Un 9 mai peut en cacher un autre dans une Europe frappée de plein fouet par le retour de la guerre. Lundi, Vladimir Poutine commémorera, comme chaque année, à Moscou, la victoire de l’URSS sur l’Allemagne nazie, la Grande Guerre patriotique brandie comme un étendard par le président russe pour partir à la conquête de l’Ukraine depuis un peu plus de deux mois. Le même jour, les Vingt-Sept célébreront la Journée de l’Europe, en souvenir de la déclaration, en 1950, du chef de la diplomatie française, Robert Schuman, considérée comme l’acte fondateur de la construction communautaire.
Tout oppose les deux rendez-vous, cette année, tandis que la Russie est sur le point de prendre le contrôle de la ville portuaire de Marioupol, à l’issue d’un terrible siège. Isolé par les Occidentaux, Vladimir Poutine veut faire de son 9 mai une démonstration de force. Quant aux Vingt-Sept, ils entendent profiter de l’occasion pour afficher leur cohésion face aux visées belliqueuses du Kremlin. Depuis le 24 février, l’Europe ne peut plus se targuer d’être le « continent de la paix ». Elle doit au contraire apprendre à vivre au rythme d’un conflit qui enterre l’ordre de sécurité hérité de l’après-guerre froide et risque de déboucher, même sans engagement direct de ses forces armées, sur un affrontement durable avec la Russie.
Du côté des Vingt-Sept, la date du 9 mai avait été retenue bien avant l’invasion de l’Ukraine pour clôturer, dans l’enceinte du Parlement européen de Strasbourg, la Convention sur l’avenir de l’Europe, censée examiner les modalités d’une relance de la construction communautaire, frappée par des crises à répétition depuis deux décennies (zone euro, réfugiés, Brexit). L’exercice, porté à bout de bras par Emmanuel Macron, est jusqu’ici resté confidentiel, mais la guerre en Ukraine est venue nourrir les débats, ces dernières semaines, sur la meilleure façon de faire bloc face à l’agression russe. Le chef de l’Etat doit prononcer, lundi à Strasbourg, un discours en ce sens, avant de s’envoler pour Berlin rencontrer le chancelier Olaf Scholz, à l’occasion de sa première visite à l’étranger depuis sa réélection. Le conflit engagé par la Russie sera au cœur des conversations, tant il révèle les vulnérabilités de l’Union et lui pose de redoutables défis, de l’accueil des réfugiés aux questions énergétiques et de défense.
Défense embryonnaire
Posée avant le conflit, la quête de souveraineté européenne a connu une accélération avec l’invasion russe, qui « l’a propulsée dans une nouvelle ère », selon la formule de Stefan Lehne, chercheur en relations internationales et ancien diplomate autrichien. Une ère où, pour la première fois, elle assume et finance la livraison d’armes à un pays tiers en guerre, l’Ukraine. Josep Borrell, le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a célébré « la naissance de l’Europe géopolitique ».
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