Bruxelles,

De notre correspondante

Au Conseil européen vendredi 25 mars, les discussions ont été longues, très longues. En cause : les divergences marquées entre les États membres de l’Union européenne (UE) au sujet des prix de l’énergie - et des manières d’enrayer leur hausse.

Ce n’est pas la première fois que les 27 chefs d’État et de gouvernement abordent cette question épineuse. Avant le déclenchement de la guerre en Ukraine, la problématique était déjà bien identifiée et donnait lieu à d’intenses débats. « Beaucoup pariaient alors sur le caractère conjoncturel de la hausse des prix, ils disaient qu’un retour à la normale ne tarderait pas, tandis que maintenant, tout le monde pense qu’il s’agit d’une tendance de long terme », concède une source européenne. L’invasion russe complique en effet encore un peu plus la donne, puisque depuis le début du conflit, l’Europe a un objectif central : diversifier ses sources d’énergie.

Des achats de gaz mutualisés

Dans ce contexte tendu, les neuf heures de pourparlers au plus haut niveau ont porté leurs fruits : les 27 dirigeants ont notamment accepté l’idée de stockages communs pour le gaz en Europe, et celle de mutualiser - sur base volontaire - leurs achats de gaz. Cette piste, qui vise à permettre à l’Europe de négocier de meilleurs prix vis-à-vis de ses fournisseurs de gaz et de gaz naturel liquéfié (GNL), ne sort pas de nulle part : la Commission européenne l’avait évoquée dès le 8 mars, quand elle a dévoilé sa communication intitulée « REPowerEU », puis elle l’a formalisée le 23 mars, juste avant le Conseil européen, pour donner aux États une base de travail stable en vue de « sécuriser des importations au meilleur prix en prévision de l’hiver prochain », selon l’institution.

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« C’est utile, mais ce n’est pas le cœur de ce qu’il faut faire », tranche Thomas Pellerin-Carlin, directeur du centre « énergie » de l’Institut Jacques-Delors. L’urgence, selon l’expert, est de créer les conditions « d’une mobilisation générale en Europe pour consommer moins de gaz ». « Dans un monde idéal, l’Europe se passerait totalement du gaz russe [150 milliards de mètres cubes de gaz par an, NDLR], mais il paraît impossible de s’en détourner totalement », expose une source européenne. Il s’agit, selon Thomas Pellerin-Carlin, d’avancer sur trois tableaux : la sobriété énergétique (un changement des comportements), l’efficacité énergétique (rénover les bâtiments pour qu’ils soient moins gourmands en énergie) et le déploiement des énergies renouvelables.

Des solutions de court terme

Mais les conclusions des chefs d’État et de gouvernement sont plus terre à terre et misent davantage sur des solutions à court terme - comme des mécanismes de compensation ou des baisses de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur l’énergie dans les États. Par ailleurs, dans une déclaration commune de la Commission et des États-Unis sur la sécurité énergétique européenne, l’exécutif européen souligne qu’il « collaborera avec les États membres de l’UE pour garantir, jusqu’en 2030 au moins, une demande stable de GNL supplémentaire provenant des États-Unis à hauteur d’environ 50 milliards de mètres cubes par an ». Mais selon des sources concordantes, le prix n’a pas été négocié. Le document stipule simplement « que la formule de calcul du prix des livraisons de GNL à l’UE devrait tenir compte des indicateurs à long terme du marché, ainsi que d’une coopération stable entre l’offre et la demande ».

C’est aussi au sein même de l’Europe que les Vingt-Sept cherchent des solutions pour contrer la hausse des prix. L’idée de plafonner les prix a été longuement évoquée par les dirigeants, mais celle-ci peine toujours à convaincre. Selon plusieurs sources, un nouveau Conseil européen pourrait être convoqué dès le mois d’avril. Les pourparlers sont donc loin d’être terminés.