French minister for European affairs Clement Beaune presents a new two-Euro-coin marking the French Presidency of the Council of the European Union during a press conference on France assuming EU presidency, in Paris, on December 9, 2021. (Photo by Ludovic MARIN / POOL / AFP)

Clément Beaune, longtemps conseiller de l'ombre, va prendre la lumière pendant la présidence française de l'UE, du 1er janvier au 30 juin.

Ludovic MARIN / POOL / AFP

Clément Beaune déteste être en retard. Alors, à 40 ans, le secrétaire d'Etat aux Affaires européennes va vite. En cette veille de Noël, il court entre les bureaux du secrétariat de la présidence française du Conseil de l'Union européenne (PFUE), à quelques pas du Quai d'Orsay. A ses côtés, un assistant décompte à voix haute toutes les cinq minutes le temps qu'il lui reste pour chaque réunion.

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Toujours jovial, le quadragénaire enchaîne les checks du poing avec la soixantaine de fonctionnaires, communicants et traducteurs occupés depuis un an à préparer la présidence tournante de l'UE. "On vous souhaite un peu de repos pendant les fêtes, parce que l'on risque de vous exploiter après", lance le ministre, provoquant quelques rires dans l'assemblée. En aparté, une conseillère indique à quel point ce dernier déteste le mot "vacances", se remémorant un Noël 2020 où toute l'équipe ministérielle était pendue au téléphone avec Londres et Bruxelles pour les ultimes négociations du Brexit.

Les multiples casquettes du diplomate

Cela tombe bien, le secrétaire d'Etat aura, quoi qu'il arrive, peu d'occasions de lever le pied en 2022, au moins lors du premier semestre. Pendant six mois, Paris va donner le tempo à Bruxelles, menant des centaines de réunions européennes et une dizaine de sommets. Clément Beaune sera le chef d'orchestre, avec pour objectif de porter le très ambitieux agenda européen d'Emmanuel Macron. Mais Bruxelles ne sera pas la seule préoccupation de ce Parisien de naissance, qui compte aussi imprimer sa marque sur la présidentielle.

Au risque d'en faire trop ? "Beaune doit être l'avocat de la France en Europe, mais aussi l'avocat de l'Europe en France et celui de Macron auprès des Français pour la campagne, souligne Yves Bertoncini, président du Mouvement européen - France (une association pro-européenne) et professeur du ministre lorsque celui-ci était sur les bancs de Sciences Po. Cela commence à faire beaucoup de casquettes." En se frottant de près aux joutes politiciennes franco-françaises, le diplomate prend le risque d'avoir la tête ailleurs, quand la présidence de l'UE va exiger une présence de tous les instants.

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Longtemps, Clément Beaune s'est contenté des coulisses. Diplômé de l'ENA et du prestigieux Collège d'Europe, à Bruges, il s'installe dans les ministères comme conseiller à partir de 2009, d'abord au Budget, puis à Matignon, avant de suivre Emmanuel Macron à l'Elysée en 2017. Proche du chef de l'Etat, il est plusieurs fois pressenti pour entrer au gouvernement, mais doit attendre juillet 2020 pour se voir proposer les Affaires européennes.

La mue du haut-fonctionnaire en animal politique

Comme son mentor, le conseiller de l'ombre s'est rapidement habitué à la lumière. Dès sa première séance de questions à l'Assemblée, il remballe le député Rassemblement national Sébastien Chenu et ses critiques du plan de relance européen. "A ce moment-là, il a surpris tout le monde, on a compris qu'il était fait pour ça", se souvient un proche. Le haut fonctionnaire se transforme en animal politique, avide de petites piques pour ses opposants et toujours disponible pour les journalistes. "Parler d'Europe dans les médias est un combat, en particulier en France, estime-t-il. Pourtant, l'UE fait partie du quotidien des Français, les y intéresser devrait relever de l'hygiène démocratique."

Dans les cercles de réflexion pro-européens, Beaune fait l'unanimité. "Enfin, Macron a nommé un secrétaire d'Etat à la hauteur de ses ambitions européennes", souffle Yves Bertoncini. Tous louent sa maîtrise des dossiers et ses capacités de négociation. "Il est le meilleur qu'on ait eu à ce poste depuis vingt ans, abonde Olivier Costa, directeur de recherche au CNRS. D'ordinaire, il est attribué à des politiques qui n'ont aucun intérêt pour l'Europe, mais Clément échappe au défaut classique des diplomates français qui débarquent avec leurs gros sabots chez nos voisins." Au sein des think tanks, ils sont nombreux à appeler le ministre par son prénom et à le tutoyer en public.

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Il faut dire que Beaune sait cultiver les amitiés. A l'étranger, où il a tissé le réseau européen d'Emmanuel Macron, mais aussi dans les couloirs du pouvoir en France. Il prépare cette PFUE en tandem avec Alexandre Adam, conseiller Europe du président et ami de près de vingt ans. Les deux hommes se sont rencontrés au Collège d'Europe pendant une soirée Eurovision, un concours musical dont le ministre se dit "fan".

Six mois pour faire avancer l'Europe

Pour réussir la PFUE, le secrétaire d'Etat s'est lancé dans une tournée des 26 capitales européennes, qu'il a bouclée fin décembre à Belgrade. Il a aussi formé un comité d'experts indépendants et rassemblé les propositions de 1 000 Français, tirés au sort, sur l'avenir de l'Europe. "Une présidence se prépare très en amont, pose Clément Beaune. Depuis quatre ans, nous nous battons pour faire avancer la plupart des sujets que nous mettons sur la table aujourd'hui, du salaire minimum européen à la régulation des grandes plateformes numériques." La PFUE "sera un accélérateur pour certains de ces dossiers, un aboutissement pour d'autres", veut-il croire.

En parallèle de ce programme européen chargé, le jeune ministre devrait être un pilier de la majorité pour la présidentielle. Envisagé un temps comme directeur de campagne, il se contentera d'un rôle de soutien, positionné sur l'aile gauche de LREM. "La coïncidence de la PFUE et de la présidentielle va placer l'Europe au coeur de la course à l'Elysée, estime Thierry Chopin, conseiller spécial de l'Institut Jacques Delors. La question européenne se trouve dans l'ADN politique du macronisme et Clément Beaune incarnera cette dimension dans la campagne."

Jamais élu, le secrétaire d'Etat devrait se frotter à un premier scrutin lors des législatives de juin. De quoi nourrir ses ambitions ministérielles pour la suite, et occuper encore davantage son année 2022.

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