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Le débat présidentiel ne vacille pas face aux déboires d’EDF

(Montel) La récente accumulation de déboires dans l'industrie nucléaire française ne risque pas de faire dérailler la position pro-nucléaire des principaux candidats aux prochaines élections présidentielles, ont déclaré cette semaine des analystes et universitaires.

Un « consensus plus fort » émerge dans les différents partis politiques en faveur de l'énergie nucléaire pour lutter contre le changement climatique et garantir l'approvisionnement en électricité, ont déclaré des experts à Montel.

« La rhétorique politique pro-nucléaire a sa logique propre, qui est partiellement divorcée de la réalité technique et économique des enjeux nucléaires », a déclaré Thomas Pellerin-Carlin, directeur du centre de l'énergie à l'Institut Jacques Delors.

La semaine dernière, l'entreprise publique EDF a annoncé un nouveau retard dans le démarrage prévu du réacteur pressurisé européen (EPR) de nouvelle génération en construction à Flamanville (Manche), déclarant que les coûts augmenteraient de EUR 300 millions.

Dans le même temps, l'entreprise a réduit sa production nucléaire pour 2022 à son plus bas niveau en 30 ans en raison d'arrêts non planifiés sur cinq réacteurs liés à des problèmes de corrosion persistants.

« Pas d'impact important »

Ces revers n‘auront pas un « impact important » sur le débat politique énergétique français à court terme, a déclaré Jan-Horst Keppler, professeur d'économie à l'université Dauphine.

Cependant, au cours des prochaines années, EDF et le gouvernement devront convaincre le public, les experts et les investisseurs qu'ils disposent d'une stratégie industrielle « crédible » pour réaliser les projets de construction de nouveaux réacteurs.

« Le démarrage de Flamanville est un point important dans ce contexte », a-t-il déclaré.

Un bloc politique de centre droit - représentant 70% des intentions de vote du pays au premier tour de l'élection, prévue en avril - soutient les projets de construction de nouveaux réacteurs, selon les experts.

Les candidates de droite et d'extrême droite, Valérie Pecresse (LR) et Marine Le Pen (RN), au coude à coude dans les sondages mais loin derrière l'actuel président sortant et centriste Emmanuel Macron, qui devrait remporter l'élection, ont même promis d'abandonner le projet de fermeture de douze réacteurs nucléaires d'ici 2035.

Le gouvernement actuel a décidé qu'EDF doit fermer ces réacteurs d'ici là pour atteindre un objectif de réduction de l'utilisation du nucléaire à 50% de la production d'électricité, contre environ 70% actuellement.

Fermeture de réacteurs ?

Il est possible qu'un nouveau président revienne sur ces fermetures au nom de la sécurité d'approvisionnement, a estimé Nicolas Goldberg de Colombus Consulting.

« Avec la tension que l'on a actuellement sur l'approvisionnement, la position sera plutôt d'exploiter les réacteurs tant qu'ils produisent », a-t-il dit.

En attendant, le gouvernement actuel, conscient des difficultés auxquelles est confrontée l'industrie, ne devrait pas révéler durant la campagne électorale les détails de son projet de construction de nouveaux EPR, a-t-il ajouté.

« Il est plus facile de rester vague et de ne pas faire d'annonces supplémentaires (...) car la droite n'hésitera pas à critiquer la méthode même si elle n'a rien à proposer », a-t-il affirmé.

Les candidats de gauche, qui sont loin derrière le bloc de centre-droit dans les sondages, s'opposent à une relance de l'énergie nucléaire et préconisent une sortie lente de l'utilisation de l'atome. Ils estiment qu'il est nécessaire de le maintenir pour aider le pays à sortir ​des combustibles fossiles et atteindre la neutralité carbone d'ici 2050.

Le candidat de EELV, Yannick Jadot, crédité de 5% dans les sondages, a demandé une enquête parlementaire sur le « fiasco absolu » de la construction de Flamanville, qui a maintenant onze ans de retard et dont les coûts ont explosé.

En tant que président, M. Jadot renationaliserait entièrement EDF, dont la dette s'élève à EUR 42 milliards, a-t-il déclaré cette semaine.