L’essentiel.
- Grande bénéficiaire de la crise énergétique européenne actuelle, la Norvège fait partie des plus grands producteurs et exportateurs de pétrole et de gaz au monde et utilise uniquement les bénéfices de ses revenus pour contribuer à l’économie du pays. Tout le reste est investi dans un fonds souverain, l’un des deux plus importants du monde.
- Ce fonds, longtemps le plus important de la planète, permet au pays de posséder une manne financière servant à préparer l’avenir.
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Entre janvier et septembre 2022, la Norvège a exporté pour 397,7 milliards de couronne norvégienne de pétrole brut (38,6 milliards d’euros) et pour 888,7 de couronne norvégienne en gaz naturel (86,2 milliards d’euros), selon l’institut statistique norvégien SSB. Une hausse de près de 60 % pour le pétrole et de plus de 277 % pour le gaz par rapport à septembre 2021.
Cette évolution est principalement due à l’agression russe de l’Ukraine, l’embargo européen sur le pétrole russe qui a suivi et la coupure du robinet gazier par Moscou. Les Vingt-Sept ont alors dû diversifier leurs approvisionnements. Déjà partenaire privilégié de l’Union, « la Norvège a encore augmenté de 8 % ses exportations d’hydrocarbures vers l’Europe ces derniers mois », explique Camille Defard, spécialiste des politiques européennes de l’énergie à l’Institut Jacques Delors. « Désormais, l’UE importe environ 30 % de son gaz depuis la Norvège contre environ 25 % avant la crise », renchérit la chercheuse.
L’essentiel.
- Grande bénéficiaire de la crise énergétique européenne actuelle, la Norvège fait partie des plus grands producteurs et exportateurs de pétrole et de gaz au monde et utilise uniquement les bénéfices de ses revenus pour contribuer à l’économie du pays. Tout le reste est investi dans un fonds souverain, l’un des deux plus importants du monde.
- Ce fonds, longtemps le plus important de la planète, permet au pays de posséder une manne financière servant à préparer l’avenir.
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Entre janvier et septembre 2022, la Norvège a exporté pour 397,7 milliards de couronne norvégienne de pétrole brut (38,6 milliards d’euros) et pour 888,7 de couronne norvégienne en gaz naturel (86,2 milliards d’euros), selon l’institut statistique norvégien SSB. Une hausse de près de 60 % pour le pétrole et de plus de 277 % pour le gaz par rapport à septembre 2021.
Cette évolution est principalement due à l’agression russe de l’Ukraine, l’embargo européen sur le pétrole russe qui a suivi et la coupure du robinet gazier par Moscou. Les Vingt-Sept ont alors dû diversifier leurs approvisionnements. Déjà partenaire privilégié de l’Union, « la Norvège a encore augmenté de 8 % ses exportations d’hydrocarbures vers l’Europe ces derniers mois », explique Camille Defard, spécialiste des politiques européennes de l’énergie à l’Institut Jacques Delors. « Désormais, l’UE importe environ 30 % de son gaz depuis la Norvège contre environ 25 % avant la crise », renchérit la chercheuse.
Le 23 juin, le ministre de l’Énergie norvégien, Terje Aasland, et le vice-président de la Commission européenne Frans Timmermans ont d’ailleurs acté le renforcement de la coopération entre Bruxelles et Oslo (les deux entités étant déjà très liées, cette dernière faisant partie de l’Espace économique européen).
Le plus gros producteur de gaz et de pétrole d’Europe
Mais l’importance norvégienne dans le marché des énergies fossiles n’est pas nouvelle. Le pays en retire une importante manne depuis les années 1970, période de « l’accélération des recherches des hydrocarbures en Europe et donc en Norvège », appuie Sophie Méritet, maîtresse de conférences en sciences économiques spécialiste de l’énergie à l’Université Paris-Dauphine PSL. « D’ailleurs, très vite la Norvège devient le premier fournisseur de gaz l’Europe. »
Les exploitations se font majoritairement en mer du Nord (au sud), en mer de Norvège (à l’est) et dans la Mer de Barents (au nord du pays). Le pays s’appuie notamment sur une grande entreprise nationale, Equinor, ancienne Statoil fondée en 1972, et « détenue à 67 % par l’État norvégien », ajoute Camille Defard.
Alors que « dans les années 1970, la Norvège est un pays plutôt pauvre », signale Sophie Méritet, « il s’agit aujourd’hui du 2e pays avec le plus haut revenu par habitant en Europe derrière le Luxembourg », complète Camille Defard. Et ce grâce à la manne financière des hydrocarbures : Oslo est le plus gros producteur de gaz et de pétrole de l’Europe de l’Ouest et au niveau mondial, il est « le 5e exportateur de pétrole et le 3e exportateur de gaz », poursuit la chercheuse.
