(Bruxelles) Partenaires ? Concurrents ? Rivaux ? Et dans quel ordre ? Les Européens sont appelés à se positionner de manière plus claire - et plus ferme- face à la Chine, et à trouver leur propre voix au-delà des tensions croissantes entre Washington et Pékin.

Le sommet des dirigeants des 27 jeudi et vendredi à Bruxelles doit être l’occasion d’un échange « sur la manière dont nous souhaitons encadrer cette relation essentielle », a expliqué le président du Conseil, Charles Michel, dans sa lettre d’invitation.

« Le concurrent a clairement pris le pas sur le partenaire », a reconnu cette semaine le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.

Selon un document de travail préparé par ses services et dont l’AFP a obtenu une copie, la Chine « est devenue un concurrent encore plus fort » et il est « par conséquent indispensable d’évaluer quelle est la meilleure réponse » face à cette nouvelle donne.

Evoquant le 20e congrès du Parti communiste chinois, qui doit mener le président chinois Xi Jinping vers un troisième mandat, le texte souligne que les orientations retenues vont probablement « accentuer les divergences entre les positions de la Chine et les nôtres ».

Dans le même temps, souligne le texte, « il est certain que la Chine continuera à être un acteur majeur sur la scène mondiale avec lequel l’UE doit parler, travailler, échanger, et négocier sur des sujets d’intérêt commun ». Il évoque en particulier le changement climatique comme sujet de possible coopération.  

Les relations avec Pékin sont tendues depuis la suspension de l’accord de protection des investissements à cause des violations des droits de l’homme en Chine et à Hong Kong.

Mais le positionnement des Européens est rendu difficile à cause de ses dépendances pour les semi-conducteurs, les terres rares et les minerais stratégiques.

« La Chine vient de mettre la main sur les réserves de cobalt de la République démocratique du Congo et tient 85 % des terres rares dans le monde », rappelle Elvire Fabry, analyste pour l’Institut Jacques Delors, en référence aux territoires qui contiennent les minerais utilisés dans la fabrication de produits de haute technologie.

« La réalité est que la Chine est devenue un rival systémique et un concurrent féroce », souligne-t-elle.

Danger des « initiatives isolées »

Dans une période de grande tension sur les marchés de l’énergie, et au moment où l’UE doit s’habituer à se priver de gaz russe bon marché, la gestion de la relation avec la Chine sera déterminante pour la sécurité économique et géostratégique de l’UE, avertissent les services de Josep Borrell.  

Certains Européens pourraient être tentés de se jeter dans les bras des États-Unis et de rallier la stratégie d’affrontement contre Pékin en échange de la sécurité militaire et des fournitures d’énergie et de minerais Washington.

Attention, danger, mettent en garde des diplomates européens. « Il faut sortir des dépendances, pas leur substituer d’autres dépendances », avertit un responsable européen à Bruxelles.

La « naïveté » vis-à-vis de la Chine est « terminée », lançait il y a quelques semaines le ministre allemand de l’Économie, Robert Habeck.

Reste à savoir si, face à cette nouvelle ère qui s’annonce, les Européens résisteront à la tentation d’avancer en ordre dispersé.

L’Allemagne prépare sa propre stratégie vis-à-vis de Pékin pour le printemps et certains redoutent qu’elle soit tentée de « jouer solo ». « Le positionnement de l’Allemagne va peser sur celui de l’UE. Son industrie est préoccupée par la fermeture du marché chinois », souligne Elvire Fabry.

Sur ce chapitre, le document de cinq pages préparé pour les 27 se conclut sur une mise en garde très claire.

« L’UE et les États membres doivent lutter contre les tentatives de la Chine de mettre en œuvre sa tactique de “diviser pour régner” […] et se tenir à l’écart d’initiatives isolées et non coordonnées qui affaibliraient notre position commune ».