Toasts à répétition, « nouvelle ère » et coopération accrue, la visite de Xi Jinping auprès de son « cher ami » Vladimir Poutine, du 20 au 22 mars à Moscou, a été suivie de près dans les capitales européennes. Si celles-ci sont restées discrètes face à la mise en scène de l’amitié sino-russe, leur embarras par rapport à la posture adoptée par Pékin n’en est pas moins perceptible tandis que la guerre en Ukraine risque de s’enliser.
Plus d’un an après le début de l’invasion russe, le discours très anti-occidental du président chinois, partagé par son homologue du Kremlin, vient compliquer le dilemme des Européens par rapport à la Chine. De fait, à mesure que le conflit se prolonge, la « neutralité bienveillante » de Pékin envers Moscou cède la place à un soutien de plus en plus affirmé, au point de troubler les Européens. Jusqu’ici, ils sont restés soucieux de dialoguer avec la Chine, en se démarquant de l’approche confrontationnelle privilégiée par les Etats-Unis.
Désormais, le partenariat « sans limite » lancé par Xi et Poutine montre aux Européens que la Chine dispose, en tant que partenaire le plus proche de Moscou, d’une sorte de droit de regard sur les questions de sécurité continentale. « C’est une évidence que la Chine soutient la Russie, et partage les thèses russes sur l’origine du conflit. Il ne s’agit pas d’un accord de circonstances, mais d’un front diplomatique commun, observe François Godement, spécialiste de la Chine et conseiller de l’Institut Montaigne. La Chine est désormais le parrain de la Russie. »
A ce stade, au grand soulagement des Européens, Pékin ferait encore preuve de retenue sur le front militaire. Les inquiétudes des Occidentaux concernant d’éventuelles livraisons d’armes létales chinoises à la Russie, à sa demande, n’en sont pas moins réelles. « Les Chinois sont les rois de l’ambiguïté. De tels transferts d’armes constitueraient une escalade inédite », observe Sébastien Maillard, directeur de l’Institut Jacques Delors. Mais rien n’indique que de telles livraisons ont eu lieu, a encore observé Washington en marge de la visite.
Médiateur potentiel
En revanche, à force de poignées de main avec Vladimir Poutine, Xi Jinping a sans doute sonné la fin des illusions sur la posture diplomatique de la Chine dans ce qu’elle appelle la « crise ukrainienne », histoire, comme la Russie, de ne pas parler de guerre. Ces derniers mois, plusieurs dirigeants européens, à commencer par Emmanuel Macron et Olaf Scholz, le chancelier allemand, ont pourtant voulu voir Pékin en médiateur potentiel, en dépit de son abstention dans les enceintes de l’ONU dès lors qu’il s’agissait de condamner Moscou.
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