Les élections au Parlement européen auront lieu entre les 6 et 9 juin dans un contexte national, européen et international très spécifique : pessimisme très fort vis-à-vis de la situation socio-économique dû à l’inflation et à la stagnation de l’activité qui ont résulté de la crise énergétique ; radicalisation du débat politique sur fond de cycle protestataire en France ; montée des droites conservatrices et radicales dans beaucoup de pays membres de l’Union européenne (UE) ; risque d’érosion du soutien à l’Ukraine envahie par la Russie de Poutine ; et retour de la violence au Proche-Orient.
Dans ce contexte, les projections actuelles anticipent une poussée sensible des droites conservatrices et radicales, respectivement réunies au sein des groupes politiques Conservateurs et réformistes européens (où siègent notamment les élus de Fratelli d’Italia – le parti de la première ministre italienne – et du parti Droit et justice polonais – au pouvoir en Pologne jusqu’à fin 2023) et Identité et démocratie (où siègent, par exemple, le Rassemblement national (RN), le parti d’extrême droite allemand Alternative für Deutschland – AfD –, ou encore le parti de Geert Wilders, qui est arrivé en tête des élections aux Pays-Bas en novembre 2023).
Ces forces politiques portent un discours politique aisé à caractériser autour du triptyque immigration, contestation des politiques climatiques et identité. Sur fond d’instrumentalisation de la colère et du ressentiment exprimés par beaucoup de citoyens, ce message s’appuie sur le discours de la « citadelle assiégée » et sur l’exploitation du sentiment d’appauvrissement et de détérioration des conditions de vie. Il conçoit la politique et l’économie comme un jeu à somme nulle qui exclut le partage et la solidarité avec ceux qui sont identifiés comme étant situés hors de la communauté nationale, en particulier les immigrés.
Doublement paradoxal
Ce narratif ne semble plus relever d’une stratégie eurosceptique traditionnelle. Il viserait plutôt à porter à l’échelle de l’Union un discours qui séduit au niveau national et à l’incarner dans des politiques européennes. C’est dans cette perspective que l’on peut comprendre la « normalisation » de la droite conservatrice – voire radicale – dans plusieurs pays européens, dont la France. Le débat européen n’y est plus réduit au clivage pour ou contre l’Union européenne. Il est désormais davantage centré sur le projet politique, l’orientation des politiques européennes et les manques qui ont été révélés par les crises successives. Et les partis radicaux chercheront à transposer au niveau européen le traditionnel clivage entre opposition et gouvernement.
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