Les Européens cherchent la parade face à la crise énergétique
Le ministre de l'Economie français, soutenu par l'Espagne, milite pour une réforme structurelle du marché européen de l'énergie. Les chefs d'Etats doivent à nouveau débattre des conséquences de la crise énergétique le 21 octobre prochain.
Le prix du gaz monte en flèche et les esprits s’échauffent à Bruxelles. Les ministres des Finances européens ont fait de la crise énergétique actuelle, l’un des sujets centraux de leur réunion mensuelle, les 4 et 5 octobre. Le ministre de l’Economie français, Bruno Le Maire, réclame des mesures structurelles pour réformer de fond en comble le marché européen de l’électricité, estimant son fonctionnement « injuste, inefficace et très coûteux ».
« Il a eu un avantage important, car il permet de sécuriser l’approvisionnement en énergie partout et tout le temps. Mais il y a aussi un inconvénient majeur d’aligner le prix de l’électricité sur celui du gaz. Nous ne pouvons pas avoir de plus en plus de besoins d’électricité avec la transition énergétique, et un prix de l’électricité dépendant de celui du gaz », a plaidé Bruno Le Maire avant la réunion.
Pour le ministre de l’Economie, qui a bataillé avec la Commission européenne ces derniers mois sur la réforme d'EDF, il s'agit de renforcer le lien entre le prix moyen de production de l’électricité dans chaque pays, et le prix payé par le consommateur, en poussant des contrats de long terme et en renforçant les tarifs réglementés. Dans son plaidoyer, la France n’est pas isolée. L’Espagne, la Grèce, la République Tchèque et la Roumanie ont signé avec l'Hexagone une lettre ouverte, détaillant leurs propositions, qui devraient nourrir les discussions du prochain Conseil européen des chefs d’Etat du 21 octobre.
Projet encore flou
Depuis sa création en 1996, le marché européen de l’énergie a connu plusieurs réformes. « La dernière directive date de juin 2019, donc une réforme est possible. Mais la question est de savoir par quoi et comment la France veut le remplacer de façon précise. Il est peu probable qu’elle veuille un marché complètement régulé. Tous les marchés mondiaux fixent le prix de l’électricité en fonction des coûts marginaux», pointe, dubitatif, Thomas Pellerin-Carlin, le directeur du centre énergie de l’Institut Jacques Delors.
Pour lui, le grand enjeu à venir sera surtout d'adopter le fonctionnement du marché pour absorber une électricité principalement renouvelable. Et la réforme prônée par Bruno Le Maire ne constitue pas de toute façon une réponse à même d’alléger la contrainte pour cet hiver.
Achats groupés de gaz
Pour faire redescendre la pression, l’Espagne plaide notamment en faveur d'achats groupés de gaz au niveau européen, afin de renforcer son pouvoir de négociation et la coordination de l’utilisation des capacités de stockages européens, alors que la crise actuelle est avant tout une crise du gaz, qui rejaillit sur les prix de l’électricité.
La piste, déjà évoquée par le passé, avait été abandonnée faute de consensus. Et là aussi, le dispositif ne pourrait être efficace que pour la prochaine crise au mieux. Au niveau européen, le bien-fondé de ces mesures structurelles ne fait pas l’unanimité du côté des pays de l'Europe du Nord et de l’Allemagne. La Commission s’empresse aussi d’étouffer la mise en cause du système des quotas carbone, accusé par la Pologne et la Hongrie de nourrir la hausse des prix de l’énergie.
Boîte à outils du côté des Etats membres
« A court terme, ce qui reste de mieux à faire pour l’Europe est de peser de son poids diplomatique pour obtenir davantage de livraisons de Russie ou de tankers de GNL depuis les Etats-Unis, au nom du renouveau de l’axe transatlantique », estime Thomas Pellerin-Carlin. Dans l’immédiat, les outils sont surtout du ressort des Etats membres. En la matière, ils ont des marges de manœuvre que la Commission européenne devrait leur rappeler en détaillant le 13 octobre la boîte à outils de mesures actionnables par les Etats.
Y figurent : la baisse de la TVA et les taxes sur l’électricité, comme a déjà commencé à faire le gouvernement espagnol, et l’augmentation des subventions à la consommation d’énergie des plus modestes notamment, le choix fait pour l’instant par le gouvernement français. Pour éviter une rechute de l’activité économique, le gouvernement pourrait être forcé de replonger dans le « quoi qu’il en coûte ».
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