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Nécessaire ou scandaleuse, la taxonomie européenne déchaîne les passions

Le gaz et le nucléaire seront bien éligibles à la finance verte en tant qu'énergie de transition au sein de la taxonomie européenne. La Commission a posé ses conditions, sans convaincre ni les ONG environnementales ni les investisseurs.

Gouvernance  |    |  F. Roussel
Nécessaire ou scandaleuse, la taxonomie européenne déchaîne les passions

« Avec la taxonomie européenne, on a atteint un haut niveau de folie politique et médiatique », estime Thomas Pellerin-Carlin, directeur du Centre énergie à l'Institut Jacques-Delors. Et ce n'est pas près de s'arrêter. Dernier événement en date : la Commission a officiellement présenté, ce mercredi 2 février, son acte délégué (1) concernant la place du gaz et du nucléaire dans ce dispositif de classification des activités climato-compatibles, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2023.

Depuis plus de deux ans, l'exécutif européen affine l'encadrement de la finance « verte », en identifiant ce qui est « vert » et ce qui ne l'est pas. Depuis le 1er janvier 2022, plusieurs activités sont déjà couvertes par le premier acte délégué (2) . Avec ce deuxième acte délégué, le collège des commissaires a choisi de classer le gaz et le nucléaire dans les énergies de transition, donc éligibles à la finance verte, sous conditions. « Pour atteindre la neutralité climatique d'ici à 2050, l'UE a besoin d'un volume très important d'investissements privés. La Commission estime que les investissements privés dans des activités gazières et nucléaires ont un rôle à jouer dans la transition. Elles sont conformes aux objectifs climatiques et environnementaux de l'UE et nous permettront de délaisser plus rapidement des activités plus polluantes, telles que les centrales à charbon », justifie Bruxelles.

Nécessaire pour sortir du charbon et répondre à la demande électrique

“ Nous faisons quelque chose de difficile, mais nécessaire, et basée sur la science ” Mairead McGuinness, la commissaire chargée de la Finance
« Nous faisons quelque chose de difficile, mais nécessaire, et basée sur la science. Nous estimons que gaz et nucléaire doivent être considérés comme énergies de transition. Qu'on le veuille ou non, le nucléaire fera partie du mix énergétique », a déclaré, ce mercredi, Mairead McGuinness, la commissaire chargée de la Finance. Mais ça ne sera pas sans conditions, qualifiées de « strictes » par la Commission.

Ainsi l'acte délégué reconnaît les technologies avancées à cycle du combustible fermé (dite de Génération IV (3) ) pour encourager la recherche et l'innovation. Les nouveaux projets de centrales nucléaires de type Génération III+ (4) seront éligibles à la finance « verte » jusqu'en 2045 (date d'approbation du permis de construire), tandis que les modifications et mises à niveau des installations nucléaires existantes aux fins de prolongation de la durée de vie seront éligibles jusqu'en 2040.

Concernant le gaz, seront finançables les installations pour lesquelles les émissions du cycle de vie sont inférieures à 100 gCO2e/kWh, ou celles construites avant 2030 qui cumulent plusieurs critères : des émissions directes inférieures à 270gCO2e/kWh, si elles remplacent le charbon, et si elles s'engagent à passer aux gaz renouvelables ou bas carbone d'ici 2035.

« C'est le bon moment pour proposer cet acte délégué complémentaire. Parce qu'il y a un contrat de coalition en Allemagne, dans lequel les partis ont convenu d'accélérer la sortie du charbon dans le pays et de l'avancer de 2038 à 2030. Cela implique de construire plus d'énergies renouvelables évidemment, mais aussi plus de gaz. Et c'est précisément dans ce cas précis que le gaz peut contribuer positivement à la transition énergétique », estime Pascal Canfin, qui défend l'utilité de ce classement. Ensuite, du côté du nucléaire, il y a un élément qui change la donne, à savoir l'augmentation massive de la demande d'électricité, qui découlera de la transition vers la mobilité électrique et les processus industriels décarbonés », ajoute le député européen à la tête de la commission environnement du Parlement. Une analyse que sont loin de partager les associations environnementales.

