Plan d'investissement : les propositions choc des chercheurs pour verdir l'économie

Hausse des dépenses de recherche et développement dans les énergies renouvelables, loi de programmation pour le climat, révision des règles budgétaires européennes...les chercheurs de Institut Jacques Delors, de l'OFCE, de l'IDDRI et de I4CE multiplient les propositions à l'approche de la présentation du grand plan d'investissement par le président Macron prévue en octobre. Si l'annonce de ce plan est globalement bien accueillie, les économistes et chercheurs appellent à redoubler de vigilance.
Grégoire Normand
Les fonds publics consacrés à la recherche et le développement sur l'énergie ont stagné, voire décru ces dernières années, à moins de 0,01% du PIB pour la recherche sur les énergies renouvelables, constate l'Institut Jacques Delors.
Les fonds publics consacrés à la recherche et le développement sur l'énergie ont stagné, voire décru ces dernières années, à moins de 0,01% du PIB pour la recherche sur les énergies renouvelables, constate l'Institut Jacques Delors. (Crédits : Reuters)

La décarbonation de l'économie va devenir un des thèmes majeurs de la bataille électorale pour 2022. Alors que le gouvernement peaufine les derniers détails de son grand plan d'investissement, les chercheurs et les économistes multiplient les propositions et les points de vigilance pour assurer une transition écologique conforme aux engagements de la France. Après le rapport de Jean Tirole et Olivier Blanchard remis à l'Elysée en juin dernier, plusieurs centres de recherche et groupes de réflexion (Institut Jacques Delors, l'OFCE, l'IDDRI et I4CE) ont mutualisé leurs forces à l'approche de l'annonce du président Emmanuel Macron. Le chef de l'Etat doit en effet donner les détails de cette enveloppe d'environ 30 milliards d'euros durant "la première quinzaine d'octobre".

Il faut dire que malgré les rapports alarmants du GIEC, les alertes répétées des climatologues et la multiplication des catastrophes naturelles, les gouvernements successifs sont régulièrement pointés du doigt pour "leur inaction" et leur manque d'ambition. Après des échanges, les différentes organisations ont relevé que "pour une fois, on a un gouvernement qui a une approche stratégique sur le plan des investissements. Il va investir des sommes à la hauteur des enjeux et qui planifie des dépenses sur plusieurs années" a déclaré Thomas Pellerin Carlin, directeur du centre énergie de l'institut Jacques Delors. "Il semble que ce plan permettrait de réussir le pari uniquement sur l'enjeu des investissements en recherche et développement", a toutefois nuancé le chercheur.

Investissement public et privé : 100 milliards d'euros nécessaires

Le chantier de la transition est immense. Benoît Leguet, directeur général d'I4CE - Institut de l'économie pour le climat, estime qu'il faut muscler impérativement l'investissement public. "Aujourd'hui, l'effort public en matière d'économie bas carbone s'élève à 15 milliards d'euros chaque année. Il faudrait environ 37 milliards d'euros. Concernant l'investissement public et privé, le niveau est d'environ 40 milliards chaque année. Il faudrait environ 100 milliards d'euros dans le public et le privé pour atteindre les objectifs de neutralité carbone". De son côté, Xavier Timbeau, directeur principal de l'Observatoire Français des conjonctures économiques (OFCE), estime que "ce plan d'investissement est essentiel. Il est ambitieux et il est bienvenu. La politique publique a un rôle immense à jouer. Aujourd'hui, 7 points de PIB d'investissements bruns doivent être transférés chaque année vers des investissements verts."

Augmenter les dépenses en recherche et développement : le besoin "d'un en même temps"

La France a pendant longtemps accusé un sérieux retard en matière de dépenses en faveur de la recherche et développement en général avec des montants bien en deçà des objectifs européens fixés à 2% du produit intérieur brut (PIB). Malgré les crédits d'impôts recherche mises en œuvre depuis des années, ces mesures ont en partie manqué leur cible comme le rappelait un récent avis de France Stratégie dévoilé en juin dernier. "On aurait pu espérer que la France ait augmenté ses dépenses publiques en matière de recherche et développement sur l'énergie et le renouvelable. En fait, les dépenses ont stagné, voire baissé sous les différents gouvernements. On est même pas à 2% du PIB au niveau global. Le niveau est plutôt de 0,07% pour l'énergie. Pour l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables, c'est seulement 0,007% du PIB en termes d'investissement. Sur l'éolien, les dépenses représentent seulement 6 millions d'euros", a déclaré Thomas Pellerin-Carlin. La priorité de France 2030 doit être de corriger cette erreur historique", a-t-il a ajouté.

