La présidente du Parlement européen Roberta Metsola le 12 décembre 2022.

"La démocratie européenne est attaquée", a affirmé lundi la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, exprimant "fureur, colère et tristesse" au sujet du scandale de corruption présumée, par le Qatar, d'une eurodéputée grecque.

AFP

"Notre Parlement est attaqué, la démocratie européenne est attaquée. Des acteurs malveillants, liés à des pays tiers autocratiques, ont tenté d’instrumentaliser des ONG, des syndicats, des assistants et des membres du Parlement pour influencer nos processus." En ouvrant la session plénière à Strasbourg lundi 12 décembre au soir, la présidente du Parlement européen, la Maltaise Roberta Metsola, n’a pas minimisé la gravité du scandale de corruption qui ébranle depuis vendredi l’institution représentant les 450 millions de citoyens européens. Le Parlement européen est dans la tourmente. Deux réactions tombées ce lundi 12 décembre résument à elles seules les risques que le Qatargate fait peser sur sa réputation. Pour commencer, le Premier ministre hongrois, engagé dans un bras de fer sur l’Etat de droit avec les institutions européennes, se frotte ouvertement les mains. "Bonjour le Parlement européen", ironise Viktor Orban en personne sur le réseau social twitter, au-dessus d’une photo d’hommes hilares qui réagissent à la phrase "Le Parlement européen s’inquiète sérieusement de la corruption en Hongrie". Quelques minutes plus tard, l’eurodéputé Pascal Canfin tente de rappeler que l’assemblée doit malgré tout prendre des décisions importantes cette semaine. "Pendant que des parlementaires se laissent honteusement corrompre, d’autres travaillent pour notre avenir", plaide le président de la commission Environnement, à la manœuvre sur plusieurs législations importantes du Pacte vert européen, comme l’inédite taxe carbone aux frontières.

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Difficile pourtant de rendre ce message audible au-delà du fracas médiatique et de l’onde de choc politique déclenchés par l’incarcération de la vice-présidente grecque de l’institution. La socialiste Eva Kaili dort en cellule depuis le 9 décembre, accusée de corruption et de blanchiment d’argent. Selon les révélations du quotidien belge Le Soir, plus de 150 000 euros en liquide ont été retrouvés dans des sacs à main et des sacs de voyage de luxe chez elle. Son père a été également été interpellé alors qu’il fuyait à la hâte un hôtel bruxellois muni d’une valise cabine pleine de petites coupures… Dans le collimateur de la justice belge figurent également un assistant parlementaire, compagnon de Mme Kaili, ainsi qu’un ancien eurodéputé social-démocrate influent, l’Italien Pier Antoni. Tous auraient été corrompus par le Qatar, selon la presse belge.

"Il est tentant, pour les élus, de refuser de travailler sous l’œil du public"

"Il faut isoler ces brebis galeuses et les sanctionner rapidement, estime Christine Verger, experte du Parlement européen à l’Institut Jacques-Delors. Même si l’institution en tant que telle n’est pas corrompue, c’est une atteinte à sa réputation." Depuis vendredi, les appels pour davantage d’éthique au Parlement européen se multiplient. Les groupes politiques rivalisent de propositions. Les macronistes du groupe Renaissance réclament une Haute autorité indépendante, sur le modèle de la Haute autorité française pour la transparence de la vie publique. De son côté, Manon Aubry, élue de la France Insoumise, demande, entre autres, la révision de l’accès des anciens élus aux bâtiments du Parlement européen. "Nous pourrons toujours essayer d’améliorer la dissuasion et la transparence, mais il y aura toujours des gens pour qui un sac d’argent vaudra la peine de courir le risque", met néanmoins en garde la présidente Metsola.

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Le Parlement doit rapidement gérer le dégât d’images s’il ne veut pas sortir durablement affaibli de l’affaire. Depuis vendredi, les réticences des députés européens à accepter un contrôle de leurs activités font mauvais genre. "Le Parlement donne des leçons de morale à la terre entière, il faut qu’il s’applique des règles exigeantes", estime un lobbyiste bruxellois. Par le passé, les députés européens ont par exemple refusé de rendre publics leurs rendez-vous, alors que c’est obligatoire pour les Commissaires européens. "Il est tentant, pour les élus, de refuser de travailler sous l’œil du public, car cela leur compliquerait la tâche, explique Michiel van Hulten, directeur de Transparency International EU. Mais nous espérons que le Parlement va quand même se saisir de l’occasion pour faire les changements nécessaires, afin de ne pas payer le prix de l’immobilisme aux prochaines élections." En démarrant la session plénière dans une ambiance lourde, la présidente du Parlement a annoncé l’ouverture d’une enquête interne. Elle a promis des réformes pour mieux établir à l’avenir qui a accès – ou non - aux parlementaires. Au même moment, le parquet fédéral belge annonçait de nouvelles perquisitions, dont l’une au siège bruxellois de l’institution.

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