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Présidentielle 2022 : deux candidats, deux Europe

L’Europe, dont les deux candidats ont des visions irréconciliables, est au cœur de la bataille de l’entre-deux tours. Décryptage avec Thierry Chopin, professeur à l’École européenne des sciences politiques et sociales (ESPOL) de l’Université Catholique de Lille et conseiller spécial de l’institut Jacques Delors.

Temps de lecture: 3 min

Le second tour sera-t-il «un référendum sur l’Europe», comme l’affirme Emmanuel Macron  ? «Le Frexit n’est nullement notre projet. Nous voulons réformer l’Union européenne (UE) de l’intérieur », se défend Marine Le Pen face au président candidat qui l’accuse de porter un « projet où se cache la sortie de l’Europe », et donc « le retour au nationalisme et le retour de la guerre ».

Officiellement, la candidate ne plaide plus, comme en 2017, la sortie de l’UE ou même de l’euro. « J’ai changé d’avis sur l’UE parce qu’elle a changé » et parce que « j’ai trouvé des moyens plus efficaces pour atteindre mes objectifs », nous confiait-elle cependant avant le 1er tour, interrogée par un lecteur.

« Son programme montre très clairement qu’elle défend une stratégie de Frexit caché »

« Son programme montre très clairement qu’elle défend une stratégie de Frexit caché », confirme Thierry Chopin. Référence à la volonté de la candidate de consacrer la supériorité des lois françaises sur les lois européennes en modifiant la Constitution par référendum ou de « ramener notre contribution nette à l’Union européenne de 9 à 2 milliards ». Ce qui, selon Thierry Chopin, exposerait l’UE à « un risque de délitement ».

« Les autres membres pourraient faire la même chose, il n’y aurait plus de communauté de droit et l’UE ne serait plus qu’une espèce d’organisation internationale sans réelle efficacité ». La France, ajoute le politologue, pourrait se voir privée de fonds européens « dans l’agriculture, dans les programmes d’investissement liés au plan de relance... »

Thierry Chopin est professeur à l’École européenne des sciences politiques et sociales (ESPOL) de l’Université Catholique de Lille et conseiller spécial de l’institut Jacques Delors. PHOTO DR
Thierry Chopin est professeur à l’École européenne des sciences politiques et sociales (ESPOL) de l’Université Catholique de Lille et conseiller spécial de l’institut Jacques Delors. PHOTO DR

Autre différence entre les deux candidats. Lui veut une Europe « plus forte », grâce à une «  boussole stratégique  » commune en matière de défense et de sécurité. Thierry Chopin y voit « la volonté de bâtir une souveraineté à l’échelle européenne face à certains défis de type régalien (crise migratoire, menace terroriste, crise sanitaire...) que les États pris isolément ne peuvent gérer seuls ».

Elle, rêve d’une « Alliance européenne des nations qui a vocation à se substituer progressivement à l'Union européenne », d’une Europe « des coopérations » qui viendrait « mettre un terme au projet de ceux qui veulent faire de l’UE un super-État fédéraliste ».

« Rester unis »

« L’intégration européenne ne peut pas être réduite à une simple alliance », commente Thierry Chopin. « Si on est allé aussi loin, c’est pour bâtir une paix durable. C’est ça la valeur fondatrice de l’UE et elle réside dans la nécessité absolue de rester unis. Sinon, on retournerait à une Europe affaiblie et divisée dont pourraient se réjouir la Chine ou la Russie ».

Si on est allé aussi loin, c’est pour bâtir une paix durable. C’est ça la valeur fondatrice de l’UE et elle réside dans la nécessité absolue de rester unis.

Mais dans un contexte où « il faut sortir de notre insouciance stratégique et renforcer la capacité de défense de l’UE », martèle Thierry Chopin, les deux candidats sont là aussi aux antipodes.

Emmanuel Macron veut renforcer et mieux coordonner les capacités militaires des États via un fonds européen. Marine Le Pen propose une hausse du budget national de la Défense, la fin des « coopérations (...) avec l’Allemagne » et le retrait du commandement intégré de l’OTAN.

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