« Le compromis peut être très positif, et il n’est pas synonyme de compromission » : la coalition, une pratique européenne

Eruptifs ou rationnels, les gouvernements de compromis et d’alliance sont la règle dans l’Union. Mais la défaite électorale est souvent au bout du chemin. Du Nord au Sud, un voyage instructif à l’heure du choix en France.

Présentation du gouvernement néerlandais à La Haye, le 2 juillet. Menée par un haut fonctionnaire, Dick Schoof (au premier rang à g.), cette coalition de quatre blocs, dont l’extrême droite de Geert Wilders, antimigrants et antieuropéen, a été constituée en six mois.

Vers une coalition large ou resserrée, autour de quelles forces ? Avec quel Premier ministre ? Et pour quel programme ? Alors que la France découvre ces questions, en Europe, où les coalitions règnent, la plupart des pays pratiquent cet exercice d’équilibre. « Une conséquence directe du scrutin proportionnel, relève Thierry Chopin, conseiller spécial à l’Institut Jacques Delors et professeur au Collège d’Europe, à Bruges. Il accentue une fragmentation politique que le système majoritaire à la française était censé éviter. »

La tripartition, voire quadripartion, du paysage politique est devenue la règle dans l’Union. Car les grands partis de gauche ou de droite, longtemps dominants, sont presque partout à la peine. C’est vrai aussi au Parlement européen : la majorité, traditionnellement fondée sur une alliance entre le Parti populaire européen (centre droit) et la gauche sociale-démocrate, a dû être étendue en 2019 aux libéraux.

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Une culture de la négociation oubliée par la France

La coalition est dès lors une nécessité, et implique autant de patience que d’inventivité. Il s’agit en effet de réussir à concilier des positions parfois très éloignées. « Le compromis peut être très positif, et il n’est pas synonyme de compromission », relève le chercheur, même si l’alliance gouvernementale implique, pour chacune des composantes, l’abandon de tel ou tel point de programme. En général, le parti le plus fort par le verdict des urnes et ses alliés paieront ces concessions aux élections suivantes.

Composer un tel gouvernement peut aussi être long, très long. En 2010 et 2011, il fallut 541 jours à la Belgique, où la fragmentation politique est renforcée par le facteur communautaire. Le contrat de gouvernement peut parfois nécessiter des mois de négociations après les élections, comme en Allemagne. Souvent, il est élaboré en amont par les partis qui se présentent déjà comme alliés devant les électeurs, comme en Italie. Il peut aussi y avoir des coalitions sans majorité, qui négocient leurs soutiens au coup par coup.

Enfin, des situations d’impasse politique peuvent imposer des gouvernements de techniciens ou d’experts pour gérer quelques grandes priorités. La forme la plus achevée de la coalition est l’union nationale, en cas de circonstances tragiques. C’est tout une culture de la négociation que la France a oubliée depuis la fin de la quatrième république.