« Greenwashing institutionel », « hold-up », les ONG scandalisées

La confirmation de l'inscription du gaz et du nucléaire dans les technologies de transition suscite la colère et la déception des ONG. « Si la Commission européenne n'a finalement pas osé qualifier le gaz fossile et le nucléaire de "durables", ces énergies pourront bénéficier des financements dits "alignés avec la taxonomie" et être ainsi financées par des banques, investisseurs ou États qui prétendent contribuer à la transition écologique. La taxonomie devient donc un outil de greenwashing institutionnel, qui ridiculise la volonté européenne de se positionner comme leader de la finance durable », estime Paul Schreiber, chargé de campagne chez Reclaim Finance.

L'ensemble des ONG appellent désormais le Parlement européen et le Conseil, qui ont chacun le pouvoir d'accepter ou non la proposition, à la rejeter. Elles se tournent également vers les investisseurs qui pourraient bouder la classification européenne pour établir leurs propres règles.

Les investisseurs feront-ils plus vert que vert ?

Comme l'expliquaient Lara Cuvelier et Paul Schreiber, de Reclaim Finance à Actu-Environnement en octobre 2021, « l'impact de la taxonomie verte dépendra de ce que les acteurs financiers décideront d'en faire ». Alors la classification européenne fera-t-elle recette au sein du monde de la finance ? Certains investisseurs déjà « verts » se mettront-ils à suivre la Commission ? A priori, le risque n'est pas là.

L'IIGCC, un groupe d'investisseurs composé de plus de 370 institutions et gérant plus de 50 000 milliards de dollars d'actifs, s'est opposé à l'inclusion du gaz, affirmant que celle-ci « compromettrait la crédibilité de la taxonomie ». Plusieurs institutions financières ont également adopté des positions similaires sur le gaz et/ou le nucléaire, comme Mirova, en France, Achmea, aux Pays-Bas, ou GLS, en Allemagne, et ne comptent pas changer leur ligne de conduite. « Pour les stratégies d'obligations vertes et d'impact de NN Investment Partners (NN IP), et pour les autres investisseurs durables qui ont déjà des opinions bien arrêtées sur le gaz et l'énergie nucléaire, ces changements ne sont pas susceptibles d'entraîner une modification de leur comportement d'investissement », confirme Isobel Edwards, analyste en obligations vertes chez NN Investment Partners. Même si un élément figure dans la taxonomie, comme le gaz naturel ou le nucléaire, cela ne signifie pas que nous devons y investir. Nos clients s'attendent à certains types d'investissements, tels que les énergies renouvelables, les transports propres et les bâtiments écologiques, et nous ne pouvons donc pas commencer à investir dans le nucléaire et le gaz naturel. Pour la stratégie en matière d'obligations vertes, cela ne change pas vraiment les choses. »

En revanche, cette classification de l'UE peut faire une différence pour les fonds et entreprises qui n'étaient pas tout à fait conformes à la taxonomie et qui le seraient désormais. De quoi brouiller le message pour les consommateurs investisseurs. Et c'est bien ce que regrette le Bureau européen des consommateurs : ce classement signifie que le nucléaire et le gaz pourraient être commercialisés « de manière trompeuse » auprès des consommateurs en tant que produits financiers « verts ». « Cela aggravera une situation actuellement chaotique - où il y a un manque d'informations fiables sur les investissements verts -, en trompant activement les consommateurs sur la durabilité de leurs investissements. Cela augmente également l'exposition des consommateurs aux actifs bloqués (par exemple, les centrales à gaz qui devront être démantelées à l'avenir pour que l'UE atteigne ses objectifs climatiques), qui peuvent causer des dommages financiers importants, tels que des retraites dévaluées », analyse cette association européenne de défense des consommateurs.

Dans un souci de transparence, la Commission européenne a profité de cet acte délégué pour modifier les obligations d'information liées aux activités de gaz naturel et d'énergie nucléaire. Les grandes sociétés non financières et financières cotées en Bourse devront divulguer la proportion de leurs activités liées au gaz naturel et à l'énergie nucléaire. Cela devrait aider les investisseurs à distinguer les activités dans lesquelles ils investissent et, par la même occasion, à voir où est placée l'épargne des Européens.

