Peut-on rééquilibrer les échanges commerciaux Chine-Europe ?

Des voitures avant d'être chargées sur un navire pour l'exportation dans le port de Yantai, en Chine. ©AFP - STR
Des voitures avant d'être chargées sur un navire pour l'exportation dans le port de Yantai, en Chine. ©AFP - STR
Des voitures avant d'être chargées sur un navire pour l'exportation dans le port de Yantai, en Chine. ©AFP - STR
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Le président chinois est en visite d’État en France ces 6 et 7 mai. Il sera reçu par Emmanuel Macron et Ursula von der Leyen sera associée aux échanges. Les contentieux entre l’UE et la Chine concernent la guerre en Ukraine comme les relations commerciales qui seront au cœur des discussions.

Avec
  • Agatha Kratz Directrice au Rhodium Group (RHG), spécialiste des relations Chine-UE
  • Sylvie Matelly Economiste et directrice de l’Institut Jacques Delors
  • Mary-Françoise Renard Economiste, professeure à l’université Clermont-Auvergne

Depuis son adhésion à l’Organisation mondiale du commerce en 2001, la Chine est devenue la deuxième puissance économique mondiale. L’an dernier, un tiers de la production industrielle du globe provenait de Chine, tandis que les exportations chinoises avaient doublé entre 2015 et l’an dernier.

Car les contentieux entre Pékin et Bruxelles, ou Pékin et Paris, peuvent être géostratégiques, sur la Russie ou Taïwan, mais sont ces temps-ci commerciaux et industriels. C’est la raison pour laquelle la Commission européenne a haussé le ton depuis quelques mois, ouvrant en particulier des enquêtes sur les subventions d’État accordées aux entreprises chinoises.

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Bruxelles craint également, comme nous l’avons dit dans une émission de la semaine dernière, la fuite de technologies sensibles vers la Chine.

Est-il possible de réduire rapidement le déficit commercial européen vis-à-vis de la Chine ? La France peut-elle y tenir un rôle ?

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Comment la Chine a-t-elle imposé son modèle dans les échanges commerciaux ?

Sylvie Matelly : « Pour comprendre l’histoire commerciale de la Chine, il est intéressant de distinguer les trois périodes qui la structurent. La première c'est l'entrée de la Chine à l'OMC en 2001 avec au départ des tensions sur le textile parce que la Chine est l'atelier du monde et inonde rapidement le marché avec ses produits et anéantit un certain nombre de secteurs dans nos pays. Finalement, les choses se lissent, les délocalisations et les investissements européens et américains en Chine permettent aux consommateurs d'accéder à des produits bon marché. Ensuite, la crise de 2008 arrive et les Chinois se rendent compte que les pays occidentaux ne sont pas si riches. A ce moment-là, la Chine met en place des stratégies multiniveaux. Et finalement, quelques années après cette crise de 2008, la Chine est présente sur tous les marchés. Le pays apporte un développement qui ne se diffusait pas aussi vite avec des prix compétitifs et l'accès à la consommation pour tout un ensemble de populations. Enfin, la crise du Covid met en évidence les conséquences de tout ce rouleau compresseur que constitue le développement de l'économie chinoise avec les dépendances et les sur-dépendances qui apparaissent ».

Agatha Kratz poursuit : « Certaines industries françaises sont extrêmement dépendantes de la Chine. Au sein du paysage industriel et manufacturier français il y a quelques grands constructeurs comme les entreprises du transport et de l'énergie qui ont plus ou moins été poussées hors de Chine. En revanche les autres entreprises comme le luxe ou les cosmétiques sont des entreprises extrêmement dépendantes du marché chinois et qui sont particulièrement dépendantes de la relation diplomatique entre la France et la Chine. Cela explique notamment la raison pour laquelle le président Macron a été si accommodant dans sa relation avec Xi Jinping . En effet, les consommateurs chinois peuvent d'un jour à l'autre décider de ne plus acheter français, ce qui est très dangereux pour ces entreprises ».

Mary-Françoise Renard : « La Chine a mis en place des politiques qui ont été attractives et qui ont incité certaines entreprises à délocaliser leur production. Mais le rôle de la délocalisation et de la désindustrialisation sont restés relativement mineurs. Il faut aussi souligner que la France et l’Europe ont eu des stratégies fondamentalement différentes de la stratégie chinoise mais ces dernières n'ont pas été uniquement négatives parce que la France, par exemple, est très compétitive en matière de services. Il faut aussi souligner que l'indépendance des économies est absolument impossible. Lorsque l’on regarde la Chine et les États-Unis, qui sont les pays qui ont le plus de tensions entre eux, on se rend compte qu’il y a une baisse des échanges sur les produits de haute technologie ou sur les produits de consommation courant mais que les échanges demeurent et qu'il n'est pas question que le commerce devienne minimal ».

Pour aller plus loin :

- Mary-Françoise Renard a publié  La Chine dans l'économie mondiale : entre dépendance et domination (Presses universitaires Blaise Pascal, 2021).

- Sylvie Matelly est l'autrice d’un ouvrage pédagogique dans lequel un chapitre est consacré à l’économie asiatique :  L'économie tout simplement : mieux comprendre la complexité du monde actuel (Eyrolles, septembre 2023).

- Vous pouvez consulter les notes d'Agatha Kratz sur le site du  Rhodium Group.

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