Nucléaire, charbon... face à la crise énergétique, l'Allemagne revient sur ses ambitions écologiques

Alors que l'Allemagne ambitionnait de sortir du nucléaire en 2022, elle envisage désormais de prolonger la durée d'exploitation des trois dernières centrales en activité dans le pays. De même pour le charbon: Berlin compte augmenter le recours à cette énergie fossile très polluante qui devait pourtant disparaître du pays en 2030. En cause, la crise énergétique qui guette les Allemands trop dépendants du gaz russe et qui force la coalition au pouvoir à trouver, rapidement, des alternatives.
Les trois dernières centrales nucléaires en activité en Allemagne sont situées en Bavière, Basse-Saxe et Bade-Wurtemberg. Photo d'illustration: la centrale nucléaire Isar, exploitée par E.ON à Eschenbach en Basse-Bavière (Allemagne), et construite en bordure de l'Isar, un affluent du Danube qui arrose Munich, le 1er août 2022.
Les trois dernières centrales nucléaires en activité en Allemagne sont situées en Bavière, Basse-Saxe et Bade-Wurtemberg. Photo d'illustration: la centrale nucléaire Isar, exploitée par E.ON à Eschenbach en Basse-Bavière (Allemagne), et construite en bordure de l'Isar, un affluent du Danube qui arrose Munich, le 1er août 2022. (Crédits : Reuters)

C'est un vrai casse-tête pour l'Allemagne. Comment répondre à la demande en besoins énergétiques de sa population et de ses entreprises l'hiver prochain sans compter sur le gaz russe ? Depuis plusieurs mois, le géant gazier Gazprom n'a eu de cesse de baisser les approvisionnements en direction de l'Europe via le gazoduc Nord Stream 1, pénalisant considérablement l'Allemagne. Au déclenchement du conflit, le pays dépendait à plus de 50% de la Russie pour son approvisionnement en gaz, contre encore 35% actuellement.

L'une des pistes actuellement envisagées par le gouvernement est de se tourner de nouveau vers le nucléaire. Une énergie que l'Allemagne avait pourtant décidé d'abandonner à la fin de l'année. Néanmoins, ce mercredi, le chancelier allemand a estimé que cela « peut faire sens » de prolonger la durée d'exploitation des trois dernières centrales nucléaires en activité en Allemagne même si elles « ne sont pertinentes que pour la production d'électricité et seulement pour une petite partie de celle-ci ».

Ces trois centrales concourent actuellement pour 6% de la production nette d'électricité en Allemagne. Une proposition justifiée par le risque de crise énergétique et des pénuries quand les températures diminueront. Preuve que l'inquiétude est bien présente, le 23 juin dernier, Berlin a activé le niveau 2, dit d' « alerte », de son plan d'urgence sur l'approvisionnement en gaz, soit le dernier palier avant l'organisation d'un rationnement énergétique par l'Etat, prévue dans la phase 3.

Berlin doit trancher dans les prochaines semaines sur une possible prolongation de ces centrales, situées en Bavière, Basse-Saxe et Bade-Wurtemberg, en s'appuyant sur une nouvelle expertise en cours. Une fois les résultats de ce « test de résistance » connus « nous tirerons ensuite nos conclusions », a dit le chancelier en visite à Mülheim an der Ruhr (ouest) sur le site de l'industriel Siemens Energy, où une turbine à gaz réparée et destinée à équiper un gazoduc russe vers l'Europe attend d'être acheminée vers la Russie.

Revirement spectaculaire

Mais les différentes forces politiques qui composent la coalition au pouvoir peinent à se mettre d'accord sur la question du nucléaire. Si les Verts sont sceptiques, ils ont néanmoins fait évoluer leur position, catégorique auparavant, et le ministre de l'Economie et de la protection du climat, issu des Verts, a admis, en juin dernier, que le gouvernement s'apprêtait à faire des « choix de société très difficiles ».

« Nous sommes déjà dans une situation dans laquelle l'Allemagne ne s'est jamais trouvée. Et si les livraisons de gaz russe restent aussi faibles qu'actuellement, nous allons tout droit vers la pénurie de gaz », a-t-il expliqué.

Le parti social-démocrate d'Olaf Scholz était jusqu'ici réservé, quand les libéraux du FDP y sont favorables. Cette prolongation est aussi réclamée par l'Union conservatrice CDU-CSU dans l'opposition.

