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Les habitants "ont demandé" à être Russes : comment s’est déroulé le référendum en Crimée de 2014 ?

Publié le 22 septembre 2022 à 12h40

Source : JT 20h Semaine

Selon des comptes prorusses, les prochains référendums en Ukraine se justifient à la lumière du précédent de 2014.
À cette époque, les habitants de Crimée auraient demandé à être rattachés à la Russie.
Retour sur l’organisation de ce scrutin, qui avait été coordonné en seulement dix jours.

Mis en difficulté sur le terrain en Ukraine, Vladimir Poutine a décidé de se servir des référendums pour essayer de se sortir de l'impasse. Du 23 au 27 septembre, des scrutins seront organisés dans quatre régions ukrainiennes - Lougansk, Donetsk, Kherson et Zaporijia - pour décider de leur annexion à la Russie. Une manière pour le chef du Kremlin de conquérir ces territoires tout en invoquant le "droit à l’autodétermination" de leurs habitants.

Et pour légitimer la tenue des référendums, des comptes prorusses reviennent sur le vote organisé en Crimée, en 2014, qui avait conduit à l’annexion de la péninsule par la Russie. Par exemple, on peut lire sur Twitter : "Selon Macron la Russie a annexé la Crimée par la FORCE en 2014. Il "oublie" de dire que les habitants ont demandé leur rattachement par RÉFÉRENDUM. Ce vote déplaît à l'UE et aux USA. L'Ukraine est un prétexte pour tenter d'imposer leur domination".

À l’époque, Vladimir Poutine avait vanté les résultats du référendum, organisé le 16 mars 2014 dans la péninsule de Crimée, donnant libre accès à la mer Noire à son pays. Un vote s’étant déroulé selon lui "dans le plein respect des procédures et des normes démocratiques internationales en vigueur" et ayant récolté 96,6% de "oui" pour rejoindre la Fédération de Russie. 

La mise en place des isoloirs en Crimée le 15 mars, en perspective du référendum du lendemain
La mise en place des isoloirs en Crimée le 15 mars, en perspective du référendum du lendemain - VIKTOR DRACHEV / AFP

L’association Human Rights Watch était revenue sur le scrutin, qui avait été décidé là aussi très rapidement, puisqu’il avait seulement fallu dix jours pour qu’il prenne forme : "Après que les autorités locales aient annoncé le 17 mars que 97 pour cent de la population avait voté pour se joindre à la Russie, le président russe Vladimir Poutine a signé un décret reconnaissant la Crimée comme un État indépendant. Le 18 mars, Poutine et le leadership de la Crimée ont signé des accords rendant la Crimée et la ville de Sébastopol parties intégrantes de la Fédération de Russie. Poutine a demandé au parlement de la Russie d’adopter une loi acceptant les nouvelles régions en tant que parties de la Fédération de Russie".

Un scrutin sans observateurs indépendants

Le gouvernement ukrainien comme la communauté internationale avaient alors refusé de valider les résultats et ne reconnaissent toujours pas le rattachement de la Crimée à la Russie. Car de nombreux obstacles à une libre expression d’un vote démocratique ont été signalés. D’abord, la formulation du référendum laissait peu de choix aux habitants de la péninsule, qui devaient choisir entre deux questions. "Êtes-vous favorable à l'intégration de la République autonome de Crimée à la Fédération de Russie ?" ou bien "Êtes-vous favorable au rétablissement de la Constitution de Crimée de 1992 et au maintien de la Crimée comme partie intégrante de l'Ukraine ?". Une seconde option, qui revenait à un statut d’autonomie élargie de la Crimée avant la Constitution de 1999 et permettant aux Russes de garder un certain contrôle de la région.

Ensuite, des ONG comme Human Rights Watch ont fait état, une semaine avant le référendum, de l’arrestation et de la détention d’"au moins six activistes politiques pro-Kiev, dont trois originaires de Crimée". Le nombre d'Ukrainiens, alors opposés au référendum, n'est pas précis. Ils seraient environ 20%, d'après la presse qui s'était faite écho du vote de 2014. Selon le dernier recensement de la population en 2001, les Criméens se sont déclarés d’origine russe à 58,5%, Ukrainiens à 24,4% et Tatars à 12,1%. 

Moscou commémore l'annexion de la CriméeSource : JT 20h WE

Ceci étant, Cyrille Bret, chercheur associé à l’institut Jacques Delors, revient sur "la constitution du corps électoral", qui avait subi des "soustractions très importantes" en étant émaillée "par des fuites, des arrestations, ou par des obstructions administratives". Un élément qui empêchait la sincérité du scrutin, selon le spécialiste en relations internationales, parmi beaucoup d’autres : "Pour les Occidentaux, le droit ukrainien aurait dû être appliqué et le déroulement du scrutin aurait dû être observé par des observateurs indépendants". Comme ceux de l'OSCE, l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe. 

Autant de raisons qui font que le référendum lui-même n’a pas été reconnu par l’Assemblée générale de l’ONU, qui avait adopté le 27 mars 2014 une résolution selon laquelle le vote n’avait "aucune validité" et "ne saurait servir de fondement à une quelconque modification du statut de la République autonome de Crimée".

Et qui ne valideront pas, de manière certaine, les quatre référendums organisés dans les territoires ukrainiens. "Un scrutin de cette importance doit se dérouler dans des conditions de sérénité du corps électoral, que ne permet pas une situation de guerre, appuie Cyrille Bret. Il n’y a aucune garantie sur la représentativité du corps électoral qui sera consulté, ni sur l’impartialité du scrutin. Aucune des conditions n’est réunie aujourd’hui pour que l’on tienne un référendum." 

De nombreux dirigeants comme Emmanuel Macron ont d’ores et déjà condamné la tenue de ces votes d’annexion, parlant de "simulacres de référendums" en Ukraine. 

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Caroline QUEVRAIN

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