1. Télécharger l'acte délégué de la Commission (en anglais)
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-39038-PDF1-taxonomy-regulation-delegated-act-2022-631-en.pdf
2. Télécharger le premier acte délégué
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-39038-Acte-delegue-taxonomie-juin-2021.pdf
3. La 4e génération correspond aux réacteurs, actuellement en conception, qui pourraient voir un déploiement industriel à l'horizon 2040-2050, et probablement plus tôt en Inde ou en Chine selon le CEA4. La 3e génération de réacteurs nucléaires, s'apprête aujourd'hui à prendre progressivement le relais des réacteurs déjà en service. Trois réacteurs répondent à ces critères : l'EPR (european pressurized reactor) français, l'AP1000 (advanced pressurized de 1 000 MWe) américano-japonais et l'AES 2006, dernier modèle de 1 200 MWe du VVER russe

Réactions10 réactions à cet article

La France investit dans le nucléaire pour "sécuriser" les installations (carénage), donc ça va couter encore plus cher pour la même production et pour ne pas augmenter trop les factures ce sera payé avec les impôts ... l'énergie nucléaire est une bombe à retardement dont la puissance augmente tous les jours ...

laurent | 03 février 2022 à 08h50 Signaler un contenu inapproprié

Quel baratin !La vraie question qui va , à l'aide ou sans des obligations vertes,investir dans cette filière mortifère et non rentable qu'est le nucléaire ?
Ce classement absurde cache-t-il le fait que le gouvernement français va émettre des obligations vertes nucléaires ?Ou bien plus surement qu'il financera lui-même EDF à perte sous prétexte de qualité verte?
Madame Roussel je compte sur vous pour regarder cela de près.

Darwin | 03 février 2022 à 11h32 Signaler un contenu inapproprié

L'énergie nucléaire comme alliée de la transition écologique ! Les écologistes de la première heure (années 70) seraient effarés : l'écologie était alors un vrai projet de société plus en harmonie avec le reste du vivant.
On en a fait de nos jours une revue comptable des émissions de GES, en voyant comment continuer à surproduire et surconsommer le plus longtemps possible par un simple transfert de technologie ; on oublie que c'est cette technologie, quelqu'en soit les outils, qui est la cause de nos problèmes.
On ne s'en sortira pas sans remise en cause profonde de nos modes de vie, mais on en est bien loin !

FV77380 | 03 février 2022 à 18h43 Signaler un contenu inapproprié

Chers tous,

En matière de classification des activités économiques ayant un impact sur l'environnement, le gaz naturel est "bien mieux" que le charbon, mais "bien moins bien" que le nucléaire. Les classificateurs (taxonomistes) de la Commission ont jugé nécessaire d'intégrer le gaz naturel et le nucléaire dans la liste des activités "vertes" et ils ont argumenté avec science, logique, raison, et ils ont introduit des conditions.

Les classificateurs (taxonomistes) des ONG "vertes" poussent des cris d'orfraie, il n'est là rien d'étonnant. Car ces taxinomistes ci semblent mus, pour classer, par des idéologies surannées et des philosophies vagues et nébuleuses. Savent-ils au moins qu'il existe une science des lois de la classification (la taxinomie)? Je me permets de leur conseiller d'étudier la taxinomie et, ceci fait, peut-être alors verront-ils les choses sous un jour nouveau.

Bien à vous,

Euplectes

Euplectes | 04 février 2022 à 00h54 Signaler un contenu inapproprié

Les réserves d'eau nuiraient à l'environnement mais pas les TGV et les centrales nucléaires ?
plus les mensonges sont énormes mieux ils passent !

laurent | 11 février 2022 à 07h52 Signaler un contenu inapproprié

Cher Laurent,

Bien vue, votre question! Je pense que l'assimilation-confusion de l'intérêt environnemental et de la restauration de la continuité des cours d'eau, par ceux qui n'ont pas eu peur de la faire, est antinomique et relève de la turpitude, car il s'agissait, pour certains milieux zoolâtres et/ou activistes engagés, de privilégier de façon radicale des organismes vivants, autres qu'humains, au détriment des activités humaines (l'humain apparaissant alors relégué à un sous-organisme de moindre importance et considéré comme tel, suivant ce concept farfelu). Non, je ne suis pas "à l'Ouest" ce soir et je n'invente rien, cette idée folle je l'ai plusieurs fois entendue dans les cercles restreints qui sont les noyaux durs d'assemblées de mouvances activistes éco-politisées; inutile de vous dire que je suis "monté sur la table" et ai désapprouvé vertement, puis me suis dirigé vers la porte avant qu'on ne m'y mette!
Le mensonge était énorme, je vous l'accorde, cher Laurent. Mais il n'est pas passé, et il ne passera plus. Les gesticulations de quelques politiciens, en quête de parts de marchés électoraux, ne sont maintenant que littérature et conférence de presse.
Les réserves d'eau ne nuisent pas à l'environnement, bien au contraire, ils ou elles le savent, mais il leur arrive de ne pas le reconnaître.

