Le Premier ministre thèque Petr Fiala (à gauche) et Emmanuel Macron, à Madrid, au sommet de l'Otan, le jeudi 30 juin 2022.

Le Premier ministre thèque Petr Fiala (à gauche) et Emmanuel Macron, à Madrid, au sommet de l'Otan, le jeudi 30 juin 2022.

Bertrand GUAY / POOL / AFP

Les Tchèques pratiquent l'auto-dérision. Voilà une grande différence avec les Français, qui leur ont transmis le flambeau de la présidence du Conseil de l'Union européenne. "Les Français étaient arrivés en clamant qu'ils allaient tous casser, eux la jouent très modestes. Mais, croyez-moi, ils vont vous étonner, ils sont très bien préparés !", confie un diplomate européen de haut rang en poste à Bruxelles.

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Les crises - le Covid, puis la guerre en Ukraine - ont percuté les dernières présidences tournantes. Certains se demandent donc si la République tchèque, qui n'en est qu'à son second passage à la barre depuis son entrée dans l'UE en 2004, aura les épaules assez larges pour affronter la période. "Si nous sommes bons pour quelque chose, c'est l'improvisation. Nous savons être flexibles", assure Eva Hrncirova, la porte-parole de la présidence. Et si les Tchèques surprenaient les sceptiques ?

Anti-Poutine

D'abord, ils ont l'avantage de leur géographie : ils prennent les manettes alors que l'Europe centrale et orientale pèse davantage sur la scène européenne, parce qu'elle a alerté avant les autres sur la menace russe et parce que la guerre est à ses portes. Le gouvernement et la population tchèque sont viscéralement anti-Poutine. Prague soutient vigoureusement les sanctions et apporte une aide financière et militaire à l'Ukraine. Résultat : alors que certaines capitales se méfiaient de la France, la Tchéquie n'aura pas à affronter de soupçons quand elle parlera avec ses voisins orientaux sur les nombreuses répercussions de la guerre.

"Les Tchèques aiment le rôle de pont, cette crise peut les aider à jouer les intermédiaires entre l'Est et le bloc des pays fondateurs de l'Union", estime une source européenne. D'ailleurs, le pays a déjà oeuvré en coulisses pour aider la France à conclure in extremis, dans la nuit du 28 au 29 juin, des accords sur cinq textes du Pacte vert (notamment sur la réforme du marché du carbone et la fin du moteur thermique en 2035). Il a aussi permis d'éviter qu'un fossé se creuse entre l'Est et l'Ouest.

Finalement, seule la Pologne a voté contre, dépendance au charbon oblige. Pendant leur semestre, les Tchèques ont l'ambition de conclure les négociations avec le Parlement européen sur ce colossal dossier. Fervents partisans du nucléaire, ils veulent aussi réduire la dépendance énergétique de l'Union européenne aux hydrocarbures russes.

Bons rapports avec la Pologne

La République tchèque de Petr Fiala entretient de bons rapports avec la Pologne de Mateusz Morawiecki, qui se montre souvent rétif dans les négociations européennes. Les partis des deux premiers ministres siègent ensemble au groupe eurosceptique des Conservateurs et réformistes européens au Parlement de Strasbourg. Les deux pays accueillent également de nombreux réfugiés ukrainiens, 400 000 en Tchéquie, plus de trois millions en Pologne. La politique d'accueil de Varsovie a fait passer au second plan les critiques sur l'Etat de droit, ce qui arrange bien la nouvelle présidence et devrait lui éviter de traiter un sujet embarrassant pour elle. Pologne et République tchèque sont aussi membres du groupe de Visegrad, avec la Slovaquie et la Hongrie. Mais les positions de Viktor Orban sur la Russie et sa dérive illibérale ont créé des divergences entre les quatre pays, moins soudés qu'autrefois. De quoi donner plus d'autonomie à Prague.

Milliardaire au placard

Enfin, hasard favorable du calendrier, les Tchèques ont depuis janvier un nouveau gouvernement plus europhile et un Premier ministre plus "standard" que son prédécesseur. L'universitaire Petr Fiala a remplacé l'encombrant milliardaire Andres Babis, soupçonné de corruption. "La République tchèque a une carte à jouer. Le Premier ministre en aura-t-il envie, alors qu'il s'est jusqu'ici montré effacé sur la scène européenne ? s'interroge Lukas Macek, chercheur associé à l'Institut Jacques Delors. Le risque c'est une présidence efficace sur le plan de l'organisation, mais politiquement transparente." En tout cas, l'expérience montre que les "petits" pays réussissent souvent leur semestre européen largement aussi bien que les "grands", au point que le Luxembourg est régulièrement cité en exemple !

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