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Incertitude dans l’énergie après la chute de Barnier

(Montel) La censure du gouvernement de Michel Barnier renforce le climat d’incertitude pour le secteur énergétique en quête urgente d’objectifs clairs pour décarboner l'économie, ont déclaré jeudi des analystes et des lobbyistes.

« On est dans un flou ambiant qui se fait au détriment des potentiels investissements qui pouvaient être dans les tuyaux », a dit Phuc-Vinh Nguyen, responsable du centre de l'énergie à l’Institut Jacques Delors.

Une majorité de députés ont voté mercredi soir une motion de censure provoquant la démission du gouvernement de Michel Barnier, trois mois seulement après sa nomination.

Selon Jules Nyssen, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), le secteur dépend désormais de décisions politiques dont l’issue et la direction sont incertaines.

« Cette incertitude est préoccupante, en particulier dans un secteur où les décisions mettent du temps à porter leurs fruits », a-t-il ajouté.

Incertitude
Depuis la réélection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République en 2022, la France est confrontée à l’absence de majorité absolue au parlement pour adopter la très attendue Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) qui doit donner un cadre clair aux investisseurs dans le domaine de l'énergie.

L’impasse s’est intensifiée après que M. Macron a dissous l’Assemblée nationale en juin, ce qui a conduit à la formation de trois groupes politiques de taille à peu près égale.

Le gouvernement a seize mois de retard pour fixer des objectifs énergétiques pour les dix prochaines années, comme la loi l’y oblige.

Pour contourner le parlement, le gouvernement de M. Barnier prévoyait de publier un décret fixant des objectifs en début d’année, une fois la consultation publique sur le projet de décret terminée le 16 décembre.

Mercredi, afin d’accélérer la publication du décret, le gouvernement a envoyé un projet de décret au Conseil supérieur de l'énergie (CSE) pour examen le 19 décembre, selon le média Contexte.

Toutefois, certains observateurs ont dit craindre qu’un nouveau gouvernement ne décide de reprendre des consultations, repoussant encore plus loin des objectifs énergétiques indispensables. 

« Quoi qu’il arrive, cette PPE ne peut pas aboutir plus tard qu’au mois de mars », a assuré Mattias Vandenbulcke, du lobby France Renouvelables. « Au-delà, ça va commencer à vraiment avoir des conséquences très fortes sur les problématiques d’investissement, de visibilité, de lisibilité pour les acteurs. »

Projets nucléaires
Pour l’avocat Arnaud Gossement, la chute du gouvernement Barnier n’aura pas d’impact sur les projets ambitieux du pays de construire six nouveaux réacteurs nucléaires.

« L’avenir du programme nucléaire dépend de la capacité d’EDF à entreprendre et à financer ce programme », a-t-il dit. « Il faudra de nombreux gouvernements successifs avant qu’un programme de réacteurs nucléaires puisse voir le jour. »

Néanmoins, M. Nguyen s’est dit préoccupé du flou entourant le système destiné à remplacer l’Accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) d’ici 2026.

Un accord controversé entre le gouvernement et EDF pour remplacer le mécanisme de l’Arenh doit encore être revu, a-t-il dit, notant que de nombreuses industries attendent des éclaircissements sur la régulation du nucléaire pour leurs futurs investissements.

« Quelle sera la capacité du gouvernement de débloquer les négociations à partir du moment où il a une épée de Damoclès au-dessus de la tête? », s’interroge-t-il.

M. Macron, qui doit s’adresser à la nation à 20h00 CET, a déclaré qu’il nommerait un nouveau premier ministre dans les plus brefs délais.