Diversification et transparence pour éviter la malédiction du pétrole
C’est grâce à ces revenus que le pays a fondé une économie solide et évité le piège de la « malédiction pétrolière » que de nombreux pays n’ont pourtant pas su éviter historiquement (Venezuela, Algérie, Russie…), engendré par une trop grande dépendance aux revenus des hydrocarbures et une opacité dans la gestion de ces revenus.
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C’est quoi la malédiction pétrolière et gazière ?
Aussi appelée « Paradoxe de l’abondance », cette malédiction est « un champ de travail des sciences économiques qui est mis en évidence dans les années 1990 », explique Sophie Méritet. « On a réalisé que la croissance du PNB par habitant entre 1973 et 1993 de pays producteurs d’énergies fossiles, comme le Koweït ou les Pays-Bas (NDLR : d’où le nom de maladie hollandaise), était en déclin, à l’inverse de toute intuition. »
Cette « malédiction » s’explique par deux éléments selon la maîtresse de conférences : d’une part, « le pays en question devient une économie à mono-secteur (hydrocarbures) ». En ne centrant leur politique économique qu’autour du pétrole, les Pays-Bas vont ainsi plomber leur compétitivité et délaisser leur industrie locale. D’autre part, ces rentes s’accompagnent aussi généralement « d’une gouvernance opaque de la gestion des revenus des hydrocarbures. » Fleurit alors la corruption au profit de quelques-uns, et au détriment de l’intérêt général et de l’économie du pays. Le Vénézuéla ou l’Algérie en sont de bons exemples.
La monarchie scandinave a su contourner ces deux écueils, poursuit Sophie Méritet. « En Norvège, l’autre secteur économique important, c’est celui de la pêche [qui représente, couplé à l’aquaculture, 5 % du PIB]. » De plus, la monarchie norvégienne possède un système démocratique et exerce une gouvernance transparente sur l’utilisation des revenus des hydrocarbures.
Dans cet objectif, la Norvège « a rapidement décidé de constituer un fonds souverain avec les revenus pétroliers », analyse la professeure, « afin de ne pas ‘abimer’son économie avec les revenus des hydrocarbures. »
Un fonds souverain pour préparer l’avenir
Ce « fonds de pension du gouvernement à l’étranger » a vu le jour en 1990 et les premiers deniers issus des gisements de la mer du Nord y ont été déposés en 1996 selon le site de la banque centrale norvégienne, Norges Bank, chargée de sa gestion.
Si jusqu’en 2001 les revenus sont à disposition du gouvernement d’Oslo, à partir de 2002 l’ensemble des rentes des hydrocarbures est transféré sur le fonds et doit être investi en actions et en immobilier à l’étranger. Le fonds est ainsi devenu le premier du monde, même s’il a récemment perdu cette place au profit du fonds chinois CIC. Malgré tout, il reste capitalisé autour de 1200 milliards d’euros.
Cet argent sert surtout à investir - à l’étranger uniquement - dans des pays et des entreprises (actuellement plus de 9000) « qui respectent un certain nombre de critères comme le respect des droits Humains, l’égalité femmes-hommes, l’absence de fabrication ou de vente d’armes, l’interdiction du travail des enfants… », précise Sophie Méritet. Près de 2 % de ces investissements visent des projets de production d’énergie renouvelables.
Les revenus du capital pour financer le budget
Ces investissements étrangers génèrent chaque année des bénéfices. Et ce sont ces bénéfices attendus (environ 3 % par an) qui peuvent être réutilisés le gouvernement norvégien afin d’alimenter le budget national, à hauteur de 1,5 %. Il s’agit d’une gestion raisonnée qui permet de consolider l’économie norvégienne tout en ne grillant pas toutes les cartes en même temps. Cela permet également au pays d’anticiper la raréfaction des gisements même « s’il reste des réserves malgré leur réduction constante », note Sophie Méritet.
Un modèle vertueux mais qui soulève également quelques critiques, souligne Camille Defard : « Actuellement, des voix s’élèvent en Norvège, chez les Verts par exemple, pour réclamer une meilleure utilisation du Fonds souverain, en établissant notamment un fonds de solidarité avec les revenus exceptionnels générés par la crise actuelle. Car les prix de l’électricité augmentent aussi en Norvège puisque les barrages qui génèrent l’hydroélectricité du pays sont à un niveau assez bas. »
Dans le programme de SES
Seconde : « Comment crée-t-on des richesses et comment les mesure-t-on ? »
Première : « Comment les agents économiques se financent-ils ? »
Terminale : « Quels sont les sources et les défis de la croissance économique ? »