBKOS/AP / SIPA
Octave Odola

Octave Odola

L'essentiel

  • L’armée ukrainienne pourrait être contrainte d’abandonner Bakhmout, pour éviter l’encerclement des forces russes.
  • Après un an de guerre, l’intensité des combats ne faiblit pas. L’état-major ukrainien a compté « plus de 130 attaques ennemies » repoussées lors des dernières 24 heures dans plusieurs secteurs du front (Koupiansk, lyman, Bakhmout, Avdiïvka).
  • Pour 20 Minutes, Cyrille Bret, chercheur à l’Institut Jacques-Delors, et le général Vincent Desportes, professeur de stratégie à Sciences Po, se risquent à livrer leurs prospections, dans un conflit qui a souvent échappé aux grilles de lecture définies.

Bakhmout outragée, Bakhmout brisée, Bakhmout martyrisée. Et bientôt Bakhmout abandonnée ? Les dernières déclarations du président Volodymyr Zelensky et de son armée ont prouvé à quel point il était difficile de livrer une analyse sur le conflit. Dimanche, le président ukrainien a salué la « bravoure » et la « résilience des soldats qui combattent dans le Donbass », laissant penser que l’Ukraine pourrait se retirer de cette ville-symbole, face au risque d’encerclement de l’armée russe et du groupe paramilitaire Wagner.

Quelques heures plus tard, virement de bord. L’état-major ukrainien a finalement annoncé vouloir « renforcer » ses positions, dans cette ville que la Russie veut conquérir depuis l’été 2022, malgré de lourdes pertes humaines. « Ne pas lâcher Bakhmout, c’est un choix politique qui peut avoir des conséquences stratégiques non négligeables pour Zelensky, estime le général Vincent Desportes, professeur de stratégie à Sciences Po et auteur du livre Devenez Leader. Il peut user son armée et mettre en danger la contre-offensive qu’il espère bien pouvoir conduire au printemps. »

Une offensive russe à venir, une riposte ukrainienne au printemps ?

Dans ce conflit, l’enjeu a dépassé la simple prise de Bakhmout, « bataille symbolique plus que stratégique ». Que pourrait-il se passer après ? Au bout d’un an de conflit, les deux camps doivent répondre à des temporalités différentes, selon Cyrille Bret, chercheur à l’Institut Jacques-Delors. « Côté russe, cela fait maintenant six mois que la mobilisation a été annoncée, et que le commandement a été reconfiguré. Six mois, c’est le délai qu’il faut pour préparer une toute nouvelle opération militaire et pour tirer les enseignements des opérations réalisées depuis un an. »

A Kiev, d’autres échéances sont dictées par le calendrier. « Normalement, des élections générales sont prévues à l’automne. A cette date-là, le leadership politique va devoir afficher des résultats positifs, et ainsi tenter une récupération d’un maximum de territoires occupés dans le Donbass et le sud du pays », note l’expert.

Alors que l’état-major ukrainien affirme avoir repoussé « 130 attaques ennemies » dans plusieurs villes sur les dernières 24 heures (Koupiansk, lyman, Bakhmout, Avdiïvka), le front va-t-il rester stable à l’issue de la bataille de Bakhmout ? Selon les experts, plusieurs facteurs doivent être pris en compte. La fin de l’hiver, d’abord, avec l’enlisement provoqué par le dégel. La situation météorologique devrait empêcher les mouvements d’ampleur plusieurs semaines durant, avant un durcissement des terres.

Des soutiens logistiques qui tardent

Sur le plan stratégique, ensuite, l’un des deux camps devra disposer de la force nécessaire pour percer les lignes adverses, et ainsi avancer significativement. « Est-ce que les armées sont prêtes ? C’est difficile à savoir. Une percée, il faut pouvoir l’exploiter avec une masse de manœuvre. Or, aujourd’hui, il est impossible de réunir une masse de blindés sans qu’elle ne soit frappée par les tirs. Pour l’heure, les Ukrainiens n’ont pas bougé depuis leur offensive de septembre, et les Russes cherchent à percer, mais n’y arrivent pas », analyse le général Desportes.

Des difficultés du moment illustrées par Wagner, dont le médiatique chef, Evguéni Prigojine, s’est une nouvelle fois plaint du manque de munitions de ses troupes, occupées à avancer près de Bakhmout. « Côté ukrainien, il manque des obus, et c’est un vrai problème, les stocks s’épuisent et il n’y a pas de chaîne de production permettant de produire des obus à la vitesse où les Ukrainiens les consomment. Les chars promis arrivent au compte-goutte, et il faudra des mois pour former des unités blindées au combat », précise le général Desportes.

Dans un article datant du 17 février dernier, Cyrille Bret a dégagé trois scénarios de rupture : une partition de l’Ukraine, en échange de garanties de sécurité ; l’emploi par la Russie d’une arme électromagnétique couplée d’une attaque commune avec la Biélorussie ; l’escalade incontrôlée du conflit. « Ces trois scénarios de rupture, dont aucun n’apparaît positif pour l’Ukraine, n’ont pas aujourd’hui une probabilité forte. Mais les risques qu’ils comportent sont si considérables, spécialement pour les deux derniers, qu’il est indispensable de les avoir à l’esprit », précise le chercheur. On est prévenus.

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