La France contribuera à l'achat de munitions hors d'Europe pour l'Ukraine
Emmanuel Macron a annoncé mardi la participation de la France à la plate-forme d'achats de munitions mise en place par la République tchèque. Sans dévoiler de montants pour l'instant.
Par Vincent Collen
C'est un changement de pied pour Paris, qui s'était montré jusqu'à présent réticent à l'achat de matériel militaire hors d'Europe pour aider l'Ukraine. A Prague mardi, Emmanuel Macron a annoncé que la France participerait à « l'initiative tchèque » d'achat de munitions produites en dehors de l'UE.
L'initiative lancée par le président tchèque, Petr Pavel, est « un travail de mutualisation » qui est « extrêmement utile », a estimé le chef de l'Etat lors d'une conférence de presse commune avec son homologue au château de Prague. « Nous la soutenons, nous y participerons », « nous sommes prêts à y contribuer », a-t-il affirmé… sans toutefois préciser à quelle hauteur pour l'instant.
800.000 obus
Au-delà des achats effectués par les Etats membres individuellement en passant par la plate-forme tchèque, Emmanuel Macron a souhaité que des fonds européens puissent y être consacrés, à travers « la Facilité européenne pour la paix », a-t-il dit. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, plusieurs Etats se montrant réticents. « Les positions de nombreux pays sont en train de changer face à l'urgence dans laquelle se trouve l'Ukraine », décrypte Luigi Scazzieri, du think tank Centre for European Reform.
Petr Pavel a déclaré le mois dernier que 800.000 obus étaient disponibles auprès d'industriels non-européens et pourraient être envoyés en Ukraine « en quelques semaines ». Pourquoi la Tchéquie ? « La République tchèque a une longue tradition de production d'armements, et de munitions en particulier, rappelle Lukas Macek, de l'institut Jacques-Delors. Et depuis l'élection l'an dernier de Petr Pavel , un ancien général de l'Otan, elle est solidement ancrée dans le camp favorable à Kiev. »
« Une quantité énorme »
Prague alerte sur l'urgence de la situation, car l'Ukraine manque cruellement de munitions. « On estime que l'armée ukrainienne ne peut plus tirer que 2.000 obus par jour, contre 8.000 au début de la contre-offensive l'an dernier », souligne Camille Grand, du European Council on Foreign Relations.
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Les 800.000 pièces permettraient d'assurer « cent jours de consommation à un rythme satisfaisant », explique cet expert, aidant Kiev à mieux se défendre au moment où les forces russes regagnent du terrain. « Ce serait une quantité énorme, pour l'instant les Européens n'auront réussi à livrer, à la fin du mois, que 500.000 pièces au grand maximum », pointe Luigi Scazzieri.
Anciens matériels soviétiques
L'industrie de défense européenne n'est pas parvenue à produire le million de pièces de munitions que visaient les Vingt-Sept. L'idée du gouvernement tchèque est d'aller les chercher ailleurs, dans des pays qui ne veulent pas fournir directement l'Ukraine. « Il peut s'agir de pays qui ne sont pas alliés à Kiev, qui sont contraints d'une façon ou d'une autre dans leurs relations avec la Russie », poursuit Camille Grand. Une source diplomatique cite la Turquie.
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Dans certains cas, « il s'agit de réalimenter ou de fournir d'anciens matériels soviétiques qui ont été transférés à l'Ukraine ou qui faisaient partie des dotations ukrainiennes, explique-t-on à l'Elysée. Une partie de ce matériel ne se trouve pas dans l'Union européenne ».
Côté acheteurs, l'Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas et la Belgique ont déjà manifesté leur intérêt pour la plate-forme d'achats pilotée par Prague, de même que, en dehors de l'Union européenne, le Canada.
Vincent Collen