Même si les différents gouvernements et les entreprises présentent souvent des ambitions fortes en matière de transition, ces chiffres annoncés par les chercheurs montrent que les dépenses sur le terrain ne sont pas vraiment à la hauteur des enjeux.  Pour le chercheur, "il s'agit d'investir à fond sur la recherche et développement et l'innovation et en même temps investir dans des infrastructures qui vont permettre à ces innovations d'être utilisées par la population [...] Ces leviers doivent être activés en même temps pour le climat et pour notre économie. Les générations précédentes ont trainé des pieds sur les technologies du numérique. La question est de savoir si notre génération va faire la même chose sur les questions climatiques." Il a également proposé de nouvelles réglementations pour faire sortir du marché "tous les produits qui sont inefficaces et extrêmement polluants dès qu'il y a une alternative".

Quelle vision pour l'après 2022 ? Une loi de programmation

Si la plupart des chercheurs et économistes présents lors du point presse ont approuvé cette annonce du plan d'investissement, plusieurs s'interrogent sur l'après 2022. En effet, le calendrier très serré du président de la République à l'approche de l'élection présidentielle interroge. A moins de 200 jours du scrutin, une telle enveloppe qui fait encore l'objet d'échanges à Bercy doit en effet bénéficier d'un pilotage à moyen terme. "Le gap budgétaire en matière de transition a été comblé par France Relance. Quid pour la période post-2022 ? Surtout, quel plan d'investissement d'ici 2030 ? Quelle est la stratégie des finances publiques en matière climatique ? Combien d'argent pour le climat par les candidats à la présidentielle ?", s'est demandé Benoît Leguet. Face à ces incertitudes, l'économiste propose de mettre en place une loi de programmation pour le climat à l'instar de certains ministères régaliens comme la Défense ou la Justice.

Réviser les règles budgétaires européennes

La pandémie a chamboulé les règles budgétaires inscrites dans les traités européens. En seulement quelques semaines, les institutions bruxelloises on décidé de suspendre temporairement l'application de ces mesures (3% de déficit et 60% de dette) face à l'onde de choc engendrée par la la crise sanitaire mondiale. Alors que le débat sur le retour du pacte de stabilité refait surface dans les différentes instances de l'union, l'économiste de l'OFCE Xavier Timbeau considère que "la question de la soutenabilité des finances publiques dans une planète à +4°C n'a plus de sens. Si on reste dans un monde de taux d'intérêt bas pour longtemps comme l'affirme l'économiste Olivier Blanchard, il n'y a pas de raison de garder les règles du traité de Maastricht". D'après l'économiste, "il va falloir se rendre compte que cette crise sanitaire a coûté. Cela nécessite de repenser les règles du pacte de stabilité et les objectifs budgétaires. S'il faut faire preuve de sérieux budgétaire, toutes les mesures et les investissements nécessaires pour la transition écologique doivent être considérés comme prioritaires. Ces dépenses doivent être sanctuarisées". A l'échelle européenne, cette proposition risque encore une fois de faire face à de farouches oppositions dans le camp des gardiens de l'orthodoxie budgétaire.

Lire aussi Avec la reprise, le débat sur l'austérité fissure l'Europe

Grégoire Normand
Commentaires 6
à écrit le 15/09/2021 à 16:47
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je pense qu'il faut financer tout ca avec de la dette, commme ca la nouvelle generation qui passe son temps a se plaindre aura des solutions qu'elle aura la chance de financer ( c'est les memes qui vont gueuler avec leur panneau ' on ne veut pas paye...

à écrit le 15/09/2021 à 15:51
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c est simple. Soit on est riche, alors on peut miser sur le nucleaire pour en mettre plein la vue au reste du monde. Soit on est pauvre, on fait comme tout le monde , de l eolien et du solaire

le 24/09/2021 à 17:41
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En 2020, 52 centrales nucléaires sont en constructions dans le monde, principalement en Chine et en Inde, alors que 186 unités ont pris leur retraite. Trente pays se partagent un parc de 449 réacteurs. Au niveau mondial, ils produisent 10,2% de l’éle...

à écrit le 15/09/2021 à 13:55
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Ils ont inventé la peinture transparente qui devient verte en absorbant les polluants?

à écrit le 15/09/2021 à 13:53
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il y a quelques décennies c'était des utopistes babas beatniks gauchistes qui avertissaient des problèmes de l'écologie et, les types qui aujourd'hui disent régler le problème sont ceux là mêmes ou leurs pères qui crachaient leur venin au nom des mêm...

à écrit le 15/09/2021 à 10:52
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Vu qu'il faut financer tout ces projets et vu que les financements sont entre les mains de ceux qui ont détruit le monde en ronflant forcément il faut faire plus qu'attention à chacun des détails on peut même dire que si l'intégralité de cet argent s...

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