"Moins d'effets de style et plus d'humilité", ou comment réussir la présidence française de l'UE

Thierry Chopin a présidé le comité de réflexion sur la PFUE, qui a rédigé un rapport commandé par le secrétaire d'état aux affaires européennes Clément Beaune
Thierry Chopin a présidé le comité de réflexion sur la PFUE, qui a rédigé un rapport commandé par le secrétaire d'état aux affaires européennes Clément Beaune Tous droits réservés Image : Thierry Chopin
Par Valentine Hullin
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Comment ne pas passer à côté de sa présidence du Conseil de l'UE ? Il faut faire preuve d'humilité, répond Thierry Chopin, l'auteur d'un rapport de conseils commandé par le secrétaire d'état aux affaires européennes Clément Beaune.

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Thierry Chopin, professeur de science politique à l'Université catholique de Lille (ESPOL) et conseiller spécial à l’Institut Jacques Delors, qui a présidé le comité de réflexion et de propositions pour sur la Présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE), revient sur les principaux enjeux de cette présidence.

Lors de la conférence de presse du jeudi 9 décembre dernier, Emmanuel Macron a présenté les priorités de la France pour la présidence du Conseil de l'UE. Les dossiers sont ambitieux, notamment sur les questions de la souveraineté économique, de la défense européenne ou encore d’immigration.

Finalement, la France peut-elle être à la hauteur de ses ambitions ? Ne risque-t-on pas d'être déçu à la fin de ces six mois de présidence française du Conseil de l'UE ?

« Il faut distinguer deux dimensions temporelles. La dimension de court terme, qui correspond au cadre strict de la présidence française du Conseil de l'UE, et auquel correspondent un certain nombre de priorités législatives très précises qu’a énoncées le président dans sa conférence de presse. On pense par exemple à la volonté de faire aboutir le projet sur les salaires minimum européens ou encore sur les projets législatifs sur la régulation des géants du numérique. Sur ces sujets, il est possible que la France obtienne des résultats.

Et il faut évoquer des enjeux de moyen et long termes. Les autorités françaises peuvent mettre de nouvelles idées, de nouvelles propositions sur la table, de façon à enrichir, à faire bouger les lignes du débat et de l'agenda stratégique européen dans un contexte de crise pandémique, de tensions géopolitiques mondiales fortes, de crise environnementale et énergétique, etc. Tous ces enjeux-là, clairement, ne vont pas être résolus pendant la seule présidence française du Conseil de l'UE.

Néanmoins, je pense qu'il est important de souligner que l’objectif de cette présidence ne saurait être uniquement de finaliser des dossiers techniques et législatifs. Il est également nécessaire d’impulser la réflexion sur de nouveaux sujets et de mettre à profit les quelques mois de cette présidence pour initier des chantiers de moyen / long termes. La France peut contribuer à pousser un agenda plus structurel sur quelques aspects plus ambitieux. »

Cette présidence sera aussi ponctuée par un événement majeur pour la France : l’élection présidentielle en avril prochain. Considérez-vous qu’il s’agisse plutôt d’une aubaine ou d’un fardeau pour le président français ?

« Je serais prudent sur cette question. D'abord, ce n'est pas la France qui a choisi d'exercer cette présidence du Conseil de l'UE en même temps que l'élection présidentielle. Le calendrier a dû changer suite au Brexit.

Cela dit, je pense que ce hasard de calendrier aura un impact à la fois au niveau national et au niveau européen. Cette présidence peut être une occasion pour le président de la République, dans un contexte d'élection présidentielle, de réaffirmer son parti pris européen très clairement affiché. C’est aussi une opportunité pour essayer d'obtenir des résultats à la fois utiles au niveau européen et lui permettant d'enrichir le bilan de son quinquennat européen, qu’il va devoir défendre s'il est candidat.

D’un autre côté, les oppositions politiques nationales au Président vont chercher à saisir cette fenêtre d’opportunité pour non seulement critiquer son bilan compte tenu des objectifs très ambitieux qu’il a affichés depuis le début de son mandat mais aussi pour énoncer un autre discours politique du rapport de la France à l’Europe. A titre personnel, je considère qu’il y a vraiment matière, à l'issue de ce quinquennat, à défendre le bilan du président sur les sujets européens. »

Cette présidence peut être une occasion pour le président de la République, dans un contexte d'élection présidentielle, de réaffirmer son parti pris européen très clairement affiché
Thierry Chopin
Conseiller spécial à l'Institut Jacques Delors

Vous avez remis en novembre dernier un rapport à Clément Beaune, le secrétaire d'Etat chargé des Affaires européennes. Quel est le principal conseil que vous avez adressé au gouvernement, notamment sur le ton à employer dans le cadre de cette présidence ?

« Ce rapport contient beaucoup de réflexions et des préconisations, à la fois de court terme, mais aussi de moyen / long termes. Il insiste sur la nécessité de porter un discours cohérent et positif autour d’enjeux et de résultats concrets qui répondent aux grands défis auxquels font face les Français et les Européens. Des résultats qui prennent en compte les perceptions des opinions publiques et des autres Etats membres :

  • réussir la reprise dans sa dimension économique et sociale en mettant par ailleurs sur les rails une politique de l’UE commune en matière de santé
  • approfondir la souveraineté européenne et la capacité d’action de l’UE en matière géopolitique et technologique
  • analyser les conditions de possibilité d’une identification active des Européens à l’Union.

Par ailleurs, notre rapport inclut également des considérations de méthode et d'approche quant à la manière dont nous estimons que notre pays devrait aborder les questions européennes auprès de ses partenaires.

Nous suggérons notamment d’adopter collectivement une attitude plus humble, moins surplombante
Thierry Chopin
Professeur de Science politique à l'ESPOL

Nous suggérons notamment d’adopter collectivement une attitude plus humble, moins surplombante. Même si cette position est utile dans un contexte difficile, quand elle peut conduire la France à faire preuve d’initiative, elle peut aussi faire l’objet de critiques, susciter des craintes, voire des blocages et parfois même générer des formes de ressentiment à l'égard de notre pays, très souvent caricaturé pour son arrogance.

La présidence du Conseil de l'UE doit permettre de faire avancer les ambitions européennes de la France de manière renouvelée avec moins d’effet de style et plus de d’humilité. »

Le rapport du comité de réflexion et de propositions pour la présidence française du Conseil de l'Union européenne présidé par Thierry Chopin sera disponible en librairie à partir du 18 janvier 2022.

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