La France doit se préparer à des coupures d’électricité « à peu près » certaines cet hiver

La France doit se préparer à des coupures d’électricité « à peu près sûr » cet hiver

« Il est à peu près sûr que nous aurons des coupures d’électricité cet hiver » confie un cadre de la gestion des risques à EURACTIV. Un discours plus alarmiste que celui des autorités qui tentent de rassurer les populations, tout en appelant à la responsabilité. [EPA-EFE/CHRISTOPHE PETIT TESSON]

« Il est à peu près sûr que nous aurons des coupures d’électricité cet hiver » confie un cadre de la gestion des risques en entreprise à EURACTIV. Un discours plus alarmiste que celui des autorités qui tentent de rassurer les populations, tout en appelant à la responsabilité.

Depuis la fin du mois de juin, les prises de paroles et de positions sur la situation énergétique européenne et française se multiplient.

Le dimanche 26 juin, alors que le gouvernement venait d’annoncer qu’il attendrait l’automne pour lancer sa campagne sur la sobriété, les dirigeants de Total, EDF et Engie appelaient à la réduction de la consommation énergétique dans une tribune publiée dans le Journal du Dimanche.

Objectif : éviter les menaces à « notre cohésion sociale et politique » déclarent-ils.

Pour cela, « tous les dirigeants d’entreprises énergétiques et dirigeants politiques espèrent que l’hiver ne sera pas trop froid » avance la source.

Elle ajoute qu’il est « à peu près sûr » que l’on aura des coupures d’électricité « dans les grandes villes » cette année et en 2023. Tous « les gouvernement européens se préparent à avoir des coupures » affirme-t-elle.

En ce sens, si les autorités françaises semblent plutôt en réaction qu’en action, leur ton est monté d’un cran.

Le gouvernement prépare les esprits à une « probable » coupure du gaz russe

Le gouvernement a appelé dimanche (10 juillet) à « se mettre rapidement en ordre de bataille » pour faire face à l’éventualité d’une coupure totale des approvisionnements en gaz russe, « option la plus probable » selon le ministre de l’Économie Bruno Le Maire.

« Le scénario du pire »

« À tout moment, la Russie peut interrompre totalement ses livraisons de gaz » déclare le ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, dans un entretien avec Le Figaro

« Le scénario du pire […] existe », affirme-t-elle, assurant qu’elle sera « d’une vigilance extrême ».

Contacté par EURACTIV, RTE ne peut confirmer pour le moment les certitudes de coupures électriques avancées par la source. « Les incertitudes liées à la situation actuelle ne permettent pas de sortir des résultats pertinents avant l’automne » indique le gestionnaire de réseau. 

Des études prévisionnelles devraient voir le jour durant l’hiver, soit un peu tard, si l’on en croit la volonté des autorités d’accélérer les programmes de sobriété : « il faut nous mettre rapidement en ordre de bataille » déclarait dimanche (10 juillet) le ministre de l’Économie, Bruno le Maire, dans une interview accordée à LCI.

Le ministre reconnaît même que la possibilité de coupure de gaz par les autorités russes est une option « crédible » qu’il faut « anticiper », dans la mesure où la France fait face à l’exigence de solidarité entre les pays de l’UE, à des difficultés dans la diversification de ses fournisseurs de gaz et dans son approvisionnement en électricité.

Solidarité européenne

Cependant, grâce au nucléaire, la France est « un peu mieux lotie » que ses voisins, considère la source gestionnaire de risque. Néanmoins, le principe de solidarité européenne impose que nous redistribuions notre électricité, préalable si l’on souhaite que « l’Europe ait du sens ».

De plus, la moitié du parc nucléaire est à l’arrêt, dont 12 réacteurs en raison de corrosions. Dès lors, le gaz qui ne comptait que pour 20% environ de la consommation énergétique française, a repris du poil de la bête dans le mix énergétique depuis quelques temps.

Et tandis que les voisins européens ont, en moyenne, réduit leur dépendance au gaz russe depuis le début de la guerre, la France n’a fait qu’augmenter ses importations de gaz russe confirme Phuc-Vinh Nguyen, chercheur en politique énergétique au sein de l’Institut Jacques Delors, contacté par EURACTIV à la mi-juin 2022.

Pour stocker ce gaz, l’Union européenne votait fin juin une loi pour imposer le remplissage d’au moins 85% des stocks.

Mais la France cherche à faire mieux, puisque lors de son déplacement au centre de dispatching de GRTgaz, la Première ministre Elisabeth Borne annonçait que la France souhaitait remplir à 100% ses capacités de stockage de gaz.

Au 10 juillet, les stocks seraient remplis à 62% au sein de l’UE, et à 68% en France selon le site AGSI qui répertorie en temps réel les données de stockage.

En revanche, depuis le 28 juin, les employés du deuxième plus grand site de stockage français, géré par Storengy (filiale d’Engie), font grève. Celle-ci était reconduite lundi (11 juillet).

Le gouvernement français examinera « dans les prochains jours » le prolongement du bouclier tarifaire pour le gaz

La Première ministre, Élisabeth Borne, profite de son déplacement sur le site de dispatching du gaz de GRTgaz en Île-de-France pour annoncer plusieurs mesures contre la hausse des prix du gaz et la dépendance européenne au gaz russe. Parmi celles-ci : l’examen « dans les prochains jours » d’un prolongement du bouclier tarifaire contre l’augmentation des prix du gaz.

Nouveau terminal méthanier au Havre

Pour répondre aux nécessités de diversification des approvisionnements, la France prévoit l’installation d’un nouveau terminal de regazéification de GNL au Havre tel qu’annoncé par Elisabeth Borne.

Néanmoins, celui-ci ne sera prêt qu’en 2023, tandis que les besoins sont immédiats.

Face à cette situation, Bruno le Maire profitait de son passage sur LCI pour demander que l’on décide « plus vite », en levant « un certain nombre de contraintes réglementaires ».

D’autant que la période de crainte de coupures pourrait durer « plusieurs mois ». Cela « doit nous amener […] à prendre un certain nombre de décisions d’investissement » réclame-t-il.

En attendant, Agnès Pannier-Runacher n’écarte pas la possibilité « d’activer » la centrale à charbon de Saint-Avold déclare-t-elle au micro de RTL vendredi dernier (8 juillet). Et ce, même si la « stratégie à long terme est bien d’émanciper les Français des énergies fossiles » assure-t-elle.

Pour cela « la sobriété » est la clé, d’abord pour l’administration et les entreprises, ensuite pour les particuliers.

« Je refuse de demander […] aux Français qui n’ont ni les moyens financiers, ni les leviers pour se passer de gaz ou de carburant, de se serrer la ceinture et de se débrouiller » lance-t-elle, tout en rappelant qu’une baisse de 1 degré du chauffage en hiver permettrait de faire baisser la consommation énergétique de 7%.

[Davide Basso a contribué à la rédaction de cet article]

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