Les élections en Espagne sont-elles un coup d’arrêt pour les droites européennes ?

Santiago Abascal, le chef du parti espagnol 'Vox', s'adresse à une conférence de presse à la suite du Comité d'action du parti à Madrid, Espagne, le 05 juin 2023. Aucun des partis politiques espagnols ne tiendra d'élections primaires pour les prochaines élections générales, le 23 juillet 2023, ce qui porte à croire que les candidats au poste de Premier ministre seront leurs dirigeants actuels. [EPA-EFE/FERNANDO VILLAR]

Les élections législatives de dimanche (23 juillet) en Espagne marquent un échec pour les droites européennes, un évènement rare ces derniers temps sur le continent, selon des analystes.

À moins d’un an des élections européennes, qui auront lieu en juin, l’incapacité du Partido Popular conservateur (Parti populaire européen) et de son partenaire potentiel Vox, un parti d’extrême droite, à obtenir une majorité leur permettant de gouverner « signifie que la vague d’extrême droite et ultra-conservatrice n’a pas passé les Pyrénées, qu’il y a un coup d’arrêt », commente le politologue Steven Forti.

« Le signal que l’Espagne envoie à l’Europe, c’est que cette vague peut être stoppée », déclare-t-il à l’AFP.

Sur le papier, le PP a certes remporté ce scrutin en terminant avec le plus grand nombre de députés (136) devant le Parti socialiste du Premier ministre sortant Pedro Sánchez (122), mais il s’agit d’une « victoire à la Pyrrhus », et même d’une « défaite d’un point de vue politique », estime ce professeur à l’Université autonome de Barcelone (UAB).

C’est que les sondages donnaient le PP très largement vainqueur et même en mesure d’atteindre la majorité absolue au Parlement avec l’aide de Vox, un allié certes très encombrant en raison de ses positions radicales, mais indispensable pour que le PP puisse gouverner.

Malgré les réticences du PP, une telle situation aurait pu conduire à une participation de l’extrême droite au pouvoir, pour la première fois depuis la mort du dictateur Francisco Franco, en 1975.

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Embarras

Beaucoup en Europe voyaient déjà l’Espagne emprunter le chemin de la Suède et de l’Italie l’an dernier ou de la Finlande cette année, pays où des blocs de droite et d’extrême droite sont maintenant au pouvoir. À Rome, c’est même la cheffe du parti d’extrême droite Fratelli d’Italia, Giorgia Meloni, qui dirige le gouvernement.

La déconvenue du PP et de Vox en Espagne annonce-t-elle une remise en cause en Europe de cette stratégie de rapprochement entre la droite dite traditionnelle et l’extrême droite ?

Pour Thierry Chopin, conseiller spécial à l’Institut Jacques Delors, « ce n’est pas du tout certain, car les situations nationales sont très différentes ».

Il souligne ainsi que Vox, né en 2013 d’une scission du PP, a « un discours assez outrancier » et « une forme de radicalité », loin de « la stratégie de banalisation, de respectabilité qu’on a pu voir dans d’autres pays européens » de la part de mouvements similaires.

De fait, Vox a mis le PP et son leader Alberto Núñez Feijóo dans l’embarras durant toute la campagne par ses prises de position extrêmes sur des thèmes allant de son refus de reconnaître l’existence de la violence machiste au rejet des droits de la communauté LGBT+ en passant par son opposition à l’avortement ou à l’euthanasie.

La convergence idéologique « n’a pas fonctionné » en Espagne, « à la différence de ce qu’il s’est passé en Italie ou dans le nord de l’Europe », poursuit M. Chopin.

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Récriminations

La contre-performance de dimanche a en tout cas conduit à des récriminations publiques entre les deux formations, le secrétaire général de Vox, Ignacio Garriga, accusant lundi (23 juillet) les médias proches du PP d’« une diabolisation et [d’] une manipulation du message de Vox » au nom du « vote utile », c’est-à-dire afin d’attirer les électeurs de Vox.

Pour évaluer l’impact au niveau européen de la déconvenue des droites dimanche en Espagne, M. Forti estime qu’il faut savoir si M. Sánchez et son allié de la gauche radicale, Sumar, parviendront à rester au pouvoir.

Dans le cas contraire, l’Espagne se dirigera vers de nouvelles élections, à la fin de l’année ou au début de l’an prochain, « juste avant les élections européennes ».

En prévision de ces élections, le Parti populaire européen (PPE), auquel appartient le PP, est actuellement en discussion avec le groupe Conservateurs et Réformistes européens (CRE), dont Fratelli d’Italia et Vox sont membres, afin de conclure un accord au Parlement européen.

L’élection de dimanche en Espagne « complique énormément cette stratégie », souligne M. Forti.

« Ce qui s’est passé en Espagne me conforte [dans l’idée] qu’une telle alliance » des droites « n’a rien d’évident et ne se produira pas » au Parlement européen, renchérit M. Chopin.

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