"Député européen, un travail politico-technique peu médiatique"
Directeur de l’Institut Jacques-Delors, Sébastien Maillard est un spécialiste des affaires européennes, qu’il a notamment enseignées à Sciences Po (Paris). Auteur de Qu’avons-nous fait de l’Europe ? (éd. Salvator, préface de Jacques Delors) et Faire l’Europe dans un monde de brutes (avec Enrico Letta), il porte un regard avisé sur le mandat de député européen.
On va élire 79 députés européens français le 26 mai. Diriez-vous que leur rôle reste très méconnu ?
Le député européen reste une espèce mal connue. Parce qu’il effectue un travail ingrat, politico-technique, médiatiquement peu valorisé, et qui n’est pas reconnu à sa juste valeur. L’eurodéputé peut être un tribun, avoir de l’aisance relationnelle, ce n’est pas interdit à un député européen, mais la valeur ajoutée principale qu’il apportera durant son mandat reste le travail technique sur dossier.
Un travail difficilement lisible ?
Oui, qui se fait essentiellement à Bruxelles, là où on rentre dans le vif du sujet. Et puis un seul élu ne peut s’attribuer la victoire sur un texte. Ce n’est jamais la victoire d’un camp sur un autre. C’est mal compris en France, on cherche toujours à savoir qui a gagné ou perdu. Le député européen est toujours dans la construction d‘un compromis, avec d’autres élus d’autres bords politiques.
Un travail dont le citoyen peut aussi avoir du mal à mesurer le réel impact ?
Il a parfois du mal au niveau national, c’est encore plus compliqué au niveau européen. Une directive votée à Strasbourg ne sera peut-être transposée que deux ans plus tard. Le temps européen n’est pas le temps national. Cela peut fausser la visibilité du travail de l’eurodéputé.
La recherche d’un consensus est essentielle, on reste donc aussi hors des clivages habituels ?
Oui, l’esprit politique n’est pas du tout le même. Le député européen doit savoir composer. Ce n’est pas aussi spectaculaire que de faire un coup d’éclat. Regardez José Bové, très médiatique avec l’opération coup de poing du McDo de Millau, pour provoquer une prise de conscience. Puis, sur les mêmes problématiques, il a décidé de s’impliquer, en tant qu’eurodéputé, de l’intérieur, pour faire avancer les choses. Ça se voit moins, mais il a travaillé tout autant.
Vous jugez leur rôle sous-estimé ?
Complètement. C’est vrai, qu’en France, les partis envoient souvent au Parlement de très jeunes élus, à qui ça sert de tremplin, ou, au contraire, d’ex-figures nationales qui y font là leur traversée du désert, ça n’aide pas. Alors que les eurodéputés pèsent, peuvent réellement influencer, ont leur mot à dire sur le choix des commissaires européens qu’ils auditionnent. C’est un travail à plein temps. Ce sont des législateurs. On devrait d’ailleurs parler d’élections législatives pour l’Union européenne. Et plutôt que de toujours évoquer les directives de Bruxelles, on devrait dire les lois votées à Strasbourg.
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