La France troque le gazoduc MidCat contre un nouveau projet déjà controversé

Le président français Emmanuel Macron (à droite) salue le premier ministre espagnol Pedro Sanchez (à gauche), avant leur conférence avec le reste des chefs d'État et des premiers ministres de l'Union européenne au château de Versailles, à Paris, en France, le 10 mars 2022. Les chefs d'État et les premiers ministres de l'Union européenne analyseront leur réponse à l'invasion de l'Ukraine par la Russie et discuteront de la réduction de la dépendance énergétique de la Russie, lors de ce sommet. [EPA-EFE/CHEMA MOYA]

Les chefs d’État et de gouvernement espagnol, portugais et français ont convenu jeudi (20 octobre) de remplacer le projet MidCat par un nouveau gazoduc capable de transporter de l’hydrogène, du moins théoriquement.

Dans les dernières semaines, les Français d’un côté, les Espagnols, les Portugais et les Allemands de l’autre, avaient fait état de leurs différences de points de vue sur l’avenir du projet de gazoduc MidCat, reliant la France et l’Espagne.

La France considérait comme inutile le projet, chargeant les autorités espagnoles et allemandes de démontrer son utilité pour répondre à la crise énergétique et renforcer les infrastructures d’énergie verte. 

Mais à Bruxelles, en marge du Conseil européen, le président français Emmanuel Macron, le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, et le Premier ministre portugais, António Costa, sont parvenus à un accord : remplacer le projet MidCat par un nouveau projet de « corridor énergétique vert », surnommé BarMar. 

Ce projet aurait, contrairement au MidCat, « vocation à bénéficier de financements européens » déclare Emmanuel Macron, en amont du Conseil européen de jeudi. 

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BarMar, le « corridor énergétique vert »

L’Europe se dirige donc vers le développement d’un nouveau pipeline qui devrait contribuer à la fois à « l’achèvement du marché de l’énergie de l’UE » et au « renforcement de la transition énergétique dans le cadre du Pacte vert [Green Deal] », en ouvrant la possibilité de transporter du gaz renouvelable entre Barcelone à Marseille par la mer, annonce l’Elysée. 

Entre autres gaz renouvelables, le projet pave la voie pour le transport d’hydrogène « vert » issu des énergies renouvelables. 

Mais pour Phuc-Vinh Nguyen, chercheur en politique énergétique près l’institut Delors, contacté par EURACTIV France « pour le moment le projet est nébuleux »

Selon lui, « l’absence de calendrier annoncé, et surtout le fait qu’on fasse encore une fois le pari de l’hydrogène sans avoir clarifié ses usages prioritaires, laisse songeur ».

Comme d’autres experts, M. Nguyen reste donc sceptique quant à cet argument du transport d’hydrogène vert qui justifie le développement de ce nouveau projet. 

« Ça a l’air moins pharaonique et enfermant sur le fossile que MidCat à première vue. Nous verrons », tweete en ce sens Nicolas Goldberg, Senior Manager Energie chez Colombus Consulting.

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« Nous ne sommes pas pressés »

Et « si l’enjeu est l’hydrogène, alors nous ne sommes pas pressés », déclarait la présidente du régulateur français (CRE), Emmanuelle Wargon, dans un récent entretien accordé à EURACTIV France.

D’autant que, pour le moment, « transporter l’hydrogène est dur et technique. […] il est donc plus censé de le consommer là où il est produit ». Sans compter la demande importante en électricité issue du renouvelable que demande la production d’hydrogène vert, argumente M. Nguyen. 

En outre, le gazoduc devrait tout de même conserver une capacité de transporter, de façon  « limitée », du gaz naturel, « source d’énergie temporaire et transitoire », détaille l’Elysée.

Le gazoduc MidCat est donc abandonné, mais pas son caractère gazier qui était pourtant au cœur du conflit autour de son redéveloppement, ce que rappelle l’eurodéputée française les Verts/ALE, Marie Toussaint, sur Twitter.

« [Emmanuel] Macron se faisait défenseur du climat en s’opposant au MidCat, mais vient d’accepter une nouvelle connexion gazière maritime », écrit-elle. 

Par ailleurs, le collectif « Non au MidCat » souligne que le projet reste « une aberration pour le climat et la biodiversité » en ce que « les fonds de la Méditerranée entre Barcelone et Marseille sont extrêmement riches et en péril [et] bénéficient d’une haute protection environnementale avec le Parc Naturel Marin du Golfe du lion par exemple », rapporte France 3 régions.

Pour l’heure, le projet n’a fait l’objet que d’une annonce. Un accord devra être entériné entre les chefs d’Etat et gouvernements les 8 et 9 décembre à Alicante, en Espagne. 

La semaine prochaine, Emmanuel Macron devrait également rencontrer le chancelier allemand Olaf Scholz, défenseur du projet MidCat, confirme l’Elysée.

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