Dépêche

Après leur percée aux Européennes, les Verts à l'heure des choix

Paris (AFP) - Forts de leur succès aux Européennes, qui traduit le sentiment d'urgence climatique, les Verts disposent d'un "levier" pour peser davantage sur les décisions au Parlement européen, mais font face au choix crucial de rejoindre ou pas une future grande coalition.

"La perception de l'urgence climatique dans les sociétés et le fait que nous sommes de moins en moins vus comme un parti de niche (...) mais comme un parti de gouvernement, capable d'agir sur le réel, ont fait que les Verts ont percuté dans l'opinion publique", analyse lundi auprès de l'AFP le député européen belge Philippe Lamberts, membre du groupe des Verts au Parlement.

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"Cette recomposition n'est pas juste interne à la gauche : en Allemagne, une partie de la droite a voté écolo, cela a à voir avec une compréhension générationnelle", ajoute Sébastien Treyer, directeur de l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri).

En Allemagne, les Verts sont arrivés devant les conservateurs parmi les 18-44 ans quand CDU (chrétiens démocrates) - CSU (chrétiens-sociaux bavarois) d'Angela Merkel a dominé chez les plus de 60 ans.

Cette poussée verte en Europe a "à voir à la fois avec une ouverture des frontières et un attachement à nos écosystèmes, ou à un régionalisme : on est en train de voir quelque chose qui transforme notre boussole politique", estime M. Treyer.

Et chez nombre d'organisations de défense de l'environnement interrogées lundi par l'AFP, ce vote suscite énormément d'espoir. Pour Isabelle Autissier, présidente du WWF France, la "conscience des citoyens sur le changement climatique, la biodiversité et tous les fondamentaux de la planète s'est aiguisée (...), les parlementaires vont devoir s’atteler à ces questions".

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"solide opportunité"

Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France, souligne qu'"aucun parti pratiquement n’a pu échapper à la problématique écologiste".

Si le directeur du Réseau action climat (CAN) Europe, Wendel Trio, y voit une "solide opportunité", il attend de "voir quelle majorité va être négociée" et à quel point elle sera "impliquée dans la lutte contre le changement climatique".

Parmi les premières répercussions, Sébastien Treyer estime que "la question écologique va beaucoup plus monter dans l'agenda européen" dans les prochaines semaines.

"Il est probable que les Verts aient une influence sur les priorités des portefeuilles des vice-présidents, qui ne sont pas complètement pré-définies d'avance", juge-t-il. "Il y a une marge de manoeuvre pour que les questions écologiques soient portés à un plus haut niveau de priorité".

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Les prochaines semaines seront aussi cruciales pour savoir si les Verts vont entrer dans une grande coalition ou pas.

"Les 70 députés que l'on va avoir, c'est un levier pour orienter les politiques européennes dans un autre sens", se réjouit l'eurodéputé Lamberts.

"Mais est-ce que les groupes politiques traditionnels - socialistes, libéraux et PPE - seront d'accord pour réorienter les politiques dans le sens d'une réduction des inégalités, d'une réduction de notre empreinte écologiste, de l'amélioration des libertés individuelles et de l'Etat de droit en Europe ?", interroge-t-il.

Il souligne que faire partie d'une majorité stable au Parlement européen est "un moyen d'impulsion de législations nouvelles beaucoup plus fort", citant l'exemple de la législation européenne sur les lanceurs d'alerte, même si la Commission européenne a mis trois ans pour s'en emparer.

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Bonne réputation

Les membres du groupe Verts au Parlement ont bonne réputation, et connaissent les processus, les alliances et le travail en groupe transfrontalier entre Etats membres.

Sébastien Maillard, directeur de l'Institut Jacques Delors, souligne ainsi leur "sérieux au Parlement européen". "Ils sont très organisés en groupe".

"Traditionnellement, ce groupe a utilisé le Parlement européen où les autres étaient beaucoup moins assidûs pour faire des percées assez étonnantes vu leur faible nombre", commente-t-il. "Ca leur donne un avantage comparatif dans la négociation sur les grands accords politiques qui vont devoir être trouvés sur la Politique agricole commune et les grandes politiques de mises en oeuvre du budget de l'UE", ajoute M. Treyer.

Vanessa Jérome, chercheuse en sciences politiques à l'université Paris I, relève de son côté qu'"au Parlement européen, tout le monde fait alliance avec tout le monde".

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"Les Verts allemands s'y sentent à l'aise parce qu'ils retrouvent un fonctionnement qu'ils ont déjà au niveau national", analyse Mme Jérome. En Allemagne, les Verts sont politiquement compatibles avec le centre gauche comme le centre droit. Ils sont présents dans de nombreux gouvernements régionaux, qu’ils soient de gauche (à Berlin par exemple) ou de droite comme dans le Bade-Wurtemberg.

"Les Verts français sont sûrement moins à l'aise, mais qu'ils mélangent leur voix sur tel dossier avec tel ou tel groupe ne veut pas dire que c'est une inflexion de leur ligne politique", conclut-elle.

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