C’était le pilier du programme de Marine Le Pen en 2017 : sortir de l’euro, cette « monnaie des banquiers » pour permettre aux ménages de revenir au franc, « levier de notre compétitivité ». Jugée en partie responsable de son mauvais score au second tour de l’élection présidentielle, l’idée, pourtant au cœur du socle idéologique du Rassemblement national, a été rapidement remisée, au profit d’un programme consistant plus simplement à vider de leur substance les institutions européennes.
Cinq ans plus tard, plus personne sur la scène politique ne semble questionner sérieusement la monnaie unique, et l’hypothèse de son abandon est perçue comme un « désordre dangereux pour un pays fragile », selon Thierry Pech, directeur général du groupe de réflexion progressiste Terra Nova. Y compris ailleurs à l’extrême droite, où d’autres candidats comme Nicolas Dupont-Aignan ont évolué sur le sujet.
Même Eric Zemmour, opposé à l’euro dans ses livres, répète désormais que si « l’entrée dans l’euro était une mauvaise idée, en sortir serait pire ». A l’image de Marine Le Pen, il imagine plutôt rester dans l’Union européenne tout en s’affranchissant de ses règles, « faire des bras de fer » avec les institutions, et surtout « faire ce qu’on a envie de faire quand on a envie de le faire ». Une forme de « soft Frexit » qui « ferait moins peur, mais qu’il ne faut pas ignorer », estime Thierry Pech.
Née dans le sillage de la crise des dettes souveraines en 2010-2011, la question de l’euro était encore associée à la crise grecque dans l’opinion il y a cinq ans, aux politiques d’austérité et à des enjeux de souveraineté avec le spectre d’une mise sous tutelle de certains Etats d’Europe du Sud. Une perception que le Covid-19 est venu bousculer : la Banque centrale européenne a inondé les marchés de liquidités, permettant aux Etats de se financer massivement et gratuitement pour soutenir des économies confinées.
« Il y a un sentiment diffus que l’euro a été un atout plutôt qu’un handicap dans cette crise, estime Brice Teinturier, directeur général délégué de l’institut de sondages Ipsos. Les gens ont compris que les déficits publics avaient été rendus possibles grâce à l’Europe. » Une étude de l’Institut Jacques-Delors parue en décembre montre ainsi que, même s’ils ont souvent reproché à l’Union européenne d’être trop libérale, les Français restent très attachés à sa monnaie (74 % d’entre eux le sont, contre 79 % en moyenne des habitants des pays membres de la zone euro).
Objet nettement moins controversé
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