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Peut-on dire que le plan de sobriété "commence à porter ses fruits" ?

par Caroline QUEVRAIN Caroline Quevrain
Publié le 25 octobre 2022 à 16h56, mis à jour le 26 octobre 2022 à 15h04

Source : JT 13h WE

Agnès Pannier-Runacher a vanté les premiers résultats du plan de sobriété, présenté début octobre.
Mais la baisse de la consommation de l’énergie ne peut être imputé aux seules mesures gouvernementales.
Il est trop tôt pour percevoir leur effet, estime RTE qui renvoie plutôt à la hausse des tarifs.

Avec des stocks d’énergie en forte tension, la rentrée a été placée par le gouvernement sous le signe de la sobriété. Ainsi, les ménages, les entreprises ou les collectivités territoriales sont incités à réduire leur consommation pour atteindre les 10% de baisse en deux ans. Ce dimanche 23 octobre, Agnès Pannier-Runacher a commenté, sur le plateau de BFM, les derniers chiffres de la consommation des Français, se trouvant réduite depuis l’été. Et a jugé que "le plan de sobriété commence à porter ses fruits", tout en ajoutant que le coût de l'électricité et du gaz n'y était pas pour rien.

"Depuis le 1er août, on constate une baisse de consommation du gaz naturel de 14% dans notre pays. RTE nous indiquait la semaine dernière une baisse de consommation de l’électricité de 5% sur tout le mois de septembre", a développé la ministre de la Transition énergétique avant de rappeler que "ce qui est en jeu, c’est l’entrée dans l’hiver. Les pics de consommation sont liés au chauffage". En effet, les Français ont diminué leur consommation de 5% au mois de septembre "par rapport à la tendance du premier semestre", a annoncé le gestionnaire du réseau de transport d’électricité (RTE) à la mi-octobre. Mais attribuer cette baisse aux mesures présentées par le gouvernement est trompeuse. Celle-ci est plutôt multifactorielle.

-5% de la consommation en octobre

D’abord, comme n’ont pas manqué de relever des internautes après la séquence de la ministre, les températures ont été très douces pour un début d'automne. Ce qui a un effet direct sur l’énergie consommée, qui passe en grande partie dans le chauffage. D’ailleurs, RTE a revu ses chiffres à la baisse. Tablant au départ sur une baisse de 3 à 4% en septembre, le gestionnaire a fini par annoncer une "diminution de la consommation d'électricité corrigée des aléas météorologiques" de 5%. 

Avec un nouvel outil de suivi hebdomadaire de la consommation d’électricité, visant à évaluer les effets du plan de sobriété, RTE indique ce mardi 25 octobre qu'au cours des 30 derniers jours, la consommation a diminué de 5,3 % par rapport aux années précédentes, avant la crise sanitaire et à la même période. Interrogé sur ce chiffre, le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher reconnait un mois d’octobre particulièrement doux. 

Ensuite, la hausse des tarifs du gaz et de l’électricité, qui court depuis des mois, n’est pas étranger au comportement des Français, comme a pu l'évoquer Agnès Pannier-Runacher. C’est aussi ce que remarque le Centre de Recherche pour l'Étude et l'Observation des Conditions de Vie (CREDOC), qui évoque une sobriété "contrainte" et non choisie.  Ce qui peut paraitre contradictoire, puisque la sobriété ne peut pas être subie. Il s’agit, dans ce cas-là, de précarité énergétique, et cela concerne 12 millions de Français.

Dès lors, cette flambée des prix de l’énergie trouve déjà ses effets dans la société. "65% des ménages ont opéré des changements de comportements pour faire face à la hausse des prix qui touche le pays depuis l’automne 2021. En particulier, les déplacements ont été réduits, le thermostat a été baissé, la diversité alimentaire amoindrie pour 44% de la population", pointe le CREDOC. 

L'industrie et la "destruction de la demande"

Même chose dans le cas des entreprises. Si l’industrie connait une baisse de 8 à 9% de sa consommation, cela s’explique "par le ralentissement économique observé en Europe et spécifiquement par la hausse spectaculaire des prix de l’énergie, qui ont conduit certaines usines à arrêter ou modérer leur activité", souligne RTE. Un phénomène appelé "destruction de la demande", selon Phuc-Vinh Nguyen, chercheur en politique énergétique à l'Institut Jacques Delors : "L’industrie se met à moins produire car cela lui coûte trop cher. Ailleurs en Europe, c’est le cas de l’Allemagne et de l’industrie de la chimie". 

Enfin, les principales mesures du plan de sobriété ont été dévoilées par le gouvernement le 6 octobre… il y a une vingtaine de jours seulement. Si RTE juge que ce plan est de nature à produire des résultats, un peu de recul est nécessaire : "Il est encore trop tôt pour percevoir l’effet des propositions (…) qui portent sur l’ensemble des postes de consommation toutes énergies confondues et visent à réduire de 10% la consommation énergétique (électricité, gaz, carburant…) de la France d’ici 2024". 

Sur la temporalité, le ministère de la Transition énergétique renvoie aux mesures en place depuis septembre : "Dès le lancement du plan de sobriété fin juin avec la ministre, vous avez des entreprises qui se sont engagées en septembre et qui ont fait valoir des baisses de consommation. Il y a aussi plusieurs villes qui ont lancé des plans de sobriété, notamment sur l’éclairage public. C’est en cela que la ministre dit que quelque chose s’est créé dans le pays, il y a une vraie prise de conscience". 


Caroline QUEVRAIN Caroline Quevrain

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