L’Europe et sa dépendance aux énergies fossiles russes, un enjeu d’urgence face à la crise ukrainienne

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« Nous ne pouvons plus dépendre des autres et notamment du gaz russe » déclarait hier soir, le 2 mars, Emmanuel Macron. La guerre menée par la Russie en Ukraine révèle, entre autres, la très forte dépendance européenne aux énergies fossiles et notamment aux énergies fossiles russes.

Aujourd’hui 13 pays européens ont pour premier fournisseur de gaz la Russie

Les importations de pétrole et de gaz russe en Europe représentent en moyenne 100 milliards d’euros chaque année. C’est colossal puisque 41% du gaz importé dans l’Union Européenne est du gaz russe et près de la moitié du charbon importé en Europe est aussi russe. Selon Thomas Pellerin-Carlin, directeur du centre énergie de l’institut Jacques Delors : « cette dépendance aux énergies fossiles, cette boulimie d’énergies fossiles qui caractérise les Européens depuis quelques décennies est une catastrophe, pas simplement climatique et environnementale, mais aussi une catastrophe géopolitique et une catastrophe économique ». L’Europe s’est elle-même piégée dans cette dépendance aux énergies russes. On l’a vu la semaine dernière, l’Allemagne et l’Italie craignent pour leur approvisionnement en énergie. Plusieurs experts alertaient pourtant sur cette situation, notamment depuis 2014 et l’annexion de la Crimée.

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Les efforts européens dans le domaine énergétique ont été bien trop faibles selon Thomas Pellerin-Carlin : « c’était tout un ensemble de choix, notamment des investissements, de la rénovation des bâtiments et du déploiement massif des énergies renouvelables. Ce qu’on a trop peu fait depuis l’invasion de la Crimée par Poutine en 2014. Si on avait été plus sérieux sur ces enjeux là, en les abordant pour ce que c’est, c’est à dire aussi des enjeux stratégiques et pas simplement quelque chose pour faire plaisir aux écolos mais plutôt une chose essentielle pour la souveraineté de notre pays, on serait aujourd’hui, dans une bien meilleure situation ». Aujourd’hui 13 pays européens ont pour premier fournisseur de gaz la Russie. C’est le cas de l’Allemagne par exemple, l’Italie ou encore la Pologne. La Russie est le deuxième fournisseur en France qui est un peu moins exposée que ses voisins. Les politiques climatiques et donc aussi énergétiques, doivent devenir un élément majeur dans la stratégie européenne d’indépendance. Pour Nicolas Goldberg expert énergie chez Colombus Consulting : « c’est un appel à se réveiller, on est encore beaucoup trop dépendant des énergies fossiles que ce soit en Europe ou en France. On a toujours énormément de gaz et de pétrole. On était plusieurs experts à tirer la sonnette d’alarme sur les dépendances que nous avons nourri à la fois aux énergies fossiles et à certains pays qui ne voulaient pas que du bien, espérons que tout cela orientent les investissements dans le bon sens ».  

En Europe, il faut d’urgence réduire notre consommation d’énergies fossiles

Alors peut-on se passer immédiatement du gaz russe par exemple ? pour les prochains mois oui mais pour l’hiver prochain, cela semble compliqué selon Nicolas Goldberg : « si on se coupe de 40% de l’approvisionnement en gaz, il va falloir trouver d’autres fournisseurs. Et mine de rien, ils ne sont pas si nombreux à pouvoir livrer rapidement et surtout, on risque de se retrouver avec des stockages de gaz assez vides alors qu’on en aura besoin pour l’hiver prochain. Donc cela paraît compliqué. Après, sur le plus long terme, on peut en discuter en revanche ». 

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Thomas Pellerin-Carlin estime lui au contraire, que c’est possible à très court terme. Mais les deux sont d’accord : il faut d’urgence lancer en Europe, de vastes investissements pour réduire notre consommation d’énergies fossiles. « Il faut faire de très gros efforts d’économies d’énergie et arrêter de gaspiller le gaz comme on le fait encore malheureusement. Aujourd’hui, il faut développer massivement les énergies renouvelables, notamment celles qui peuvent être déployées très rapidement et remplacer le gaz comme les pompes à chaleur, les panneaux solaires. C’est vraiment un enjeu essentiel et un enjeu d’urgence face à la crise ukrainienne » affirme Thomas Pellerin Carlin. Il faut investir massivement dans la rénovation énergétique des bâtiments, cela est central. La stratégie énergétique européenne sera d’ailleurs au cœur du sommet européen qui a lieu la semaine prochaine à Versailles.

Baptiste Gaborit

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