Le transport ferroviaire, celui qui fonctionne à l'électricité, me paraît moins nuisible à l'environnement que le transport routier,

(...)

Euplectes | 15 février 2022 à 02h34 Signaler un contenu inapproprié

(...)

celui qui fonctionne aux carburants fossiles ou non fossiles, et l'on voit que le transport routier opère une transformation lente et progressive vers l'électricité. Ce processus de transition ne nuit pas à l'environnement, bien au contraire.

Les centrales nucléaires, vous le savez, fabriquent l'électricité à partir de l'énergie obtenue de la fission de l'atome.
Cette méthode de production d'électricité ne nuit pas à l'environnement, si on la compare à la production d'électricité tirée du charbon, du pétrole, du gaz et des déchets. Je lui confère donc un niveau d'intérêt environnemental équivalent à ceux des panneaux solaires, des éoliennes, de l'hydroélectrique et de la production d'hydrogène.

Les prises de conscience des coûts globaux de production pour chacune de ces méthodes, et des risques de danger inhérents aux fonctionnements de chacune d'entre elles, sont entendues, prises en compte et mises en balance. Il est à mon avis bien trop tôt pour trancher en faveur de telles ou telles d'entre elles. Il faut assurer, pour l'avenir, la fabrication d'une quantité d'électricité beaucoup plus importante, avec une productivité encore plus importante, et avec une autonomie maximum.(tout ceci pour remplacer les vecteurs fossiles).
Efforçons nous, en premier, de "sortir" du charbon, du pétrole et du gaz, et généralement, réfléchissons à la réelle pertinence (?) de l'emploi de tous vecteurs d'énergie carbonés, fossiles ou non.

Bien à vous,

Euplectes

Euplectes | 15 février 2022 à 03h23 Signaler un contenu inapproprié

@ Euplectes : si l'énergie nucléaire était rentable énergétiquement et financièrement parlant les Américains n'auraient JAMAIS revendu les brevets d'Arabelle à la France. Tout ce qui n'est pas renouvelable n'est pas durable, l'énergie doit s'exploiter en surface : éolien , hydraulique, marémotrice et biomasse ! le potentiel est énorme mais il faut être raisonnable : sobriété, efficacité, durabilité et surtout production la plus locale possible. EDF a ouvertement triché sur la rentabilité du nucléaire en faisant payé par les impôts l'enrichissement et le retraitement des déchets, c'est un secret de Polichinelle chez tous nos dirigeants ... et ils ne pourront plus le cacher très longtemps !

laurent | 15 février 2022 à 10h17 Signaler un contenu inapproprié

Cher Laurent,

Turbines Arabelle rachetées ou non, General Electric Steam Power en faillite ou non, êtes vous vraiment convaincu que le nucléaire soit si peu compétitif, comparé au solaire, à l'éolien, à l'hydraulique, à la biomasse ?
"Compétitif" sur les plans de l'indépendance énergétique, de la lutte contre le réchauffement climatique, de la synchronisation et de l'adaptation à l'offre variable de ces sources renouvelables actuelles et - j'ose le dire - compétitif en tant que composante nécessaire à l'évolution de l'économie vers un modèle plus écologique et viable à long terme (non, ceci n'est pas un paradoxe à mes yeux) ?

"Compétitif" au sens de (définition du dictionnaire Larousse):
- "Qui est susceptible, grâce à ses qualités, à ses caractéristiques, de supporter la concurrence;
- Qui offre ses produits à un prix tel qu'ils peuvent faire concurrence aux autres produits similaires sur le marché".

Bien à vous,

Euplectes

Euplectes | 24 février 2022 à 15h15 Signaler un contenu inapproprié

@ Euplectes l'énergie miracle n'existe pas ! renseignez vous sur l'enrichissement et le retraitement des déchets c'est une dépense énergétique incroyable qui dépasse la production des centrales ... et il faut prendre en compte tout le reste ! c'est l'état (donc nos impôts) qui prend en charge financièrement tout ce qui est en dehors de la production d'énergie ... une arnaque monumentale !

laurent | 30 mars 2022 à 16h45 Signaler un contenu inapproprié

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