Le projet MidCat enterré, c'est un nouveau projet de pipeline qui vient d'être lancé pour relier la péninsule ibérique au nord de l'Europe, en passant par la France. Baptisé BarMar, il reliera Barcelone à Marseille par la mer et devrait transporter d'ici 2030 de l'hydrogène vert produit à partir d'énergies renouvelables. Cependant, des craintes s'expriment sur l'intérêt de lancer une telle infrastructure sans être sûr que les capacités de production d'électricité renouvelable, appelées à croître fortement, suivent et avant de connaître précisément les besoins du marché.

Adieu MidCat, bonjour BarMar. Si le projet de gazoduc reliant la France à l’Espagne par les Pyrénées a finalement été abandonné face à la farouche opposition d’Emmanuel Macron, c’est un nouveau projet de pipeline qui va le remplacer, reliant Barcelone à Marseille par la mer. Il s’agit plus exactement d’un "hydrogénoduc", qui comme son nom l’indique devra transporter de l’hydrogène à l’horizon 2030, depuis la péninsule ibérique pour relier le nord de l’Europe, et notamment l’Allemagne.


Le projet, également appelé H2Med, s’inscrit dans la stratégie hydrogène de l’Union européenne et doit permettre d’acheminer de l’hydrogène vert, fabriqué à partir d’électricité renouvelable ou de nucléaire, dans le sens France-Espagne. L’accord de principe mentionnait au départ qu’il pourrait transporter du gaz naturel de façon transitoire, ce qui a suscité l’inquiétude de nombreux observateurs. Ils pointaient du doigt un gazoduc déguisé, et un actif échoué très coûteux – le projet est estimé à 2,5 milliards d’euros. Mais il ne devrait finalement transporter que de l’hydrogène, afin de pouvoir être déclaré "projet d’intérêt commun" et bénéficier de financements européens.

"Les zones de production et de consommation d’hydrogène sont encore en cours de définition"


Bien que moins controversé que MidCat, le projet BarMar fait malgré tout l’objet de critiques. Outre les impacts du pipeline sur une zone riche en biodiversité, les experts s’interrogent sur sa pertinence. "Aujourd’hui celle-ci n’est pas démontrée et le projet pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Il y a d’une part les risques liés au transport d’hydrogène, qui constitue qui plus est un véritable défi technique. D’autre part, je me demande s’il est bien raisonnable de transformer de l’électricité renouvelable en hydrogène dans un contexte d’électrification massive des usages pour sortir des énergies fossiles", analyse Phuc-Vinh Nguyen, chercheur sur les politiques françaises et européennes de l’énergie au sein de l’Institut Jacques Delors.
En septembre dernier, Emmanuel Macron expliquait d’ailleurs que plusieurs experts l’avaient alerté sur le fait "qu’il serait aberrant de transporter de l’hydrogène de l’Espagne à la France, ou de l’Espagne à l’Allemagne. Ce qu’il faudrait transporter, c’est l’électricité bas carbone produite en Espagne pour aller faire l’électrolyse sur les lieux de production qui auraient besoin de l’hydrogène. On a besoin de plus d’interconnexions électriques, je ne suis pas convaincu qu’on ait besoin de plus d’interconnexions gazières, dont les conséquences en particulier sur l’environnement et les écosystèmes sont plus importantes". Entre temps, le président semble avoir changé d’avis.
Par ailleurs, la consommation d’hydrogène bas-carbone demeure elle-aussi une inconnue. "Il n’est pas encore clair s’il sera intéressant de transporter de l’hydrogène entre la péninsule ibérique et la France. La production d’hydrogène bas carbone est actuellement presque nulle et les filières de consommation restent en partie à construire, même s’il semble clair que l’hydrogène servira surtout pour la décarbonation de l’industrie. Les zones de production et de consommation sont donc encore en cours de définition et il est alors difficile de planifier les infrastructures de transport", analyse Inès Bouacida, chercheuse Climat-Énergie à l’Institut du Développement Durable et des Relations Internationales (Iddri).

L’industrie constitue le fer de lance de la massification de la filière


En France, si l’hydrogène n’a représenté que 0,6% de la consommation énergétique de l’industrie en 2021, son développement devrait suivre le scénario le plus ambitieux imaginé par la filière, avec plus de 250 projets recensés et 225 stations de recharge pour véhicules d’ici à 2025. C’est ce que révèle une nouvelle étude publiée le 7 décembre dernier par France Hydrogène. La consommation d’hydrogène bas-carbone et renouvelable devrait ainsi dépasser 1 million de tonnes par an d’ici 2030.
Reste un frein particulièrement important à lever, celui de l’accès à une "énergie bas-carbone ou renouvelable abondante et abordable", souligne Philippe Boucly, président de France Hydrogène. Un point que le gouvernement devra prendre en compte dans l’actualisation de sa stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène, attendue d’ici la fin du premier semestre 2023. Mais aussi dans l’évaluation du projet BarMar…
Concepcion Alvarez @conce1

Découvrir gratuitement l'univers Novethic
  • 2 newsletters hebdomadaires
  • Alertes quotidiennes
  • Etudes