Il y a presque trois ans, au premier semestre 2020, en pleine pandémie due au coronavirus, certains pays membres de l’Union européenne (UE), au premier rang desquels l’Allemagne, étaient prêts à tout pour obtenir ces masques et vaccins qui manquaient tant, quitte à léser leurs partenaires. Aujourd’hui, alors que les pénuries de certains médicaments se font sentir partout sur le Vieux Continent, la tentation du chacun pour soi est de retour.
Fin décembre 2022, l’Allemagne s’est dite prête à payer plus cher certains médicaments, afin d’éviter que les laboratoires les vendent ailleurs à un meilleur prix. Tout comme la Grèce, qui, début janvier, a, par ailleurs, décidé de geler les exportations des remèdes manquants. Dernièrement, la Roumanie a prévenu qu’elle pourrait interdire l’exportation de certains génériques fabriqués sur son sol.
Dans ce contexte, la Commission européenne et l’Agence européenne des médicaments (AEM) se sont saisies du sujet. Mais la santé relève pour l’essentiel des compétences nationales, ce qui limite leur champ d’action. Pour l’heure, « nous déployons toutes les flexibilités réglementaires à notre disposition », a assuré, devant le Parlement européen, la commissaire à la santé, Stella Kyriakides, le 17 janvier.
« La sécurité avant les prix »
Ainsi, un Etat membre peut accepter que des notices d’utilisation ne soient pas traduites dans sa langue, alléger les contraintes en matière d’emballage, souvent fabriqué en Ukraine avant la guerre déclenchée fin février 2022, autoriser un médicament qui possède les mêmes substances actives qu’un produit en rupture de stock, permettre la délivrance de cachets à l’unité ou encore substituer des suppositoires à des médicaments prescrits par voie orale. L’AEM assure, par ailleurs, être prête à autoriser rapidement les principaux sites d’antibiotiques en Europe à augmenter leur capacité de production.
« Si nécessaire, l’Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire [HERA, l’organe de crise sanitaire créé lors de la pandémie] peut acheter des médicaments au nom des Etats membres », et faire des réserves stratégiques, a rappelé Mme Kyriakides. Mais, à terme, ces mesures ne suffiront pas, tant le problème est structurel. « En Europe, les pénuries de médicaments ont été multipliées par vingt en vingt ans », constate l’eurodéputée française (Parti populaire européen) Nathalie Colin-Oesterlé.
Aujourd’hui, « près de 80 % des principes actifs pharmaceutiques sont fabriqués hors d’Europe, principalement en Chine et en Inde, et environ 40 % des médicaments commercialisés dans l’UE sont produits en dehors de nos frontières », explique Isabelle Marchais, spécialiste santé de l’Institut Jacques Delors. Conséquence, l’UE est à la merci de ces pays qui peuvent décider d’interrompre leurs exportations.
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