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Ça fait débat avec Wathi

Jeunesse et croissance démographique en Afrique: entre l’excitation et l’angoisse, la voie de la lucidité

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Suite de cette série sur les questions démographiques dans le monde et en Afrique. Selon Gilles Yabi, la taille de la population d’un pays, ça compte pour avoir de l’influence.

Gilles Yabi, responsable du think tank Wathi.
Gilles Yabi, responsable du think tank Wathi. © Archive de Gilles Yabi
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Un pays, même à faible ou très faible revenu, mais avec 200 ou 300 millions d’habitants, ne peut être ignoré. D’une part parce que la taille du marché compte et que la production de richesse totale augmente avec la taille de la population active. Et d’autre part, même si un pays est perçu essentiellement comme une menace en raison de la taille de sa population, cela veut dire qu’il n’est pas ignoré. L’Afrique comptera de plus en plus sur l’échiquier mondial du fait de ses indicateurs démographiques, en plus bien sûr de ses ressources naturelles et immatérielles, et contrairement aux grands pays d’Asie, elle restera, pendant longtemps, significativement plus jeune que toutes les autres régions du monde.

Je cite à nouveau cet article du Foreign Affairs de Jack A. Goldstone and John F. May, qui rappelle que le moteur de l'économie mondiale au cours des dernières décennies a été la croissance spectaculaire de la Chine, notamment la surabondance de jeunes travailleurs désireux d'explorer les nouvelles opportunités offertes par les villes et les zones économiques spéciales. Mais la population chinoise vieillit et le pays connaîtra bientôt une pénurie de travailleurs. L’Inde ne tardera pas à suivre la même trajectoire. C’est l’Afrique qui fournira l’écrasante majorité de la croissance nette de la main-d'œuvre dans le monde au cours des prochaines décennies.

Vous dites qu’il faut que les dirigeants africains prennent la mesure des défis colossaux qui découlent des indicateurs démographiques de leurs pays

Absolument, et il n’y a aucune contradiction entre le fait de dire que le profil démographique du continent en fera une source majeure de la croissance de l’économie mondiale et le fait d’être très lucide quant aux implications du rythme d’accroissement de la population pour chacun des pays du continent en termes de politiques de santé, d’éducation, de formation, de transformation structurelle des économies, de création d’emplois et de protection de l’environnement. La vocation du continent africain et son ultime ambition ne devraient pas être de remplacer la Chine, l’Inde ou d’autres comme fournisseur de main-d’œuvre et de consommateurs pour l’économie mondiale.

La préoccupation première des gouvernants aujourd’hui devrait être de créer les conditions pour que l’accroissement rapide de la population, qui est une donnée et non une hypothèse, ne s’accompagne pas d’une aggravation de la pauvreté, des crises alimentaires, des conflits et de l’ignorance par l’absence d’accès à l’éducation. Il s’agit de créer les conditions pour que la jeunesse de la population soit plutôt un puissant moteur pour des transformations positives qui profitent avant tout aux Africains eux-mêmes.

Il est très important de comprendre ce qu’on appelle le dividende démographique et de savoir qu’il n’est pas automatique

Abdramane Soura, directeur de l’Institut national des populations au Burkina Faso, invité à notre table ronde sur les regards croisés européens et africains sur la démographie, explique que « c’est lorsque la part de la population active dans la population totale augmente, avec relativement peu d’enfants et pas encore beaucoup de personnes âgées, qu’un pays peut profiter de ce qu’on appelle le dividende démographique ». Ce bénéfice n’est pas automatique et la fenêtre de temps pour en profiter est limitée. La population en âge de travailler ne contribue à la création de valeur que si elle est effectivement intégrée dans l’économie. Et cela implique un effort massif d’éducation et de formation dans les pays africains où la cadence démographique est très forte.

Madame Marie-Odile Attanasso, ancienne ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche au Bénin et économiste de formation, exprime tout aussi clairement ses craintes de voir les pays africains subir davantage que valoriser la jeunesse de leurs populations, en absence d’investissements massifs dans le développement humain. Entre l’excitation à l’idée de bénéficier de l’atout de la jeunesse et l’angoisse d’un désastre qui serait provoqué par un accroissement démographique trop rapide par rapport aux moyens disponibles, se trouve la voie de la raison, de la responsabilité, de l’anticipation et de l’action, en particulier pour révolutionner les systèmes et les politiques d’éducation.

► Pour aller plus loin :

Regards croisés sur les perspectives démographiques en Afrique et en Europe, table ronde virtuelle, WATHI et Institut Jacques Delors

Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP), État de la population mondiale 2023

Site internet de l’Institut national d’études démographiques, avec des données, des cartes interactives, des projections pour tous les pays dans le monde

The Global Economy’s Future Depends on Africa, Jack A. Goldstone and John F. May, May 2023, Foreign Affairs

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