Le Premier ministre italien Enrico Letta a annoncé jeudi son intention de remettre sa démission, aussitôt après un vote de son parti réclamant un changement de gouvernement.

"La droite italienne a un grand atout : elle est unie", estime Enrico Letta.

afp.com/Filippo Monteforte

Ils retournent aux urnes. Dans un contexte de résurgence du virus en Europe, les Italiens votent dimanche et lundi pour les régionales. Le gouvernement a choisi un vote étalé sur deux jours pour éviter les attroupements.

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Sept régions - plus de 20 millions d'habitants - sont appelées à élire leurs présidents respectifs et tous les regards sont tournés vers trois d'entre elles, où une victoire de la droite pourrait ébranler le gouvernement de Giuseppe Conte, soutenu par la coalition entre le Mouvement 5 Etoiles (M5S, anti-système) et le Parti démocrate (PD, centre-gauche). Analyse d'Enrico Letta, ancien président du Conseil italien, président de l'Institut Jacques Delors et doyen de l'École d'affaires internationales de Sciences Po (PSIA).

La coalition de droite, qui regroupe la Ligue de Matteo Salvini, Fratelli d'Italia de Giorgia Meloni et Forza Italia de Silvio Berlusconi, peut-elle emporter ces élections régionales ?

La droite italienne a un grand atout : elle est unie, ce qui peut laisser penser que le résultat de cette élection va plutôt pencher à droite. En effet, ce scrutin ne se joue que sur un seul tour, ce qui favorise les larges alliances. Cette grande formation avait éclaté lorsque Matteo Salvini était entré au gouvernement, entre juin 2018 et septembre 2019. Elle a aujourd'hui retrouvé son unité, même si celle-ci n'est qu'apparente. Il y a en effet une forte compétition sur le leadership entre Matteo Salvini et Georgia Meloni, l'étoile montante de l'extrême droite italienne.

Que va-t-il se passer en Toscane, fief de la gauche, votre région natale ?

La gauche peut l'emporter, car la candidate présenté par Salvini, Susanna Ceccardi, n'incarne pas vraiment l'esprit d'accueil et de créativité de cette région. J'espère que les habitants vont faire le choix de la continuité, plutôt qu'un saut dans l'inconnu, avec cette candidate xénophobe. Ceci dit, il est vrai que les forces de la majorité (Parti démocrate et Mouvement Cinq Étoiles) n'ont pas encore réussi à transformer leur alliance en véritable accord politique. C'est un problème.

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Le gouvernement italien peut-il sortir fragilisé par ces élections ? Voire, exploser en vol ?

Quel qu'en soit le résultat, il sera impossible de tirer de cette élection des conclusions qui auraient des répercussions à l'échelle nationale. N'oublions pas, en outre, que ce scrutin est assorti d'un référendum portant sur la réduction du nombre de parlementaires. Le "oui" va certainement gagner, ce qui va renforcer le gouvernement. Enfin, il faut relativiser l'enjeu. L'attention des italiens est, en ce moment, plutôt focalisée sur la relance économique et sur l'argent qui va arriver de Bruxelles. À ce sujet, le gouvernement est en train de commettre une grosse erreur. Pour payer ses dépenses sanitaires, Rome a en effet la possibilité d'activer le Mécanique européen de stabilité (MES). Il devrait le faire, plutôt que d'attendre le versement des 209 milliards d'euros du plan de relance, qui n'interviendra pas avant 9 ou 12 mois. D'ici là, le pays connaître une très forte chute de croissance.

Jugée peu performante, l'administration italienne est-elle capable de "mettre en musique" les réformes structurelles qui vont être lancées par le gouvernement ?

C'est le grand challenge. Il n'y a pas eu, en Italie, de plans d'investissement depuis au moins 30 ans. Le défi va être de moderniser et de numériser cette fonction publique, qui n'a jamais su, durant toutes ces années, gagner en efficacité. Mais l'enjeu en vaut la chandelle : l'État Italien n'a jamais eu autant d'argent à investir dans le pays. Il a une occasion unique de combler le fossé abyssal existant entre le nord et le sud.

Ce plan de relance va-t-il réconcilier les Italiens avec l'Europe ?

La situation s'est considérablement améliorée depuis mars. L'image de l'Europe était alors terriblement dégradée - souvenez-vous des avions russes et chinois qui livraient des masques en Italie... Mais le plan de relance, annoncé en mai dernier, a changé la donne, tout comme, il y a quelques jours, le discours sur l'état de l'union prononcé par Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne. Les Italiens ont très bien accueilli l'annonce d'un "Paquet migration" et l'abolition prochaine du traité de Dublin, considéré en Italie comme la démonstration du manque de solidarité européen. Ces mesures constituent un pas en avant très important. Elles vont permettre de contrer l'un des principaux arguments des populistes italiens, à savoir que l'Italie a été abandonnée par l'Europe...

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