Forcé de trouver une solution - au-delà de demander aux ménages d'adopter des habitudes de sobriété énergétique en prenant, par exemple, des douches plus courtes et plus froides -, Olaf Scholz a justifié les réflexions en cours sur le sujet du nucléaire par le fait que le développement des énergies renouvelables, censées remplacer l'énergie nucléaire et le charbon, est plus lent que prévu. Et il est « très différent d'une région à l'autre en Allemagne », a-t-il dit, pointant du doigt l'énergie éolienne :

« C'est particulièrement vrai en Bavière, où l'expansion de l'énergie éolienne a été très lente », a-t-il lancé, dans une pique à l'adresse de cette région historiquement dirigée par les conservateurs et fortement consommatrice d'énergie.

Et le chancelier d'ajouter : « Nous soutiendrons toutes les régions d'Allemagne du mieux que nous pouvons » pour l'approvisionnement énergétique de « tous les citoyens en Allemagne et de toutes les entreprises. »

Une telle décision, impensable il y a encore six mois, constitue un virage spectaculaire dans la politique énergétique allemande. Suite à la catastrophe nucléaire de Fukushima en 2011, l'ancienne chancelière allemande, Angela Merkel, avait décidé de sortir son pays du nucléaire et, depuis dix ans, le pays a bâti sa stratégie sur une sortie du nucléaire. D'autant que le pays s'est fixé des objectifs climatiques ambitieux. Il entend réduire de 65% ses émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030 par rapport à 1990, et devenir neutre en carbone en 2045 - cinq ans avant l'échéance fixée par la Commission européenne pour tout le continent.

Le charbon davantage utilisé

Autre contradiction au sein d'une Allemagne trop dépendante de son gaz importé : le recours accru au charbon, pourtant très polluant. En mars déjà, un plan visant à réduire la dépendance du pays aux énergies fossiles russes prévoyait que, « dans ce contexte, le démantèlement des centrales à charbon pourrait être suspendu jusqu'à nouvel ordre après une analyse » menée par le régulateur du secteur.

Quelques semaines plus tôt, Berlin a annoncé que l'Allemagne aurait davantage recours au charbon dans son mix énergétique afin de compenser la baisse du gaz russe.

Enfin, en juin, le gouvernement a déclaré qu'il utiliserait des centrales à charbon dites « de réserve », ne servant actuellement qu'en dernier recours, pour garantir la sécurité énergétique du pays. Pourtant, le charbon devait disparaître en 2030, selon la volonté de l'actuelle coalition composée des Verts, du SPD et des libéraux. Elle s'était engagée à avancer à 2030 la sortie du charbon, contre 2038 prévu auparavant.

La consommation de charbon était pourtant déjà en hausse avant le déclenchement de la guerre en Ukraine et la flambée des prix qui s'en est suivie. L'Allemagne s'était davantage appuyée sur cette énergie fossile pour pallier la sortie du nucléaire et en attendant que les énergies renouvelables se développent suffisamment. En 2021, la production d'électricité à partir de charbon avait crû de près de 18%. De même, 28,9% de l'électricité injectée dans le réseau du pays provenait encore de centrales à charbon au premier trimestre 2021, « contre 13% en moyenne dans l'Union européenne », selon une note de l'Institut Jacques Delors sur le sujet. La demande de ce combustible a toutefois été divisée par trois depuis 1990 en Allemagne.

(Avec agences)

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Commentaires 6
à écrit le 03/08/2022 à 22:01
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On sous-estime les qualités du charbon comme énergie d'avenir. La ressource est abondante, très énergétique, fiable, elle n'est pas dépendante de la Russie. La technologie est maîtrisée et répandue dans le monde entier. On ne risque pas d'accident nu...

le 03/08/2022 à 22:31
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Reboisement où? Dans les villes? Dans les champs de blé? En mer?

à écrit le 03/08/2022 à 20:57
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Mais pourquoi ne pas accélérer le déploiement de mega fermes éoliennes et solaire? Ha oui j'oubliais, elles sont inertmittentes!

à écrit le 03/08/2022 à 17:20
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Tout plutôt que d'acheter du gaz à la Russie.

le 03/08/2022 à 22:00
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Acheter du gaz à nos alliés et amis Russes est la bonne solution

à écrit le 03/08/2022 à 16:30
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Les écologistes sont des hypocrites. Ils créent des chimères, qu'ils sont incapables d'assumer

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