La détente commerciale entre Europe et Etats-Unis reste fragile

Réunis cet après-midi à Bruxelles, Joe Biden et les représentants de l’UE se pencheront sur plusieurs contentieux qui pourraient freiner la relance du partenariat transatlantique.
Clément Solal, à Bruxelles
Arrivée de Joe Biden au sommet de l’Otan à Bruxelles le 14 juin 2021.
Joe Biden à son arrivée au sommet de l’Otan, la veille de la rencontre UE-USA.  -  photo Nato.

Après quatre années de dégradation des relations entre Washington et l’Union européenne (UE), Joe Biden aura bien vite tourné la page Trump, au grand soulagement des Européens. En témoigne la visite sous le signe de l’apaisement du Président américain à Bruxelles, où il participera ce mardi après-midi au premier sommet UE-Etats-Unis depuis sept ans. Derrière les symboles et les discours, en matière commerciale, les cinq premiers mois de la nouvelle administration américaine se sont néanmoins limités à une détente qui reste fragile.

Des motifs d’espoir dans le conflit Airbus-Boeing

La désescalade s’était pourtant engagée de la meilleure des manières. Après seulement quelques jours à la Maison Blanche Joe Biden était revenu sur l’opposition américaine à la nomination de la Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala à la tête de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), levant ainsi un premier obstacle à la réhabilitation de l’ordre multilatéral soutenu par les Européens. Les Etats-Unis et l’UE s’étaient ensuite accordés, début mars, pour suspendre pendant quatre mois les droits de douane qu’ils s’appliquaient dans le cadre du litige concernant les aides publiques accordées à Boeing et Airbus. Joe Biden a ainsi accepté de mettre fin à un ensemble de taxes mises en place en octobre 2019 sur près de 7,5 milliards de dollars de biens et services européens importés chaque année. Une main tendue par Washington qui était aussi empreinte d’opportunisme : Bruxelles avait en effet adopté des contre-mesures seulement quatre mois auparavant, en instaurant à son tour des taxes ciblant 4 milliards de dollars d’exportations américaines, en commençant par les ventes de Boeing.

S’il est loin d’être certain qu’un compromis sera trouvé à l’issue de cette trêve en juillet, sur ce contentieux vieux de plus de seize ans, il existe néanmoins plusieurs motifs d’espoir. D’abord, les deux parties sont chacune soucieuses d’épargner l’industrie aéronautique qui figure parmi les plus durement affectées par la crise. «Il y a cette fois une vraie volonté américaine d’arriver à un accord car lorsque le litige a débuté en 2004, Airbus s’imposait sur le marché international au détriment de Boeing, or aujourd’hui, la menace concurrentielle qui pointe pour les Américains vient de la Chine, et s’appelle Comac», estime pour sa part Elvire Fabry, de l’Institut Jacques Delors. «De plus, l’issue des élections à venir en Allemagne puis en France pourrait affecter la position des Européens sur Airbus, les Américains ont donc tout intérêt à trouver un accord d’ici là», ajoute la chercheuse.

Un horizon moins dégagé sur l’acier et l’aluminium

L’horizon parait plus sombre sur l’autre grand sujet de conflit entre Washington et les capitales européennes : le maintien par Joe Biden de taxes imposées par son prédécesseur en 2018 sur les importations européennes - mais aussi chinoises, turques, indiennes, et russes - d’acier et l’aluminium (à hauteur de 25 et de 10%). Les Européens ont fait le premier pas début mai, en suspendant pour six mois la hausse des droits de douane sur une liste de produits américains qui avait été prévue dans le cadre de mesures de rétorsions. Mais malgré les demandes insistantes de Bruxelles, la Maison Blanche n’a à ce jour formulé aucun engagement concret. «Joe Biden ne veut pas se mettre à dos les bénéficiaires de la mesure, au premier rang desquels figurent les producteurs d’acier», explique Elvire Fabry : «De plus ,le plan de relance américain comprend un programme d’investissement colossal dans les infrastructures qui nécessitera un volume d’acier important : Washington veut donc s’assurer que celui-ci bénéficiera en premier lieu à l’industrie américaine».

Renouer avec la confiance

Que Joe Biden soit si réticent à se débarrasser d’une mesure protectionniste emblématique du «America first» de Donald Trump n’est pas anodin. Si l’approche de la nouvelle administration est beaucoup plus constructive, la rupture avec l’ère Trump semble bien moins radicale en ce qui concerne la direction générale de la politique commerciale américaine. «La diplomatie est enfin de retour, mais cela ne signifie pas pour autant que tous les problèmes vont être réglés très vite, en tout cas pas dès ce sommet», glissait hier un diplomate européen, pour qui l’Europe peut espérer une résolution de ce dernier conflit «d’ici la fin de l’année». Or l’UE voit la résolution de ces deux contentieux majeurs comme un préalable pour retrouver pleinement confiance en son principal partenaire commercial. Une confiance qui sera primordiale si les Etats-Unis souhaitent convaincre les Européens de s’engager sur un nouvel agenda de coopération plus poussée face à la montée en puissance de Pékin, en particulier dans le domaine technologique.

La déclaration commune qui devrait être adoptée à l’issue de la réunion prévoit ainsi la création d’un nouveau partenariat en matière d’innovation et de commerce (Trade and Technology Council ou TTC). Très ambitieuse sur le papier, cette plateforme de coopération qui traitera notamment de la régulation des géants du numérique mais aussi des dépendances envers la Chine au sein de certaines chaînes d’approvisionnements de produits stratégiques, tels que les microprocesseurs, n’offre aucune garantie de résultats.

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