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L'Europe, la grande oubliée des programmes scolaires

Histoire, géographie, éducation civique, quelle que soit la matière enseignée, les programmes scolaires ignorent largement sa dimension européenne. Dans un passionnant rapport de l'Institut Delors, le politologue Thierry Chopin dresse le constat de cette carence. Il propose aussi des solutions pour fournir à chaque élève une base solide pour forger sa double citoyenneté.

« Il est important de mieux former, informer et consolider les connaissances des futurs citoyens français et européens sur l'Europe » indique le rapport.
« Il est important de mieux former, informer et consolider les connaissances des futurs citoyens français et européens sur l'Europe » indique le rapport. (iStock)

Par Catherine Chatignoux

Publié le 29 déc. 2020 à 12:03

Il suffit de se tourner vers n'importe lequel de ses voisins et de lui demander s'il sait qui est Paul-Henri Spaak, ce qu'a apporté le Traité de Maastricht ou quelles sont les compétences de la Commission européenne. Il sera bien en peine de répondre pour la bonne raison qu'il n'a jamais appris l'histoire de la construction européenne. Les Français sont aussi ceux qui en Europe, nourrissent la plus grande méfiance à l'égard de l'Union européenne.

« Il ne s'agit pas de créer un lien de causalité direct entre ces deux constats », note d'emblée Thierry Chopin, l'auteur du rapport consacré à l'enseignement de l'Europe en France, pour l'institut Delors, mais plutôt de considérer que « puisque la France a fait le choix de participer à la construction européenne, il est important de mieux former, informer et consolider les connaissances des futurs citoyens français et européens sur l'Europe ».

Laissée-pour-compte

Comment permettre sinon « l'appropriation de cette échelle de citoyenneté complémentaire de l'échelle nationale » ? Chaque apprenti citoyen devrait acquérir, selon lui, outre une compétence scolaire, une compétence civique européenne sur laquelle asseoir convictions et opinions personnelles.

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On n'y est pas. L'Europe est la laissée-pour-compte des programmes scolaires français qu'il s'agisse de l'enseignement de l'histoire, de la géographie ou de l'éducation civique. Les événements historiques transnationaux (la naissance de la démocratie, l'Europe médiévale, la renaissance, les Lumières) sont traités trop systématiquement à partir de l'exemple national. Une approche « franco-centrée » qui semble être le fil conducteur de l'enseignement au collège et au lycée. « L'Europe est reléguée au second plan, et considérée comme une toile de fond pour aborder le cas français », peut-on lire dans le rapport.

Tour d'Europe

Le petit tour d'Europe que fait l'auteur montre que la situation n'est pas franchement meilleure en Allemagne ou en Pologne où les programmes ont été revisités récemment par le gouvernement nationaliste. « Les programmes des écoles et des lycées sont marqués par une tendance néo-nationale caractérisée par la prédominance de l'histoire polonaise et par l'appauvrissement de la dimension européenne en histoire contemporaine », souligne le rapport.

Lieux de mémoire

En Italie, la volonté d'inscrire le pays dans l'Europe semble davantage prise en compte. Depuis la rentrée 2020, les lycéens italiens suivent un cours d'éducation civique où l'enseignement des institutions européennes est obligatoire. Dans les programmes d'enseignement technique et professionnel et sur le papier en tout cas, le développement des compétences du citoyen européen constitue un des grands objectifs de formation.

Le rapport fournit une longue liste de propositions pour combler les lacunes constatées. L'objectif est de compléter le récit du « roman national » par un récit européen en élargissant à d'autres nations le traitement des événements marquants de l'histoire de France. « Il faut donner aux élèves des repères dans le temps et travailler sur des « lieux de mémoire européens » : Florence, Prague, Auschwitz, le mémorial de Caen…

Observatoire européen

Les élèves apprendraient ainsi que l'Europe des Lumières ne s'est pas éteinte à la frontière française mais a fleuri aussi en Allemagne avec l'Aufklärung de Kant, en Espagne et en Italie ! Il faudrait aussi réintroduire les fondamentaux de la géographie européenne au collège et apprendre les différents contours de l'Europe, ceux de l'euro, ceux de Schengen et de l'Europe politique. Il faudrait enfin donner à réfléchir sur les niveaux complémentaires de la citoyenneté, française et européenne

Thierry Chopin ne prêche pas entièrement dans le désert. Dans la préface qu'il a rédigée, le secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, Clément Beaune évoque la création toute récente d'un Observatoire de l'enseignement de l'histoire en Europe sous la houlette du Conseil de l'Europe, destiné précisément à faciliter l'échange de bonnes pratiques entre les Etats. Le responsable politique y voit « un marqueur fort de la volonté collective de mieux faire reconnaître l'histoire et les histoires européennes ».

Catherine Chatignoux

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