Mort de Silvio Berlusconi : l’empreinte du Cavaliere dans l’Italie d’aujourd’hui

Silvio Berlusconi en 2013 - TIZIANA FABI
Silvio Berlusconi en 2013 - TIZIANA FABI
Silvio Berlusconi en 2013 - TIZIANA FABI
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Silvio Berlusconi, homme d'affaires italien, entrepreneur des médias, politicien et ancien propriétaire du club de football Milan AC Silvio Berlusconi est mort ce lundi à l'âge de 86 ans.

Avec
  • Marc Lazar Professeur émérite d'histoire et de sociologie politique à Sciences po et à l'Université LUISS de Rome
  • Andréa Marcolongo Journaliste et écrivaine italienne
  • Enrico Letta Président de l’Institut Jacques Delors. Ancien Doyen de l’École des affaires internationales de Sciences Po Paris (PSIA) et ancien Président du Conseil des ministres italiens.

Surnommé "Il Cavaliere", Silvio Berlusconi a été au coeur de nombreux scandales. Quel héritage l'homme va-t-il laisser dans la vie politique italienne, après avoir occupé le pouvoir pendant plus de dix ans ? Quelles conséquences sa disparition pourrait-elle avoir sur la vie politique italienne ? Quelle traces cette figure de la droite italienne a-t-il laissé au sein de la population ?

"Je suis née, j'ai grandi jusqu'à hier avec Silvio Berlusconi" déclare Andrea Marcolongo. La conscience politique de la journaliste s'est formée en opposition à Silvio Berlusconi. Pourtant, sa disparition ne la laisse indifférente : "je me suis sentie à la fois libérée mais de l'autre côté, orpheline."

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Comment expliquer le vote berlusconien ?

Ce vote est parfois difficile à comprendre pour qui n'habite pas l'Italie. Marc Lazar répond à cette question en indiquant : "Si il a gagné, c'est parce qu'il a constitué une coalition. Donc toute l'Italie n'a pas été séduite par Berlusconi". Cependant, le faible pourcentage d'italiens séduits par Il Cavaliere s'explique "par sa personnalité et la recherches pour une grande partie des italiens d'une nouveauté en politique. Il a cristallisé un vote de droite avec ses alliances avec la ligue du Nord et un parti néofasciste qui s'est transformé en parti postfasciste. Il a séduit une série d'électeurs différents, les chefs d'entreprise du Nord ainsi qu'une partie de l'électorat populaire du sud. Il a mêlé des propositions libérales sur le plan économique qu'il n'a pas du tout faite lorsqu'il était au pouvoir. En même temps il s'est présenté comme le parangon de la modernité tout en faisant référence à la tradition, la famille et la religion".

Le berlusconisme, le premier populisme ?

Pour Enrico Letta, “l’épopée de succès que Berlusconi a employé comme narratif, à travers le sport, les affaires, le distingue de tous les autres dirigeants classiques. Berlusconi a été le premier, avec son langage, complètement déplacé par rapport au langage typique, peut-être un peu ennuyant qu’avait la politique italienne, à changer les choses. Il a appliqué la mentalité du manager à la politique. Il a regardé quelles étaient les règles du jeu, c'est-à-dire la loi électorale, et a appliqué ces règles comme s’il s’agissait de réaliser une opération boursière. Lorsqu’il s’est présenté on venait de passer d’un proportionnel pur à un système majoritaire à l’anglaise. Il a été le premier à comprendre que le système majoritaire avait besoin d’un clivage. Il a emmené, entraîné, la politique italienne dans ce clivage communistes contre démocrates-chrétiens.”

Marc Lazar souligne “l'ambivalence du personnage, qui, d’un côté, se présentait comme un anti-politique, qui critiquait les politiques traditionnelles. Ce qui explique ses facéties, ses plaisanteries graveleuses, sa façon de se comporter pendant les sommets, tout cela pour montrer qu’il n'était pas comme les autres. Et de l'autre côté il se présentait comme le plus grand politique de toute l'histoire de l’Italie, le plus grand homme d'Etat, disait-il, après Mussolini". Pour le professeur, “c’est cette ambivalence qui est à la fois un élément de son style populiste et ce qui confortait un électorat populiste.”

Que restera-t-il de Berlusconi ?

“Berlusconi est décédé mais le berlusconisme laissera des traces profondes en Italie”, estime Marc Lazar. “Reste à savoir ce qui prospérera. Il a laissé des traces culturelles au sens large du mot, une manière de penser et d’agir en politique qui demeure. Il a soulevé des questions sur l'avenir de la démocratie italienne, il l’a secouée, l'a transformée.”

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