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Tribune

Opinion | Les trois rendez-vous de l'Europe pour 2020

Objectif d'inflation, niveau de déficit et contribution budgétaire des Etats membres seront au coeur des débats de l'UE cette année. Avec deux idées fortes : renforcer les ressources propres de l'Union et favoriser les investissements. Mais il faudra compter avec la vigilance de l'Allemagne, avertit Sébastien Maillard.

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(Amer Ghazzal/Getty Images)

Par Sebastien Maillard (directeur de l’Institut Jacques Delors)

Publié le 10 janv. 2020 à 07:17Mis à jour le 10 janv. 2020 à 11:05

Cette année, un nouveau chiffre aura su s'imposer en Europe : le zéro carbone. A l'exception de la Pologne, à ce stade, cet objectif de neutralité climatique à l'horizon 2050 fait désormais consensus entre dirigeants européens.

En 2020, ces derniers vont débattre de trois autres chiffres. Trois pourcentages ronds, d'une simplicité enfantine mais polémiques. Le premier c'est 1 %. C'est le seuil du revenu national brut (RNB) de l'Union européenne que des Etats fortement contributeurs refusent de voir dépasser pour cadrer les budgets européens des sept prochaines années. Le Parlement européen, dont l'approbation est incontournable, ambitionne d'engager ces crédits à 1,3 % du RNB. L'Union est, hélas, rompue à ces batailles rangées autour d'un dérisoire 1 %, dont le moindre écart à la hausse mesurera l'ambition.

Mais un autre front est ouvert, celui des 2 %. Il s'agit ici du niveau d'inflation de la zone euro en dessous mais proche duquel la Banque centrale européenne se détermine pour orienter ses taux d'intérêt. Alors que l'inflation est devenue durablement basse dans nos économies (attendue à 1,1 % en 2020, au plus à 1,6 % en 2022), la pertinence de cet objectif, inchangé depuis 2003 et devenu inatteignable, est sérieusement remise en cause. Christine Lagarde, la nouvelle présidente de la BCE, a annoncé une « révision stratégique » qui devrait mobiliser son institution l'an prochain. Avec, entre autres, l'idée de cibler une inflation proche mais plus nécessairement en dessous de 2 % afin de mieux lutter contre le risque de déflation. Plus qu'un changement sémantique, une révolution dogmatique.

Une troisième révolution attend son heure. Ce sont les fameux 3 % du produit intérieur brut sous lesquels un déficit budgétaire national doit être maintenu. Emmanuel Macron, dans « The Economist », a qualifié ce critère maastrichtien de « débat d'un autre siècle ». Mais le sujet sera récurrent au fil de l'année 2020. Le président français considère que ces 3 % brident les investissements publics, dont notre continent a tant besoin dans la compétition mondiale.

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Faire éventuellement bouger ces trois lignes rouges dépendra en grande partie de l'Allemagne. Contributrice nette au budget européen, elle est attachée au 1 %. Revoir l'objectif des 2 %, autrement dit le coeur du mandat de la BCE, exigera aussi son aval. Et relativiser la règle des 3 % est un autre moyen d'inciter Berlin à dégonfler ses excédents budgétaires pour tirer la croissance en Europe.

Mais lever le tabou sur ces chiffres totémiques ne sert pas seulement à pousser les Etats à dépenser plus. Le président du Parlement européen, David Sassoli, l'a expliqué clairement devant l'Institut Jacques Delors, à Paris. « le Parlement ne demande pas qu'une augmentation des contributions des Etats. Nous voulons davantage de ressources propres » pour l'UE. De telles ressources, indépendantes des contributions des Etats, sont gage d'intégration européenne.

S'agissant du critère des 3 %, une idée qui émerge serait d'extraire du calcul du déficit budgétaire des investissements verts, ceux consentis pour réduire l'empreinte carbone de nos économies. Mais, comme pour l'éducation ou la défense, circonscrire ces dépenses du reste n'est jamais évident.

Au-delà de ces inflexions, ce n'est pas moins que notre entier modèle de croissance qui est pointé du doigt. L'objectif retenu de zéro carbone va de pair avec, comme l'énonce le futur pacte vert européen, une « croissance économique dissociée de l'utilisation des ressources ». Ceci obligera à revoir le calcul du PIB, mère de tous les indices, pour y intégrer les externalités négatives de nos modes de production et des indicateurs de bien-être. Bâtir cette croissance durable et inclusive, et se donner les moyens d'une autre quantification du progrès doit devenir en 2020 et pour la prochaine décennie la priorité européenne, numéro une.

Sébastien Maillard est directeur de l'Institut Jacques Delors.

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