Les investisseurs se sont rués sur la première émission d’obligations communes qui doivent financer, jusqu’en 2026, le vaste plan de relance à 750 milliards d’euros baptisé Next Generation (Nouvelle génération) censé transformer l’économie européenne.

« Selon les indications fournies par l’agence Bloomberg mardi 15 juin, la demande des marchés dépasserait les 140 milliards d’euros pour une offre de 20 milliards d’euros, ce qui souligne d’ores et déjà le succès de l’opération qui sera définitivement clôturée mercredi 16 juin », souligne Valentin Brissat, stratège chez le gestionnaire d’actifs Mirabeau Asset Management.

Un montage prudent, un succès flagrant

« Si l’on considère qu’un ratio demande sur offre de 4 est un très bon résultat, on peut même parler d’un succès flagrant puisque le rapport est ici de 7 », confirme Arthur Jurus, chef économiste de la banque privée suisse Landolt & Cie.

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Le coup d’envoi a été donné lundi 14 juin avec l’ouverture des « livres d’ordre » qui collectent les intentions d’achat. « Lorsqu’un État, une institution ou une entreprise décident d’émettre des obligations pour se financer, ils font généralement appel à un groupe de banques qu’ils payent pour faire le marketing de leur titre et la prospection auprès des grands clients institutionnels, fonds de pensions, compagnies d’assurances ou banques d’affaires », poursuit Arthur Jurus.

C’est par ce système dit de « syndication » que la commission européenne chargée de lever les emprunts a décidé de passer pour tester l’appétit des marchés. Pour l’instant, elle s’est limitée à un montant de 20 milliards d’obligations à dix ans, ce qui est la maturité standard pour les titres souverains. Un montage prudent qui s’explique par le caractère inédit de cette souscription.

Faible rendement et absence de risque

« Jusqu’à présent, l’Union européenne pouvait emprunter quelques millions par an pour soutenir les États les plus en difficulté. Mais avec le programme Next Generation, adopté en juillet 2020 par le conseil européen et validé en décembre par les eurodéputés, il s’agit d’emprunter plus de 80 milliards d’euros en 2021 puis 150 milliards par an d’ici à 2026, ce qui est du jamais vu ! », souligne Eulalia Rubio, chercheuse senior à l’Institut Jacques Delors.

Ce premier succès est donc un excellent signe pour la suite. « La sur-souscription à cette première émission devrait permettre de proposer le titre à un taux de 0,05 %, légèrement en dessous du taux français actuellement à 0,13 %, et un peu au-dessus du taux allemand à – 0,25 %. Ce qui permet de lever ces 20 milliards d’euros à un coût pratiquement nul », précise Valentin Brissat.

Au-delà de la performance ponctuelle, l’opération confirme surtout l’intérêt des investisseurs pour le « papier obligataire européen » qui compense son faible rendement par l’absence de risque compte tenu de la solidité de l’emprunteur, en l’occurrence l’Union européenne avec la garantie des 27 États membres.

Une stratégie plus offensive

Ces conditions de marché très favorables devraient encourager la commission à développer une stratégie plus offensive lors des prochaines émissions, notamment celle qui aura lieu en juillet. Elle pourrait notamment avoir recours au système dit d’adjudication qui consiste à mettre aux enchères les obligations, ce qui permet d’emprunter de manière plus fluide, plus rapide et à meilleur taux puisque l’on fait jouer la concurrence.

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« En septembre, elle pourrait même réviser son programme de levées d’emprunts pour 2021 en fonction de l’adoption des plans de relance nationaux que cette dette commune doit financer », souligne Eulalia Rubio.

Par exemple, sur les 100 milliards du plan France Relance annoncé par le gouvernement, Paris peut compter sur 40 milliards de subventions apportées par Bruxelles. Dont 4 à 5 milliards d’euros à verser avant la fin de l’année.