Les sondages s’entêtent à le donner perdant. L’ancien premier ministre Andrej Babis n’est clairement pas favori dans le duel présidentiel qui l’oppose au héros militaire Petr Pavel. Cet ancien chef du Comité militaire de l’Otan, âgé de 61 ans, sortirait victorieux du scrutin des 27 et 28 janvier, avec de 58 % à 59 % des intentions de vote dans trois études distinctes publiées en début de semaine par CNN Prima News, l’agence Ipsos et l’agence Median.

Essentiellement protocolaire en République tchèque, la fonction présidentielle reste néanmoins incontournable pour nommer le chef du gouvernement, le gouverneur de la banque centrale ou les juges de la Cour constitutionnelle. Le président est également le chef des armées.

Mauvais pari

Pour remonter dans l’opinion, le milliardaire président du parti populiste centriste ANO (« Oui » en tchèque), Andrej Babis, a tout misé sur la thématique de la paix, dans le contexte de la guerre en Ukraine. Sur ses affiches de campagne, un slogan : « Je suis un diplomate, pas un soldat. »

« Babis a une oreille attentive aux sondages, il a certainement identifié ce sujet comme porteur, mais je ne suis pas sûr que cela va suffire. Une fois acculé, il peut dire tout et son contraire », estime Lukas Macek, directeur du campus de Sciences Po à Dijon.

Sa stratégie s’est déjà retournée contre lui, dimanche 22 janvier lors d’un débat télévisé, alors qu’il était interrogé sur l’hypothèse d’envoyer l’armée en cas d’agression de la Pologne ou des pays Baltes « Non, certainement pas, a-t-il répondu. Je veux la paix. Je ne veux pas de guerre. Et en aucun cas je n’enverrai nos enfants et les enfants de nos femmes à la guerre. »

La réponse a provoqué un tollé en République tchèque comme dans les pays voisins, l’article 5 du traité de l’Otan obligeant ses États membres à se prêter assistance en cas d’attaque. L’homme d’affaires est ensuite revenu sur ses propos, mais le mal était fait.

Prime aux galons

Le général Petr Pavel a pour lui pas mal d’atouts, à commencer par ses hauts faits de guerre. L’officier s’est fait connaître pour avoir libéré, en 1993, des troupes françaises assiégées par les Serbes lors de la guerre de Bosnie. Il a lentement gravi les échelons dans l’Otan, après l’adhésion de la République tchèque en 1999, jusqu’à devenir chef du Comité militaire entre 2015 et 2018.

Lorsque la pandémie de Covid-19 a frappé, ce motard passionné a commencé une campagne de basse intensité. Il a notamment fondé l’initiative « Stronger Together » pour gérer diverses crises et aider les personnes dans le besoin. « En promettant l’ordre, il mord sur un électorat nationaliste voire d’extrême droite, très loin de sa base électorale libérale, pro-européenne, plutôt citadine », commente Lukas Macek.

Le militaire a bien un talon d’Achille. On lui reproche notamment d’avoir rejoint le Parti communiste dans sa jeunesse, et d’avoir gravi les échelons jusqu’à vouloir devenir agent du renseignement militaire. « Je n’avais ni assez d’informations ni d’expérience pour évaluer la nature criminelle du régime. Maintenant, je sais que c’était une erreur », s’est-il excusé.

« Babis tente de le comparer à Poutine, mais ça ne marche pas, car la critique vient d’un candidat sur qui porte entre autres le même type de soupçon », souligne Lukas Macek. Andrej Babis a tout fait pour démentir devant les tribunaux son appartenance à la police secrète, le StB, dans les années 1980, lorsque l’ancienne Tchécoslovaquie faisait partie du bloc communiste sous la coupe de Moscou. Mais ses plaintes ont toujours été rejetées.