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Que font les eurodéputés français au Parlement européen?

Le Parlement européen à Strasbourg, en novembre 2016.
Le Parlement européen à Strasbourg, en novembre 2016. © Vincent Kessler / Reuters
Adrien Gaboulaud , Mis à jour le

L’Institut Jacques Delors, en partenariat avec le Mouvement Européen-France et sur la base de données VoteWatch, publie une analyse des votes des eurodéputés français sur 20 scrutins-clés. Yves Bertoncini, directeur de l'Institut Jacques Delors, expose les différentes logiques de vote à l'oeuvre.

Paris Match. La discipline au sein des partis est un peu plus relâchée au Parlement européen (voir les données en bas de page). Est-ce parce que les eurodéputés sont plus éloignés des débats politiques nationaux?
Yves Bertoncini. Il n’y a pas de frondeurs à Strasbourg, ça n’existe pas. Au Parlement européen, il n’y a pas de nécessité institutionnelle liée à l’existence d’une discipline majoritaire pour soutenir un gouvernement. Il y a des consignes de vote, bien sûr, mais les majorités varient en fonction des sujets. Il peut donc arriver que des députés fassent défection, pour des raisons individuelles ou à l’initiative d’une délégation nationale, au motif que le sujet touche leurs pays. Ça fait partie de la vie quotidienne du Parlement européen.

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Ces coalitions à géométrie variable peuvent être surprenantes pour un électeur français.
Au Parlement européen, il n’y a pas seulement une «grande coalition» droite-gauche comme celle qui existe en Allemagne. Certes, les sociaux-démocrates et le Parti populaire européen (PPE, droite) votent ensemble dans près de 70% des cas. Il arrive, néanmoins, que sur certains sujets, les eurodéputés parviennent à un consensus total. Il est parfois possible de faire converger tout le monde, y compris Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen. Dans une étude précédente, nous avions constaté que tous les élus français votaient de la même façon dans près d’un tiers des cas.

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Le directeur de l'Institut Jacques Delors, Yves Bertoncini.
Le directeur de l'Institut Jacques Delors, Yves Bertoncini. © Institut Jacques Delors

Quel rôle jouent les sensibilités nationales?
C’est un facteur aggravant. Si l’on organise un vote sur la politique agricole commune ou sur la localisation du siège du Parlement à Strasbourg, des sujets qui touchent particulièrement les élus français, certaines délégations nationales pourront se dissocier de leurs groupes. L’Europe n’est pas dans une logique purement fédérale, ce que traduit l’existence de ces délégations nationales au sein des groupes politiques. Parmi les 20 votes que nous avons étudiés, le scrutin sur la poursuite des négociations sur le traité transatlantique est un bon exemple. Les groupes «centraux» -sociaux-démocrates, libéraux et PPE- soutenaient les négociations. Parmi les députés français, en revanche, la quasi-totalité des centristes et libéraux se sont abstenus; tous les socialistes ont voté contre. Seuls les Français du PPE ont voté comme leurs collègues de groupe, pour les négociations.

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"Les Européens peuvent se dire que les Anglo-Saxons les abandonnent"

L’élection du nouveau président du Parlement européen, Antonio Tajani (PPE), a été plus disputée que par le passé. Est-ce le signe que l’esprit de coalition est menacé?
Il faut bien distinguer l’élection des responsables, le président et les vice-présidents, et le vote au cas par cas. Mardi, les eurodéputés se sont déchirés, sous l’influence notamment de la France et de la Belgique où les logiques partisanes sont plus fortes. Les Allemands ne poussaient pas à la confrontation entre Antonio Tajani et Gianni Pitella, le candidat des sociaux-démocrates. En fin de compte, la victoire de Tajani n’est pas une surprise dans la mesure où le Parlement européen penche à droite. Le PPE détient désormais les trois présidences-clés de l’Europe : la Commission, le Conseil européen et le Parlement; cela risque de faire turbuler le système et ça n’est pas complètement logique en terme d’équilibre institutionnel. Donald Tusk, l’actuel président du Conseil européen, est le maillon faible. Il doit être renouvelé prochainement et n’a pas forcément le soutien de son pays, la Pologne. Il va subir une petite pression dans les mois qui viennent.

En début de semaine, le président-élu des Etats-Unis, Donald Trump, a donné une interview dans laquelle il faisait état de son souhait de voir l’Union européenne se disloquer. Cela peut-il réveiller les Européens?
Il y a un réflexe unitaire, instinctif. Trump a dit que l’Otan ne comptait plus. C’est inquiétant. Cela veut dire que si on se fait attaquer, les Etats-Unis ne nous protègeront plus, alors qu’il y a de nombreuses menaces. Avec le Brexit et ce que propose Theresa May, la Première ministre britannique, les Européens peuvent se dire que les Anglo-Saxons les abandonnent et qu’ils doivent prendre leur destin en main. Il peut aussi y avoir un effet négatif : une fois passé ce réflexe unitaire, les Européens vont se retrouver avec trois grands pays membres permanents du Conseil de sécurité des Nations-unies -la Russie, les Etats-Unis et le Royaume-Uni- qui auront intérêt à les diviser. Résisteront-ils? J’aimerais bien vous dire oui!

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